Ce
qui s’est déroulé ces trois derniers jours à Paris est inouï. La vidéo amateur
sur le sauvetage d’un enfant de 4 ans suspendu dans le vide d’un balcon du 4ème
étage d’un immeuble parisien et circulant à la célérité de la lumière sur les
réseaux sociaux, a provoqué en quelques heures un incontestable buzz viral
jusqu’à faire ameuter tous les médias français et d’en faire la Une de leurs
journaux.
En
effet, Mamoudou Gassama, dont le nom ne vous disait certainement rien la
semaine dernière, est soudain passé de l’anonymat à un héros national dans
l’hexagone. Comme par un miracle avéré, il est passé de l’obscurité à la
lumière du jour. Il passe ainsi de l’enfer de la clandestinité d’un sans-papier
qui craint d’être attrapé par la police et renvoyé manu-militari chez lui, vers
un homme respecté et louangé par toute la France sauf, et sans prendre la peine
de le vérifier, par son aile droitière sarkoziste et vallsiste et son extrême lepeniste
qui, sans aucun doute fulminent dans tous les sens et se terrent sans voix, ne
supportant pas à ce qu’il arrive à leur pays chéri.
Le
président Macron a aussitôt senti venir la vague sur laquelle il faut tout de
suite monter pour la guider à bon port. Il a eu du flair le jeune président pour
profiter de cette occasion de redorer son blason. Il a montré qu’il n’est
nullement un néophyte en matière politique que seuls les plus aguerris arrivent
à renifler un tel coup de maître. C’est vrai qu’on dira ce qu'on dira mais jamais ce harrag malien ne pouvait
illusionner d'être reçu par le président de son propre pays et de surcroît vêtu
d’un jean et d’un tee-shirt des banlieues ! Il faut quand même reconnaître au novice
président français la vitesse avec laquelle il a pris sa décision de le
recevoir aussitôt.
Un
enfant sauvé en direct live de la mort, cela va émouvoir la France entière. A
la fin du mois, il va y avoir des points à glaner. Et puis d’abord, il ne peut
être un humain celui qui n’aime pas un enfant. Les choses vont ainsi se
précipiter pour le jeune Mamoudou qui à coup sûr, a dû vivre tous les calvaires
depuis Bamako pour arriver précisément à la minute M et à la seconde S dans
cette rue parisienne pour être le secouriste attendu de ce pauvre enfant dont
personne n’a osé accomplir le prodigieux geste dont il est maintenant le
dépositaire par son sens inné d’un être humain auquel il était habitué dans son
environnement naturel africain.
Mamoudou
était certainement par hasard dans ce quartier, sans doute à la recherche d’un
quelconque emploi au noir pour survivre durant cette fortuite journée comme
tous les migrants qui vivent dans les conditions des plus déplorables. Sorti
donc de nulle part, le voici sans réfléchir et sans hésitation aucune escalader
les étages, balcon par balcon, à la force de ses bras et suivi par les passants
qui se sont amassés au bas de l’immeuble, ébahis par son courage et sa
détermination. Spiderman, c’est d’ailleurs, le surnom qui lui a été donné par
les facebookiens, fascinés par son agilité et son cran. C’est le destin qui l’avait
appelé à être présent en ce lieu à cet instant précis et qui va marquer à
jamais sa vie.
Pour
le moment, personne ne sait comment il avait atterri à Paris à partir de sa
lointaine Mali. Les scénaristes télécommandés pour la bonne cause vont écrire
le scénario authentique et le reluire en lui donnant une touche appropriée et produire
un éventuel film en gestation, à la hauteur de l’événement et de l’émotion provoquée
chez le peuple français devant l’héroïsme de l’humble et modeste Mamoudou. On
aura à relater aux petits et aux grands l’histoire de Mamoudou Gassama, ce sauveteur
que Dieu a envoyé au béni petit enfant français. Comme il y a des Mamadou
méchants, il se trouve qu’on peut également fabriquer selon les circonstances, un
bon Mamoudou que l’on extirpe hasardement de son milieu par le biais de la
loterie.
L’exploit
de Mamoudou n’est certainement pour lui qu’un jeu d’enfants. Ce qu’il a subi comme
dangers pour parcourir des milliers de kilomètres et arriver jusqu’à sa
dernière destination parisienne est un vrai parcours du combattant. Traverser
une Libye en pleine guerre civile que le sinistre prédécesseur de Macron
l’avait provoquée et que ce dernier ne l’a d’ailleurs jamais renié, n’est pas
une mince affaire. Franchir le désert libyen n’est également pas une chose
aisée surtout avec la menace permanente d’être tombée entre les mains des
milices armées qui abondent dans ce pays.
Je
pense que Mamoudou a vu, au cours de son
long périple, des familles libyennes complètement décimées et des enfants, victimes
des frappes l’aviation française. N’allez pas me dire qu’il n’y a pas eu un
seul petit enfant de ce pays qui n’est pas mort indirectement ou tué par un obus
tiré d’un avion ou d’une flotte de l’armée française dont Macron est
aujourd’hui le chef suprême ? Je ne peux non plus croire qu’aucun enfant syrien
n’a été victime d’une balle française, ne serait que perdue, lors des multiples
bombardements que personne n’avait filmés pour le compte des médias français
qui aujourd’hui se sont levés comme un seul homme en passant en boucle l’exploit
de Mamoudou ? Ceux-là, c’est vrai qu’ils sont loin des yeux. On ne s’en soucie
guère. Ce ne sont pas les enfants de leur pays.
