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Article publié le Dimanche 17 Novembre 2014 sur les colonnes du Quotidien d'Oran sur le lien suivant: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5206147
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Avec l’éclosion
d’internet et surtout la floraison des réseaux sociaux, Facebook en particulier
dans le pays, l’information est actuellement diffusée à la célérité de la
lumière. Tu peux être informé plus vite que le ministre de l’information de ton
pays si une nouvelle est balancée aussitôt sur la toile et que tu sois au même
moment connecté ou reçois une alerte instantanée si tu es abonné. C’est
inimaginable ! Cela aurait été impossible, il y a quelques années. Si on
nous parlait de cette extraordinaire percée, personne n’y aurait cru. C’eût été
de la science fiction.
Et pourtant, ce qui
nous arrive, se passe dans un monde bien réel. Ou l’on suit le train ou l’on
reste en retard sur le quai. Tu vis dans l’ère de la mondialisation dont tu ne
peux rien dissimuler. On est surveillé H24 par les satellites qui tournent
autour de nos têtes. Les rues de chacune de nos villes sont photographiées tous
les jours et actualisées sur Google Earth et que n’importe quelque être à
travers le monde peut les consulter à sa guise d’un seul clic de son doigt. Ta
maison est donc visitée à chaque seconde de la journée sans aucune tape à la
porte ni un permis de perquisition. Alors que sur terre, dans ce pays, on
continue à te proscrire de prendre en photo un édifice public pour cause
d’interdiction par mesure sécuritaire. Reste-t-il encore un angle qui n’est pas
connu par les puissances qui règnent sur terre, mer et ciel de par leur
envahissante technologie ?
Tes moindres gestes
sont épiés. Si tu oses dénoncer ce voyeurisme à grande échelle, tu es vite mis
à l’index. La souveraineté n’est que partiellement acquise. Elle est malmenée
tous les jours sans que tu puisses te défendre. C’est la loi du plus fort qui domine
de par sa voix hautaine et déterminée. La tienne est inaudible. Elle est
complètement écrasée, voire écrabouillée. Couper internet est vu par les
puissants pays conquérants comme une entrave à la liberté de s’informer. On n’y
peut rien à force de traîner dans le bas du classement. Ce sont aussi les
conséquences de nos politiques désastreuses qui ne prévoient rien à l’horizon
en regardant juste autour des pieds. À force d’interdictions, c’est le revers
de la médaille qu’on découvre au bout du compte. Toutes les censures sautent les
unes derrières les autres sans que l’on n’y puisse réagir. On est soumis au
diktat de celui qui fait le monde actuellement. À force de subir, l’on est complètement figé. On est emporté
par le tourbillon en se noyant davantage.
Cette percée du web a donc
tout changé, presque bouleversé tout le paysage de la communication dans le
monde. Avec l’arrivée de la technologie 3G, aucun point du pays ne peut y
échapper. On comprend bien maintenant pourquoi l’introduction de cette nouvelle
technologie a été retardée. Mais on ne peut affronter la technologie qu’avec
les mêmes armes. On est vite soumis. Avec le développement inouï des Tic,
demain, on n’aura certainement pas besoin d’agrément pour se brancher. À partir
de ton Smartphone, tu deviens le centre d’intérêt du monde si tu émets une
information originale. La plus petite, soit-elle, sera enflée au fur et à
mesure du temps en parcourant des milliers de kilomètres à la seconde. En une
fraction, elle ferait déjà plus d’un tour du globe. Rien ne pourrait arrêter
son ascension. C’est incroyable ce qu’un pays ne peut plus maîtriser comme
diffusion de l’information sauf bien sûr les Usa qui l’ont créée dans un but
d’asseoir leur supériorité et en même temps de collecter, de colossales données
à travers la planète qui l’ont façonnée aux dimensions d’un petit village.
Chaque internaute est
devenu un point qui consulte, lit et diffuse à tout instant tout ce qu’il passe
à travers son compte. Il devient un acteur de l’information. Je serai tenté de
dire qu’il en est un élément de ces millions de ses anonymes soldats. Chaque
pion est un point essentiel et important de cette toile d’araignée qui a tissé
tout doucement ses fils à travers les êtres humains de la terre. Il y a des
pays qui travaillent sur le long terme tandis que d’autres en consentent.
Qu’elle semble lointaine
l’époque de Boumediene. On ne saurait jamais ce qu’il adopterait comme position
s’il était toujours de son vivant. Le seul moyen de s’informer d’alors, furent
les journaux étatiques, les quotidiens El-Moudjahid et Echaâb à l’échelle
nationale. Au niveau régional, c’étaient La République à l’ouest et Ennasr à
l’est. Il y avait aussi deux hebdomadaires, Révolution Africaine, l’organe du
parti (Il faut comprendre le Fln) ou le fameux Algérie-Actualité. On attendait
sagement le matin pour s’acheter ces éditions où les éditoriaux suivaient à la
lettre la politique prônée. Aucune phrase mal placée ou un mot banni même entre
les lignes ne furent tolérés. Tout était tamisé, de la Une jusqu’à la dernière
page sportive et entre elles, celle de la nécrologie. On devait sacraliser le
régime du matin au soir et où la plus petite des contradictions ne s’exprimait.
C’est vrai que le pays sortait à peine du joug colonialiste et c’était
peut-être la seule politique en vogue et au vu des circonstances historiques de
la bipolarisation mondiale avec un monde divisé en deux principaux camps.
