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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 29 Mars 2012 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:- en format pdf: http://fr.calameo.com/read/00037044651faa7fefd50
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« L’utilité
commune est le fondement de la société civile.»,
Jean-Jacques Rousseau [1712-1778]
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Depuis la
dernière brève visite de quelques heures de la secrétaire d’Etat d’Amérique
Hillary Clinton, beaucoup de questions n’arrêtent pas de susciter les
commentaires et les interrogations. En effet, la diplomate en chef des USA
avait reçu aussitôt dès son arrivée à Alger, des membres présentés comme étant
les représentants de la société civile algérienne version américaine.
Ce qui a
surpris bon nombre d’observateurs est qu’aucune figure parmi ces présumés
membres n’était connue du monde social dans le pays. C’était la grande
surprise. Heureusement que Google est là pour assouvir les curiosités en allant
se ressourcer sur leurs filiations dans le célèbre moteur de recherche pour
savoir qui fait quoi. Comme on peut le douter fortement, les américains, et c’est
plus que normal, sélectionnent leurs interlocuteurs qu’ils présentent comme
étant les émissaires de notre société civile qu’ils estiment, à leurs yeux, les
plus plausibles à jouer un rôle majeur, bien sûr, selon leurs intérêts et leurs
stratégies futures et c’est encore plus que logique. Leurs plans d’action
s’étalent sur des décennies et ne se réduisent nullement en des périodes
restreintes.
Un vrai
camouflet pour les tenants de notre politique qui pourtant avaient convié en
juin dernier les états généraux des acteurs supposés de la présente société
civile.
On peut
reposer la question de manière différente: Si Mme Clinton décidait de
s’entretenir avec la société civile d’un pays européen, aurait-elle choisi de
discuter avec des têtes pratiquement inconnues de ce pays ? La réponse
aurait été sans doute par la négation. Là-bas, elle discuterait directement
avec les politiques légitimes tout en sachant que la société civile jouit
pleinement de son implication dans tous les rouages de la vie sociale. On
pourrait conclure de façon prématurée que les USA préparent et misent sur une
autre conception de la société civile dans notre pays puisque nous n’avons pas
su faire émerger la nôtre, à l’image d’ailleurs de la politique, et se répandre
en un véritable fondement du pays.
A force d’en
pré-fabriquer une fausse dans nos laboratoires, on se verrait tôt ou tard nous
imposer de l’extérieur une autre société civile totalement indépendante de
l’actuelle, la prétendue officielle. Le résultat est amer et difficile à
admettre. En effet, les gouvernants ont toujours favorisé l’émergence d’une
société civile identique à leur image qui n’est jamais indépendante dans ses
actes et ses programmes. Elle n’est là juste pour servir de décor et
applaudir dès qu’on lui mime l’ordre de le faire. Aujourd’hui, on paie cash les
politiques aveugles du passé. L’inexistence d’une réelle société civile, par
ces temps de bouleversements régionaux, laisse un grand vide sur le terrain et
prive le pays d’interlocuteurs actifs, crédibles, valables et légitimes face
aux autorités.
Le fait que
les américains autoproclament une société civile selon leurs visions et
totalement différente de celle qui est agréée par les pouvoirs publics, les
responsables Nord-Américains ont voulu sans aucune incertitude nous donner sans
états d’âme un signal fort sur leurs futures intentions. En fins visionnaires,
ils ne prennent jamais les choses à la légère. Leurs choix sont allés à la
société civile contrairement à l’opposition dans le monde politique. Ce n’est
pas la première puissance mondiale pour rien et ne font jamais les choses
hasardement. Et de ce point de vue, ils y voient certainement juste. Ils
souhaitent composer avec la force de frappe de la société en misant
principalement sur sa jeunesse. De plus et c’est aussi un autre carton rouge
déployé à notre face, l’ancienne première dame des états unis avait privilégié
sa rencontre avec « sa » société civile avant d’avoir discuté avec
les autorités politiques du pays.
Si l’on est
arrivé à cette situation inextricable, cela signifie que nous avons beaucoup de
lacunes dans la société civile actuelle et qu’il reste dorénavant beaucoup de
chemins à parcourir pour espérer atteindre l’éclosion de ce véritable socle.
Les champs politique et social doivent évoluer de pairs. L’un ne peut marcher
sans l’autre mais pas en s’entremêlant les prérogatives.
ÉTATS
GÉNÉRAUX
On se
rappelle donc qu’en juin 2011, les pouvoirs publics avaient organisé, en pleine
effervescence de ce que les occidents avaient nommé "printemps"
arabe, les états généraux de la société civile. Cela voulait tout
simplement montrer que le pays avait un besoin crucial de réactiver une société
civile en pleine léthargie, plongée dans un profond coma. Il ne
s’agit pas ici non seulement d’établir un constat de cette société civile qui
n’est que l’ombre d’elle-même mais un audit expert est indispensable pour
déceler tous ses maux en dressant un diagnostic serein.
