Le jeudi 8 juillet 2011 vers 16h45mn, je reçois un coup de fil d’un collègue de l’université d’Annaba m’annonçant subitement le décès de notre collègue universitaire et syndicaliste Madame Zoubeida Hanoune. Je suis resté abasourdi, l’air vaguement égaré pendant plusieurs minutes, sonné par la mauvaise nouvelle que je viens de recevoir comme un coup de massue sur la tête à 900 km de chez moi. Madame Hanoune venait de rendre l’âme une demi-heure auparavant après une lutte de 8 mois contre la maladie qui venait de l’emporter.
Durant tous ces mois, j’étais continuellement informé par mes collègues Abdelhamid et Noureddine ainsi que par sa famille du moindre détail de l’évolution de son état de santé. On a eu de bonnes et des moins bonnes nouvelles. Des hauts et des bas. On s’accrochait à l’infime espoir de la voir guérie et rétablie. Plus le temps durait et plus l’inquiétude gagnait nos rangs. On ne cessait de prier tout le temps pour elle. A une semaine, de son décès, j’avais perdu l’espoir de la revoir un jour après avoir téléphoné à ses proches et aux amis. Depuis ce jeudi 1 juillet, j’appréhendais très mal la terrible annonce jusqu’à ce fatal coup de fil de mon ami Noureddine suivi immédiatement par celui de mon cher Abdelhamid.
Elle avait souffert le martyr pendant assez longtemps. Je suis resté pendant un long moment silencieux sans pouvoir prononcer un mot. Mon collègue Noureddine, au bout du fil, croyant que la communication eut été coupée, me rappelait aussitôt pour se tranquilliser de la perte de ma voix. C’étaient juste les souvenirs du visage de la défunte et les moments inoubliables qui défilaient en une fraction de secondes dans ma tête. Son légendaire sourire ne me quitte plus. Ses gestes et ses tics me poursuivent inlassablement. Les larmes commençaient à descendre doucement sur mes joues et ma gorge se nouait péniblement. Je peinais difficilement à trouver la parole tellement l’émotion était trop forte. Il fallait indispensablement verser ces larmes chaudes pour me soulager du chagrin qui m’envahissait de partout. Depuis, le téléphone n’arrêtait pas de sonner, d’est en ouest et du nord au sud, des amis abattus par la terrible nouvelle et qui présentaient leurs sincères condoléances. Notre regrettée avait une solide réputation au sein de toute la communauté universitaire du pays. Elle n’aimait pas être médiatique mais elle était connue de tous. Elle était de ceux et de celles qui activaient dans l’ombre.
Effectivement, c’est une grande figure emblématique du syndicalisme qui nous dit Adieu. Le syndicat des enseignants du supérieur CNES est orphelin. Il lui sera difficile de la remplacer avant très longtemps. Elle constituait un équilibre extraordinaire au sein de la composante du syndicat. Elle était la force tranquille et ne paniquait jamais devant les situations les plus difficiles. Au contraire, elle apportait l’assurance nécessaire pour notre mouvement. La preuve, aujourd’hui tout le monde lui reconnait ses valeurs. Par sa grande expérience acquise de longue date sur le terrain, elle ne réagissait qu’après de mûres réflexions. Elle ne se précipitait pas de prendre de rapides conclusions. Elle qui était la coordonatrice adjointe du CNES et une des premières promotrices du mouvement syndical universitaire et fondatrice du premier et unique syndicat universitaire autonome le CNES. Elle était aussi une des plus personnes les plus influentes du syndicat. Ses conseils étaient appréciés de tous. Elle était respectée pour son immense personnalité. Je n’ai jamais rencontré dans ma vie une femme aussi résolue et capable d’inverser les situations les plus désespérées.
On ne t’oubliera jamais Madame Hanoune, l’aimable femme humanitaire et la syndicaliste déterminée. Tes initiales seront dessinées en lettres d’or dans nos mémoires tellement tu nous as marqués. Les réunions, sans ta présence, provoqueront un vide certain, toi qui n’a que très rarement manqué une occasion pour affirmer haut et fort les revendications des enseignants. Tu étais une partie de l’histoire vivante et debout du syndicat CNES. Tu es partie trop tôt alors que tu pouvais encore donner davantage mais le destin en a voulu ainsi. C’est la volonté suprême du Dieu tout puissant. Tu n’abandonnais jamais la partie, tu allais souvent jusqu’au bout de tes idées, sans extrémisme ni aller se cogner contre un mur.
Tu étais toujours d’une disponibilité incroyable. Lorsque tu venais à Alger, tu ramenais toujours des médicaments introuvables sur le marché pour tel ou tel camarade qui te sollicitait ou des gourmandises pour détendre une atmosphère tendue pas les débats. Franchement, tu égayais le bureau national. Tu étais la chandelle qui illuminait les réunions. On sentait des signes dans ton visage lorsque tu n’étais pas d’accord pour une quelconque démarche. Tu tapais fort sur la table pour mettre de l’ordre ou pour infléchir un cas défavorable.
Il me faut des pages et des pages pour te retracer ta carrière syndicale, ces modestes lignes ne sauront aucunement décrire même furtivement ta vie qui a été pleine en activités dynamiques pour la société civile. Un hommage particulier est nécessaire pour tracer ton itinéraire dans cette vie d’ici-bas. Tu étais d’une générosité excessive. Tu partageais même une orange avec nous tous, le fruit que tu adorais le plus. Une Dame fière de ta condition et de tes actes. Une constantinoise admirable devant son passé. Adorable à souhait. Dès que tu adoptais quelqu’un comme un frère, c’est pour de bon. Ta sincérité dépassait l’inimaginable.