De deux choses l’une,
ou bien suivre la voie du monde occidental dont était issue la France
coloniale, chose impensable et inconcevable en 62, ou le choix d’opter pour la
politique socialiste qui a été épousée pratiquement par tous les peuples qui
jouissaient de leur indépendance. Aucune
autre voie n’émergeait, mis à part ces deux choix. C’est comme si c’était deux
mondialisations mais farouchement opposées. Tu ne dois pas être neutre, ou bien
tu es avec le premier et tes ennemis, ce sont les autres ou vice-versa. Le
socialisme dans lequel bernait l’Algérie, et le communisme dans sa version
extrême, n’admettaient aucune autre pensée, toute liberté d’expression était
étouffée. Tout le monde devait réfléchir dans le sens de la pensée unique.
Même le silence était
complice. Quant aux opposants, ils devaient disparaître à jamais du champ
visuel, en croupissant dans les geôles ou en sauvant leur peau dans l’exil à
jamais même si on a été un des anciens guides de la révolution à l’instar de
Boudiaf ou d’Aït Ahmed. Alors, oser parler en évoquant le contraire, tu devais
ne faire confiance même à ta propre ombre. C’est donc dans ces conditions que
l’information avait vécues avec toutes ces contradictions. Tu devrais tourner
ta langue deux fois avant de prononcer un seul petit mot. Les sorties du
territoire national étaient délivrées par les chefs de daïra au compte-goutte
par la crainte de la contamination étrangère et cette liberté d’expression.
Le JT de la RTA
s’ouvrait sur les activités du président du conseil, ensuite sur ses ministres
et enfin des reportages sur le terrain. On était aux anges lorsqu’on parlait de
ton village et enfin la dénonciation de la politique impérialiste américaine
des citoyens d’un village aux fins fonds du pays. C’était là l’expression du
nif des algériens qui semblaient vivre dans un autre monde. Quarante années
après, la réalité nous a rattrapés. On découvre que le monde dans lequel on
avait rêvé n’existe plus. Il a disparu et enterré toutes ses aspirations avec
lui. Tout a une fin, malheureusement.
Vint ensuite Chadli et
ses réformes comme président fraîchement installé. On commençait un peu à
délier la langue. Au point de vue de la circulation de l’information, les
choses incitaient à bouger. On autorisait des journaux étrangers à y entrer au
pays, principalement francophones, mais les ciseaux étaient toujours là à
veiller. Au niveau local, l’hebdomadaire Algérie-Actualité était un fleuron en
la matière. De belles plumes faisaient alors leurs apparitions. Ils ne
crachaient pas dans la soupe, mais touchaient là où ça faisait mal. Chaque fin
de semaine, on attendait inlassablement le nouveau numéro que l’on avalait d’un
seul trait. On assouvissait notre manque d’analyses concrètes qui sortaient de
l’ordinaire ambiant.
Une brèche s’était
ouverte et qu’il fallait exploiter et ne cessait de pousser jusqu’à l’explosion
d’octobre 88. Là, tout s’était envolé en éclats. Les réformes arrivaient à
toute vitesse, accélérées par le mouvement sur le terrain. Des journaux, disons
libres par rapport à la ligne officielle, voyaient le jour dès l’automne 1990.
L’avènement du Soir d’Algérie était un événement extraordinaire. On l’attendait
tous les soirs avec ses nouvelles très fraîches. Il se vendait comme de petits
pains. On faisait la queue pour l’acquérir et le lire ensuite à la maison avant
de se coucher. D’autres journaux suivaient le même itinéraire.
Les ventes ne pouvaient
suffire à elles seules. Pour s’implanter dans la durée au sein du champ de la
presse écrite, la manne publicitaire de l’Anep amortissait toutes les charges. C’était
aussi une épée de Damoclès qui pesait sur la tête de ces journaux de cette ère
nouvelle. Jusqu’à ce jour, ces journaux, comme il est rapporté dans les médias,
comme l’exemple d’El-Khabar, pour ne pas citer que celui-là, subissent la
politique des deux poids, deux mesures afin d’infléchir sa ligne éditoriale ou
de le voir disparaître à jamais, ce nerf de la guerre. Quant aux journaux
officiels, ils seraient depuis assez longtemps morts si ce n’étaient pas les
subventions du trésor public et les rentrées publicitaires qui les maintiennent
toujours en vie. Je peux aisément compter sur les doigts de la main en combien
de fois, depuis 35 ans, j’ai acheté de numéros de ces journaux, que je dirais,
sont dans le coma.
Malgré ces procédés
d’un temps révolu, la circulation de l’information gagne du terrain de jour en
jour. Les réseaux sociaux n’arrêtent pas de progresser, de grignoter tous les îlots infranchissables. Selon une étude datant de
juin dernier, l’Algérie compte à peu près sept millions de facebookiens sans
compter la totalité des internautes [*].
Les jeunes de moins de 30 ans représentent les trois quarts de ce chiffre.
Durant les cinq premiers mois de cette année, c’est un million de nouveaux
utilisateurs qui se sont inscrits sur ce réseau. Facebook devient ainsi le
meilleur moyen de s’informer. De plus, on peut choisit ses sources à sa
convenance.
L’exemple des
manifestations des forces de la police à Ghardaïa et à Alger durant ces deux
jours, qui sont un évènement unique en soi, ont été suivies donc par tout ce
monde invisible et leur entourage minute par minute tandis que le JT de l’ENTV
de 20h continue son bonhomme de chemin comme si de rien n’était. Une guerre de
l’information se déroule sous nos yeux, mais la télévision publique ne veut pas
sortir de sa torpeur en se croyant être toujours le nombril du pays.
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