Comment
mettre en marche une machine qui est pratiquement toute rouillée et
complètement rongée et qu’on ne fait appel à ses « précieux »
services qu’à la veille d’échéances électorales ? En quelque sorte, il faut
faire le bilan de plus de deux décennies depuis au moins l’ouverture du champ
social d’octobre 88. Ce n’est pas réclamer un mea culpa mais il est absolument
nécessaire de faire son autocritique en évitant de traîner les boulets du passé.
Une société
civile demande les efforts de tous, surtout y compris des pouvoirs publics qui
devraient voir d’un bon œil l’éclosion d’une société civile représentative et
dynamique et non celle qui glorifie à tout rompre ceux qui sont aujourd’hui en
haut de l’affiche. De plus, elle a vanté, à travers un nombre appréciable
d’associations pour ne pas dire la majorité, sans retenue aucune tous les
carnavals de toutes les « dechrates » et en fermant les yeux sur les
abus ayant fait très mal au pays. L’Algérie dispose quand même de gens
intègres, compétents et animés de bonnes volontés qui puissent relever les
défis en souffrance. L’Algérie, à l’instar des grandes nations, doit miser sur
l’émergence d’une authentique société civile pour repartir sur une bonne
monture en attendant que les politiques refassent surface sur la scène plus
sainement.
LA DÉFINITION
Selon
Wikipédia (*), pour ne pas creuser loin dans les explications, la société
civile est le domaine de la vie organisée qui est volontaire,
largement autosuffisant et autonome de l'État. Par exemple, une élection est un
des événements principaux où la société civile se trouve mobilisée, notamment à
travers l'éducation de l'électorat. C'est le corps social, par opposition à la
classe politique.
L'Unesco,
comme le précise d’autre part Wikipédia, entend par société civile,
l'auto-organisation de la société en dehors du cadre étatique ou du cadre
commercial, c'est-à-dire un ensemble d'organisations ou de groupes constitués
de façon plus ou moins formelle et qui n'appartiennent ni à la sphère
gouvernementale ni à la sphère commerciale.
Comme
le note Wikipédia, dans la pratique, ceux-là n'agissent toutefois pas
individuellement mais dans un cadre associatif. Une telle association peut être
considérée représentative à condition qu'elle ait été constituée sur la base de
la volonté et des propres intérêts des citoyens se déclarant formellement et
juridiquement membres de l'association.
Wikipédia
rajoute encore plus loin que la société civile regroupe notamment les organisations
syndicales et patronales (les "partenaires sociaux"), les Organisations
Non Gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les
organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui
impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution
spécifique des églises (chez nous, ce sont donc majoritairement les mosquées)
et des autres communautés religieuses.
Wikipédia
conclut que pour qu'une telle association ou organisation soit en effet
une partie active et l'expression de la volonté de citoyens, il s'avère
nécessaire que les associations formant la société civile disposent d'une
structure et d'une forme d'action intérieure tout à fait démocratiques. Ces
nécessités excluent par conséquent des organisations qui ont été constituées
par l'État, l'économie ou des églises (il faut donc l’adapter aux mosquées).
Par ailleurs
et selon le site d’Agora (**), la société civile, c'est ce qui reste d'une
société quand l'État se désengage complètement. En prônant le désengagement de
l'État, on prônerait un renouveau ou une réactivation de la société civile.
D’autre part, un fonctionnaire entre dans la société civile sitôt qu'il quitte
ses bureaux. Enfin, la solidarité est l’une des caractéristiques d'une
société civile vivante, complète le site.
LAQUELLE ?
Où en
sommes-nous dans toutes ces belles notions théoriques ? Faut-il conclure
que la définition de tous ces concepts de la société civile soit similaire par
rapport à la nôtre ? On peut remplir des milliers de pages sans trouver
effectivement les réponses adéquates.
Y-a-t-il
d’abord une société civile ou alors c’est un conglomérat d’agréments qui n’est
actionné que lorsque le besoin se fait exprimer par des parties dissimulées
derrière le rideau ? N’est-il pas vrai que chaque fraction dispose de sa
propre société civile à travers les organisations qu’elle chapeaute sous le
manteau ? N’est-il pas réel qu’à chaque fois qu’une partie occulte a mal à
la tête ou veut jouer les trouble-fêtes à la recherche de plus de postes
rentiers dans le quota, fait actionner ses partisans se trouvant au sein de
cette supposée société civile pour obtenir gain de cause. C’est presque là une
forme de chantage qui apparaît lorsqu’on court-circuite de façon notoire le
monde associatif et social. Nous connaissons fort bien ce phénomène par exemple
à l’université où pullulent dans les campus des associations faisant cause et
roulant pour leurs parrains et en shuntant les problèmes palpables des
étudiants, laissés pour compte se débattre dans leur amer quotidien.
DÉSERTIQUE
AU NIVEAU LOCAL
Si au niveau
national, la société civile fait défaut, au niveau local, c’est le désert. La
plupart des autorités locales, pour ne pas dire tous, ne font appel qu’à une
certaine catégorie qui s’est fait propulsée « notables de la ville »
comme à une certaine époque datant d’avant l’indépendance. Elles ignorent
carrément les outils de gouvernance du monde moderne à travers des associations
avérées défendant les généreuses valeurs et les bonnes mœurs. Si elles
accordent les autorisations, c’est pour des associations dont les présidents
sont malléables à souhait. Rares sont ceux qui passent à travers les mailles du
filet. Toute voix discordante qui dérange, est éliminée et éradiquée à la
source.