Si
l’on est sensible aux anges petits enfants, on doit l’être pour tous sans quoi
cet amour ne peut être que sélectif. Je ne vous raconte pas comment ces mêmes
médias feignent de voir et bannissent sur leurs écrans toutes les images venant
de Ghaza ou des autres territoires occupées dans lesquelles l’armée sioniste
expérimentent à longueur d’années toutes les armes non-conventionnelles sur les
enfants palestiniens. N’a-t-on pas vu à la veille du mois du Ramadhan parmi les
59 palestiniens exécutés par l’armée sioniste, non seulement des enfants mais
pire encore, des bébés comme l’ange Leila al-Ghandour, âgée de huit mois, sans
que l’on s’émeut outre méditerranée ? Comme d’habitude et en bon allié
médiatique, ils vont justifier la mort. Et encore, et encore…
Pour
revenir à Mamoudou, j’estime que son plus grand risque a été sa traversée incroyable
de la mer méditerranée tout en bravant le déchaînement de la grande bleue dans
une embarcation de fortune, entassé avec ses frères migrants comme des sardines
et la mort les guettant à chaque seconde jusqu’à leur arrivée dans une côte à
Lampedusa l’italienne. Pour mesurer leur incroyable prouesse, il suffit d’aller
sur youtube et voir toutes ces vidéos de ces harragas raconter leurs aventures,
digne d’un film à grand succès.
En
observant Macron questionner Mamoudou sur sa bravoure, la timidité de ce
dernier prouve qu’il était vraiment gêné par la question. Son héroïsme était
ailleurs dans ses multiples péripéties entre le Mali et la France, en passant
par toutes les embûches où à chaque fois il avait lutté contre la mort. Si Macron
savait à quel homme il avait affaire, assis en face de lui, il n’aurait pas dû
poser sa question. Lui qui est né avec une cuillère en or à la bouche, il ne
pouvait jamais mesurer et percevoir les antécédents exploits de Mamoudou.
Mamadou
a vu son étoile briller ces jours-ci dans le ciel parisien et son histoire est,
à ne pas en douter, racontée dans toutes les chaumières. Il y a un avant « 26
mai 2018 » et un après cette date. Une nette coupure entre les deux. Nos
harragas sont émerveillés par un tel acte et surtout au vu de l’accélération
des événements pour Mamoudou. A cet effet, je me permets d’emprunter à mon ami
Mustapha cette phrase qui en dit longuement sur leurs futures ambitions :
« Avis aux harragas : Si vous voulez avoir vos papiers, soyez aux
aguets près des cours d'eau et aux abords des plages non surveillées pour sauver
de la noyade de pauvres petits français imprudents et en bas des immeubles et
des montagnes pour sauver des alpinistes nonchalants ».
Sollicité
de toutes parts, il est traqué par les médias à la recherche de gonfler leurs
scores à l’audimat, non pas pour le dénoncer à la police suite à un séjour
illégal dans leur pays mais pour arracher de lui une exclusivité, ne serait-ce
qu’un petit mot doux pour les français et de leurs questions stupides qui
ressemblent à quelques uns de nos médias. En un temps record, on essaie de
retracer toute sa vie au Mali pour retrouver ses origines, sa famille, ses
proches et ses amis.
Pour
le moment, il est dans son nuage comme quelqu’un qui a gagné la grosse cagnotte
au loto. Après Macron, c’est au tour du président du Mali de l’appeler en
personne à son portable à qui il lui demande de rentrer au pays et d’être
engagé tout de suite dans l'armée malienne. S'il n'était pas reçu et médiatisé
par la presse hexagonale, je doute fortement qu’il soit sollicité par son
président de là-bas. Mais pour le moment, c’est trop tard pour lui. Macron l’a
déjà précédé. Il fallait réagir au moment opportun.
Pour l’instant,
il vit un rêve, une hallucination ahurissante. Deux jours après, toutes les
portes qui étaient scellées, lui sont dorénavant grandes ouvertes. Ainsi, il
est reçu le jour d’après sur instruction de Macron, comme un officiel par le
préfet de Bobigny afin de régulariser sa situation et de pouvoir entamer sa
naturalisation. Dans l’après-midi, il est déjà opérationnel chez les pompiers,
le métier qu’il veut exercer.
Pour
votre information et je l’écris en connaissance de cause d’un proche parent, il
faut se lever à 4 heures du matin, même en hiver, pour quelqu’un qui est arrivé
sur le territoire français en situation régulière, pour faire la chaîne devant
une préfecture tout en espérant, dès l’ouverture des portes à 8 heures du
matin, décrocher un ticket afin d’accéder aux guichets. Les places sont
limitées et si on n’y arrive pas à réussir à obtenir le sésame, il faut revenir
le lendemain et retenter sa chance, sinon c’est rebelote !
Ah, si
tous les problèmes se régleraient ainsi en un claquement des mains pour tous les
administrés de l’humanité ! Sinon, cela reste toujours une loterie où de
temps en temps, on tire au sort un heureux élu. Pour le moment, on ne va faire
jouer à Mamoudou que le rôle qui lui est assigné de l’arbre qui dissimulera
l’antichambre dans laquelle croupissent ses frères migrants jusqu’à ce que la
chance puisse sourire un autre « 26 mai » à un providentiel prétendant,
autrement c’est le retour à l’envoyeur de l’encombrante marchandise.
Pendant
ce temps, son président de là-bas se mord les doigts d'avoir raté une si
précieuse carte électorale pour une éventuelle échéance mais son désormais président
d'ici a sauté sur cette enviable occasion qui ne tombe pas du ciel aussi
facilement. Peut-être qu'à cette allure des offres politiques, Mamoudou finirait
par être nommé Général dans son ex-pays de là-bas qui pourrait lui changer de
destin ou je parierais sur une sollicitation de partis politiques français en
quête de résultats au scrutin, à être dans leurs prochaines listes électorales.
On ne gaspille pas une si jolie tête qu’il faut absolument bonifier.
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