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Il y a quelques
semaines, j’avais assisté à un exposé présenté à l’université par une filiale
d’Algérie Télécom, à savoir Algérie Télécom Satellite (ATS) et dont j’ignorais
l’existence jusqu’à ce jour, pourtant sa création date de l’année 2006. La
devise principale de cette entreprise est même révolutionnaire et rêveuse à la
fois, découvrez-la plutôt : « Une offre globale pour une
couverture mondiale ». Je me suis dit que si l’on a choisi ce slogan,
c’est que l’on doit disposer des moyens de sa politique. Le service principal
qu’elle offre est celui de la technologie Vsat (Very small aperture terminal : Terminal à très petite ouverture)
destinée principalement aux entreprises cherchant à relier leurs
sites géographiquement éparpillés.
Au cours de la
présentation qui a été faite par un cadre de cette entreprise, j’étais franchement
surpris par les services que pourrait offrir cette boîte en matière de
solutions par satellite. Pour les connaisseurs de ce domaine, cela va de
l’Internet aux réseaux Intranet et Extranet en passant par le réseau sécurisé
Vpn, à la vidéoconférence par satellite, à la VoIP, pour véhiculer la voix,
l’image et les fichiers data. Sans oublier les services de géolocalisation et
de téléphonie. Et tout cela par satellite. Sincèrement, je suis sorti de cette
rencontre la tête bourrée avec des idées la tête pleine par ces évolutions
technologiques. Il faut aussi noter que l’Algérie avec une superficie la plus
grande d’Afrique nécessite la location de nombreux satellites, chèrement payée.
Plus la surface de couverture du
satellite est petite et plus le débit est grand. C’est comme le débit d’un
tuyau d’eau qui dépend de sa section, nous a-t-on expliqué.
Mais la réalité sur le
terrain est tout autre. Je ne vise en aucun cas cette entreprise dont les
cadres que j’ai aperçus étaient animés de bonne volonté et pleins
d’enthousiasme, mais j’ai senti qu’ils étaient freinés dans leur élan vers le
haut par la loi de la pesanteur du pays. À une question qui leur a été posée
pour savoir si leur entreprise dispose de la carte de la signalisation routière
du pays pour pouvoir équiper leur logiciel de géolocalisation. À travers leur
réponse infirmative, j’ai compris que la présentation de la solution, que l’on venait
d’étaler, resterait toujours dans le domaine du virtuel car butant sur les
obstacles du quotidien. Cela dépend indéniablement de la coordination entre
tous les secteurs intervenants. C’est le cas par exemple dans une ville où pour
refaire une route, les services d’eau, de gaz, de téléphonie, d’électricité et
de viabilisation devraient être présents bien avant le jour J à l’heure H pour achever
leurs travaux sinon ce serait un travail bâclé. N’est-il pas vrai que parfois un
de ces services vienne creuser dans une rue qui vient d’être refaite à peine
quelques jours avant ? La
planification est un autre grand fléau dont souffre le pays que ce soit à
l’échelle locale ou gouvernementale.
Quelques jours après
avoir repris mes esprits, je suis allé à la poste pour effectuer un virement
postal à un parent se trouvant assez loin de la ville où je réside. Et là,
comme je n’utilise plus mon compte Ccp, depuis au moins une dizaine d’années, que
très rarement à cause de ces longues chaînes interminables qui ne finissaient
jamais, en choisissant d’émigrer vers un compte bancaire. C’était toujours
cette image qui est collée dans mon subconscient. Les postes sont beaucoup
peuplées par les retraités lesquels on a toujours imposé d’ouvrir des comptes
postaux pour pouvoir recevoir le versement de leurs dus. J’ai appris avec joie,
puisque dans quelques années, je pourrais aussi fatalement me retrouver dans
cette situation pitoyable, que les retraités pourraient désormais ouvrir des
comptes bancaires. Ils seraient ainsi soulagés du calvaire qu’ils subissent en
passant chaque mois des heures et des heures dans ces exécrables queues.