Des milieux
occultes locaux, sans foi ni loi, entretenues abondamment par la rente, se sont
installées dans la durée en devenant les interlocuteurs et représentants
privilégiés d’une certaine société civile devant des citoyens désarmés, sans
force et en ayant perdu tout espoir d’un renouveau. Ce n’est pas par hasard que
des foyers de tensions n’en finissent pas de se déclarer un peu partout dans le
pays sans que l’on puisse trouver les bons remèdes et les adéquates solutions.
Ceci démontre bien que les citoyens sont substitués à travers ces
intermédiaires qui ont squatté tous les espaces aidés en cela dans leur besogne
par des mains non moins innocentes. Ces espaces ont été usurpés de fait par une
sorte de mafia sociale dont la légitimité repose essentiellement sur le pouvoir
de l’argent sale et la corruption en général. Lorsqu’on additionne toutes ces
aberrations locales, on mesure assez bien l’étendue des dégâts sur le plan
national.
LA CRÉDIBILITÉ
En outre, il
existe certainement de nombreuses d’associations qui n’ont jamais vu le jour
par la faute des mécanismes bureaucratiques inimaginables imposés, leur mettant
les bâtons dans les roues, héritages du passé dont on ne veut pas s’en défaire.
Il est facile de vérifier, si la création d'une simple association est une
chose aisée, pour s’en apercevoir amèrement. Il faut s’attendre à un parcours
du combattant mais s’il s’avèrerait que le projet de l’association pourrait
embarrasser, ses jours seront comptés. Elle doit être brisée dans son œuf, elle
ne resterait qu’une imaginaire idée jamais concrétisée.
Peut-on
changer du jour au lendemain les vieilles mentalités par une quelconque
baguette magique ? On ne peut retrouver sensationnellement une
parole colorée auparavant de la langue de bois pour devenir soudainement
audible. Il se peut que beaucoup de membres de la société civile se trouvent en
dehors, écartés de facto car ne rentrant pas dans la feuille de route.
Attendons la suite des intentions pour pouvoir mieux jauger.
LA FORCE
TRANQUILLE
La société
civile n’est pas une voie de garage, elle n’est pas non plus une maison de
retraite. Elle doit être vitale. Elle a besoin d’une nouvelle sève nourricière
pour se déployer dans la société.
L’absence
d’une société civile énergique manque terriblement surtout lors des crises
aigües que connait chroniquement le pays et qui ne cessent de miner la société.
Les faux représentants ont ruiné les espérances d’une jeunesse qui ne croie
plus en cette société civile dont la carte est complètement déformée. Une
recomposition suivant les règles prescrites des normes des pays émancipés, est
plus qu’indispensable.
La société
civile n’est pas une opposition ni un contre-pouvoir, elle est la conscience
qui existe à l’intérieur de la société. Elle est sa force tranquille.
Organisée, elle peut faire des merveilles en jouant superbement son rôle et son
utilité. Elle est le guide moral. Elle n’est ni le porte-voix d’un parti ni une
charrue ni le bras armé de quelque partie que ce soit. Elle ne doit pas avoir
une couleur partisane, ce n’est point son objectif. Elle doit éclairer le
politique pour aller vers le meilleur et le plus bienfaisant au peuple et au
pays. Elle est présente pour barrer la route à tout aventuriste qui ose lui
ôter un seul de ses attributs. Une société civile puissante et omniprésente est
capitale pour un état qui ne serait que renforcé et respecté. Lorsque sa
présence est aléatoire, occasionnelle, c’est la déliquescence des institutions
et le pays avec qui suivrait la descente infernale vers les profondeurs.
Mais faut-il
aussi procéder au tri dans cette société. Il y a celles qui avaient reçu et
bouffé sans limites toutes les aides financières pour devenir une véritable
caisse noire à la disposition de parties sans aucun ancrage dans la société. La
société civile stérile a besoin d’une épuration sociale et juridique pour
devenir fertile.
Une société
civile, c’est ça. Elle doit être partout influente. Elle est l’œil attentif et
vigilant du pays qui alerte tout disfonctionnement de ses structures. Et c’est
pour cette raison qu’elle doit recevoir tous les appuis nécessaires pour la
vivifier. Lui couper l’air, c’est le pays qui suffoquerait et gémirait par
asphyxie. Elle doit constituer une assise formidable. Les politiques partent et
reviennent en s’alternant en principe au pouvoir, la société civile doit
demeurer la gardienne du temple. Elle ne peut se taire sur aucun écart tentant
de l’amadouer ou de l’affaiblir. Son ambition n’est pas de se maintenir
au pouvoir mais elle est celle du baromètre de la conscience, de la vertu, de
l’honnêteté et de la moralité de ce peuple.
Références:
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