Je me rappelle de ce samedi 18 octobre 2008 où tu tenais à te déplacer d’Annaba à Mostaganem pour assister à l’enterrement du défunt collègue Mohamed Benchehida. Malade mais tu voulais être présente ce jour-là pour soutenir tes camarades de l’université de Mostaganem. Je me rappelle que tu me disais qu’il s’agit de mort d’homme et qu’il fallait être absolument sur les lieux pour marquer l’esprit de solidarité avec sa famille et ses collègues. C’est ce que je témoigne fortement aujourd’hui. Tous les collègues présents ce jour-là à l’assemblée générale des enseignants étaient éblouis par ta merveilleuse intervention en leur découvrant les préceptes et les principes de la lutte. Tu nous donnais les leçons du militantisme. Tu avais ému l’assistance par tes convictions et ta persévérance pour la promotion de l’enseignant universitaire et de l’université algérienne.
A cause du nom que tu portais, tu n’osais jamais faire un pas dans le monde politique. Pourtant tu avais toutes les compétences requises et les aptitudes reconnues. On sentait que tu étais prédestinée uniquement pour la cause syndicale et humanitaire. Tu travaillais beaucoup plus pour l’au-delà à travers ton total dévouement. Tu étais animée par une volonté farouche pour relever tous les défis. Tu étais une syndicaliste née pour la défense des droits socio-professionnels de tes collègues.
Ta famille vient de perdre une épouse, une mère, une soeur et une fille, la ville d’Annaba vient de se faire déposséder de la présidente de l’association humanitaire « Amal », les mondes syndical en général et universitaire en particulier perdent une syndicaliste hors du commun. Tu es une grande Dame que l’Algérie a enfantée et tes actions resteront gravées à jamais dans les commémorations que ce soit à Annaba ou dans les universités du pays.
Tu n’as même pas pu profiter de ta nouvelle paie en décembre 2010 lors de la promulgation du régime indemnitaire pour lequel tu t’es battu avec toutes tes forces, tu venais de tomber malade un peu plus d’un mois auparavant pour ne plus te relever. Tu discourais toujours qu’on se bat pour les universitaires et l’université publique de demain. C’était un devoir d’avoir sacrifié nos carrières au profit de l’université des enfants de ce pays. On dirait que tu sentais la prémonition d’un départ précipité vers les cieux.
Il y avait foule lors de la cérémonie de tes funérailles en ce vendredi 9 juillet vers 16h30mn à Annaba à la mosquée « Firdaous » du quartier « Kouba » puis au cimetière « Ghazouani », ta dernière halte juste en face de la mer. Un coin qui ressemble à un petit paradis terrestre que tu mérites amplement au vu du témoignage de tes nombreux collègues universitaires d’Annaba qui t’avaient accompagnée jusqu’à ta dernière demeure. Pour moi, ton côté humanitaire, c’était ton jardin secret, c’était une autre face de toi que le monde syndical ignorait sauf pour les plus intimes. J’avais du mal à comprendre comment tu pouvais allier ces deux délicates missions en même temps. Mais ta volonté, ta ténacité et surtout ta foi te permettaient de maintenir cette allure de battante à tous points de vue.
Je me rappelle t’avoir un jour attendu à l’aéroport d’Alger en provenance de Montpellier où tu avais établi des liens avec d’autres associations humanitaires. Ce jour là, tu débarquais à Alger avec 2 grandes cabas pleins à craquer de médicaments de toutes sortes pour les malades cancéreux. Tu aimais aider les malades, leur apporter ton soutien indéfectible. Tu étais présente dès qu’on avait besoin de toi. Tu n’osais jamais dire non à une sollicitation d’un malade désespéré. Tu ne rechignais point devant l’effort. Le monde médical, c’est une de tes facettes, toi, la spécialiste en linguistique.
En une fraction de secondes, les moments qu’on a passé ensemble au bureau national et au conseil national du syndicat CNES défilaient à une allure vertigineuse. Je me souviens t’avoir vue pour la première fois en septembre 2000 lors d’une session d’un conseil national au siège national du CNES sis 8 Rue Arezki Hamani (ex-Rue Charasse) en plein centre d’Alger. Le syndicat venait juste d’arracher une augmentation des salaires après d’âpres et longs combats. Dès que tu avais intervenu, sincèrement j’étais captivé et fasciné par tes lucides interventions. Tu parlais d’une voix très élevée d’un ton soutenu pour se faire entendre et avec une assurance des grands orateurs. Tu étais une oratrice hors paire. J’admirais ton énergie débordante et ta fougue illimitée. Je te prenais comme exemple en désirant te ressembler un jour et te mimer. Tu demandais la prise de parole au moment opportun pour apporter tout ton poids afin de mettre fin aux altercations lorsque les camarades divergeaient. C’était la trempe d’une forte personnalité qui m’avait profondément marqué en toi. Je commençais à bien te connaître par la suite au bureau national de janvier 2004 jusqu’à ce jour. C’est là que nos liens se sont approfondis et se sont tissés davantage. On était devenus grande sœur et frère. C’est comme ça que je préférais t’appeler. Quoique nous sommes devenus des amis intimes, je n’ai jamais pu t’appeler par ton prénom pendant ces 7 années de profonde amitié. Tu forçais considérablement le respect de tous.
Tout ce que je demande aux collègues enseignants universitaires, c’est d’avoir une pensée pour cette extraordinaire femme qui avait bataillé de toutes ses forces pour le bien-être de l’enseignant chercheur et le renforcement de l’université publique. Je me permets de dire que tu nous dépassais en lutte. Tu quittes ce monde la conscience tranquille avec le devoir accompli. Prions pour toi profondément. Que Dieu t’accueille dans son vaste paradis dont c’était ton souhait le plus absolu. Adieu grande sœur pour l’éternité. Repose-toi en paix chère grande Dame.
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Allah yerhemaha
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