Attendons quand-même pour vérifier si cette bonne nouvelle verrait enfin le
jour.
Pour accomplir cette
corvée, il faut d’abord faire la chaîne debout et non pas attendre assis sur
une chaise, son tour par ordre de son arrivée sur les lieux, muni d’un ticket
numéroté. Après une bonne demi-heure, on nous annonce que la connexion au
réseau vient d’être coupée. Je me souviens que c’est le même constat que j’ai
entendu, il y a allègrement deux décennies lorsque je passais des heures dans de
pareils endroits. Que des mauvais scénarios, c’est toujours le même refrain qui
perdure. C’était bien avant qu’ATS ne naisse. Heureusement que les Algériens
sont patients, personne n’a rouspété ce jour. Ils connaissent la musique. Ils se
sont accoutumés à ces longues attentes. Ils savent, qu’en râlant, ils vont
perdre leur temps en fournissant un bon prétexte à ces services publics où le
client n’est plus roi depuis longtemps. Autant rester silencieux en encaissant
les coups à l’intérieur pour enfin s’éclater un jour comme une boule gonflée.
On discute dans la
queue, on fait même des connaissances. On y échange des infos et des anecdotes.
On y grandit même, dans ces chaînes. Ce qui est bien dans le pays, c’est que l’on
bavarde sans relâche. Et c’est sans doute cela qui apaise les esprits contre la
bureaucratie administrative qui pue partout. J’ai eu la chance de rencontrer ce
jour, un conteur, un vrai poète anonyme qui nous a fait passer au moins de sympathiques
moments. Il n’arrêtait pas de balancer des poèmes populaires qui faisaient tous
références à la vie de tous les jours. Il devenait subitement le héros de cette
salle d’attente. Sa présence avait certainement évité que l’on n’explose comme des
ballons de baudruche ! Je lui dis merci pour ses beaux instants qu’il nous
a procurés où il ne manquait que la scène pour transformer ce lieu en un
théâtre. Et en plus, le spectacle nous était offert gracieusement.
Au bout d’un bon quart
d’heure, j’ai flairé une certaine effervescence autour de notre point de
fixation du guichet. On annonce que la connexion est revenue. Ouf ! Pourvu
que j’atteigne mon tour avant qu’elle ne reparte une seconde fois pour de bon sinon
ce serait la galère. Les espaces commencent à se serrer entre les clients. Comme
pour Internet chez soi, je n’ai toujours pas compris le secret de la coupure de
la connexion. Est-ce que la cause est locale ? Pour faire évacuer le
problème ailleurs, on nous a toujours expliqué que cela vient de haut, d’Alger
plus précisément. Par qui ? Qui en est le responsable ? C’est un
inconnu que l’on ne pourra jamais dévoiler son identité. C’est un vrai secret
de polichinelle. Dans la mémoire collective ou ce que j’ai toujours entendu de la
bouche de la populace bien renseignée, c’est quelqu’un, qui installé sur son poste à la capitale,
distribue les débits comme bon lui semble en coupant par là puis en ouvrant par-ci,
la vanne et vice-versa. On ne peut en aucun cas disposer d’un débit permanent.
Elle est ainsi conçue la loi de nos réseaux.
Arrivé devant l’agente
postière, je croyais que la fin de mes déboires s’arrêtait là, à son niveau.
Mais non, il va falloir verser l’argent au comptable se trouvant dans une porte
dérobée à l’arrière de la poste. Je me précipite aussitôt, mais celui-ci n’était
pas là. Il faut encore attendre. Je guette la porte de son bureau comme le lait
sur le feu. Dès qu’il entre, et pour ne pas le rater, je me pointe
instantanément face à lui à travers une petite ouverture pour le mettre devant
le fait accompli. Je lui tends l’argent qu’il compte et il me joint ensuite un
reçu que je devrais le remettre à l’agente qui se trouve de l’autre côté en
sortant de ce réduit. Là, la dame me tend un autre reçu qui prouve le virement.
En sortant, c’est déjà trop tard pour envisager une autre course.
Quel exploit ! On
passe plus d’une heure et demie pour faire un versement alors qu’il y a à peine
quelques jours, je venais d’assister à cette présentation sur data show sur les
toutes dernières technologiques acquises par notre pays. Est-ce que le problème
réside dans notre inorganisation quotidienne ? Je ne peux comprendre que
ce service n’a pas changé d’un iota depuis au moins 5 années, depuis que je
n’ai plus remis les pieds. Ce sont toujours les mêmes méthodes archaïques qui s’éternisent.
Une gouvernance périmée qui persiste depuis des lustres. J’ai oublié de porter
à votre connaissance que j’ai appris sur le tas que l’on ne peut faire un
virement directement d’un compte Ccp à un autre, ou d’un compte bancaire vers
un compte postal. Il faut d’abord retirer l’argent liquide d’un compte pour ensuite
le verser sur un compte. Il faut rappeler que nous sommes en 2015 et que l’on
ne voit pas encore le bout du tunnel. J’ai l’impression que l’on ne veut pas
innover ou se développer, que l’on souhaite même stagner. Celui qui n’avance
pas, régresse indéniablement. On veut bureaucratiser tous les services. On
dirait que c’est fait exprès pour occuper les citoyens dans ces situations
burlesques à vous donner l’envie de fuir. Mais on est toujours là, on n’a pas
un autre pays de rechange. On doit lutter tous les jours.
Une semaine s’est
écoulée pour vivre une autre amère expérience. C’est celle de ces cartes
bancaires que l’on a voulu les mettre en circulation pour que notre pays ne
reste pas à la traîne des pays retardés. Mais on ne peut rien faire avec ces
cartes sauf les utiliser pour retirer de l’argent à partir d’un distributeur de
billets de banque. On les utilise généralement le plus souvent que lorsque l’on
tombe en panne de liquidité au cours d’un week-end. Et encore ! Par un
vendredi, j’ai tenté la chose en se présentant devant un de ces fameux distributeurs
que l’on contemple admirablement de loin. J’ai introduit la carte, la machine
me demande le code secret. Je le valide en suivant toutes les étapes qui
suivent.
Arrivé à la fin de
l’opération, le distributeur m’éjecte sans aucune raison la carte. Je suis
passé par 3 autres distributeurs, mais c’était toujours le même constat. Je me
suis rappelé de la conférence d’ATS et je me suis posé la question si Algérie
Télécom ne devrait pas d’abord nous régler les petits pépins quotidiens afin de
penser à sa folie des grandeurs. On ne peut pas se vanter de posséder la toute
dernière technologie, clés en mains, pour concevoir un avion alors que l’on demeure
incapable de fabriquer ne serait-ce qu’un petit minable clou. J’ai appris par
la suite que ce sont toujours les déconnexions du réseau qui sont responsables si
ces distributeurs ne fonctionnent et que cela dépende toujours d’Algérie Télécom
qui détient le monopole. Imaginons qu’un touriste étranger débarque dans notre
pays. Est-ce qu’il pourrait disposer de sa carte pour régler un billet de train
ou d’avion ? Est-ce qu’il pourrait régler sa note dans un restaurant,
acheter quelque chose dans un magasin ou faire un plein d’essence dans une
station sans que l’on soit désolé de lui répondre que la connexion s’est
coupée et qu’il va falloir payer en liquide au moment où ce moyen existe depuis
fort longtemps chez nos voisins ? On nous parle ces derniers temps du paiement
électronique, mais je crains encore une fois de plus que ce ne serait qu’un
effet d’annonce, sans lendemain, pour donner l’illusion de paraître moderne, que
ce ne serait qu’un autre rêve inaccessible au pays de la « Chkara ».
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