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Cet article est paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du jeudi 30 Mai 2019 sous les liens suivants:
-à la Une en format pdf zippé: http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/30052019.zip
-en format html: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5277351
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« Rien ne sert de courir, il
faut partir à point »
Morale ouvrant la Fable « Le
lièvre et la tortue » de
Jean de La Fontaine (1621-1695)
Jamais de mémoire d’algériens, le peuple n’a
été un acteur central de la constitution du pays que depuis le 22 février
dernier en réclamant à travers le Hirak la revendication, tout d’abord de
l’article 102 (le fameux article 88 avant la révision de la constitution en
2016) et ensuite, comme l’appétit vient en mangeant, il ne cesse d’exiger que
les articles 7 et 8 soient appliqués afin qu’il puisse exercer sa totale
souveraineté dont il ne veut que ce ne soit que de vains mots.
Justement, ce point de discorde divise les décideurs
du peuple, qui maintient ses mots d’ordre et ne veut en aucun cas lâcher prise
surtout qu’il a compris que ses marches pacifiques lui ont permis de faire
bouger les lignes qui paraissaient, il y a 3 mois, inimaginables à faire
reculer si ce n’est pas le mur de la peur qui a été brisé.
Le pouvoir ne veut absolument régler la crise
qui secoue le pays qu’à travers l’actuelle constitution du président déchu qui,
au passage, est mise en échec et mat par la volonté populaire. C’est ce qui se
passe lorsqu’on laisse tripoter une constitution comme un costume à la taille
du président démissionné par le Hirak. Une fois qu’un ancien président est
parti, son successeur cherche à installer la sienne et c’est ce qui se passe
lorsqu’on place ses ambitions politiques devant celles de la nation. La santé
politique d’un pays se mesure également à
travers la longévité de sa constitution.
Revenons un peu arrière à l’histoire de
l’Algérie indépendante. L’Algérie a connu, jusqu’à aujourd’hui, 4
constitutions. D’abord la première à l’indépendance en 1963 sous le régime du
président Ahmed Ben Bella. Elle devrait être le point de départ d’une Algérie nouvelle
et plurielle à partir d’une assemblée constituante où tous les courants
politiques étaient présentés comme: Ferhat Abbas, Hocine Mohamed Boudiaf, Aït
Ahmed, Krim Belkacem, Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Francis, Abderrahmane Fares,
Khatib Youcef, Mohammedi Saïd, Zohra Drif, Yacef Saâdi, M’hamed Yazid, Ali
Mendjli, Kaïd Ahmed, Ali Yahia Abdennour, Hadj Benalla, Abderahmane Chibane,
Mohammed Khemisti, Salah Louanchi, Ahmed Medeghri, Djelloul Melaika, Tidjani
Heddam, pour ne citer que ceux-là. C’était à l’époque ce qu’on rêvait de mieux
comme délégués à l’assemblée.
Mais la montagne avait accouché d’une souris.
En effet, Le chef du gouvernement Ahmed Ben Bella, autoproclamé à la place du
GPRA, avant d’être président avait, si l’on peut s’exprimer ainsi, fait un
forcing en confectionnant un costume à sa taille en faisant adopter
« sa » constitution. Ce fût ce qu’on appelle toujours impudiquement
le clan d’Oujda qui avait pris les clés en mains du pays.
A juste titre et dès le coup d’état du 19 juin 1965
que l’une des premières décisions à prendre par le président du conseil de la
révolution Houari Boumediene, était de suspendre la constitution de Ben Bella.
En aucun cas, on ne peut gouverner avec la constitution de son prédécesseur.
Boumediene attendit plus de 10 années pour faire décréter la sienne, celle de
1976 et au bout de laquelle il a été enfin élu président.
Nouvellement élu au début de 1979 au poste de
président de la république après la disparition du président Boumediene, Chadli
Bendjedid a juste après opté pour une légère première révision de la
constitution de Boumediene mais en ne touchant pas aux points essentiels. Une dernière
révision de cette constitution est venue après le choc d’Octobre 88 puis le
coup de massue lui est portée par l’avènement de la constitution de 1989, qui ;
il faut le souligner était née de la pression de la rue. Mais elle est toujours
associée au président Chadli qui a eu enfin sa constitution.
Malheureusement, cette constitution à
connotation pluraliste n’a pas duré longtemps, juste un peu moins de 3 années.
La décennie noire l’a mise en veilleuse en la remettant en cause après l’interruption
du processus électoral de janvier 1992 et le départ contraint de Chadli
Bendjedid. C’était sans doute la constitution la plus révolutionnaire à
l’époque qui avait mis fin à l’unilatéralisme politique, libéré les
associations et le syndicalisme. Peut-être qu’elle serait venue en retard. Elle
aurait pu donner une autre tournure au destin du pays si elle était parvenue en
1963. Mais bon, on ne peut refaire l’histoire. Avant de partir, on a soufflé à Chadli
de dissoudre l’Assemblée Nationale Populaire qui avait privé son président
Abdelaziz Belkhadem d’un destin national. Il avait par cette décision plongé le
pays dans un coma politique. Le Président du Conseil Constitutionnel n’avait
non plus la carrure politique pour gérer la situation qui prévalait.
Le pays était alors tombé dans un grand vide
constitutionnel et on ignorerait si cela était volontaire ou non de la part des
décideurs, que leurs détracteurs les nommaient par les
« janviéristes ». Le Haut Conseil de Sécurité s’était réuni en l’absence
d’un président de la république, un cas encore imprévu dans la constitution.
C’était la première violation du texte fondamental. Le pays est rentré plein
dedans dans l’anti-constitutionnalité. Un imbroglio juridique est enfin trouvé par
la création du Haut Comité d’Etat (HCE) constitué de 5 membres dont son
président est le défunt Mohamed Boudiaf. La constitution de 1989 vient d’être
définitivement enterrée. On comprend bien que les décideurs d’aujourd’hui craignent
la répétition de ce scénario mais les données ne sont plus les mêmes et la
société a mûri après l’impasse et le sevrage politiques de près de 3 décennies.
Vu son statut de l’un des pères de la
révolution et doté d’une forte personnalité, le président du HCE aurait consacré
son passage à la tête de l’état par une constitution à la mesure de sa stature politique
s’il n’avait pas été assassiné en juin 1992. Il écrasait de son poids
historique les 4 autres membres du HCE. Son successeur à la tête du HCE Ali
Kafi n’a pas eu le pouvoir nécessaire qui était plus collégial pour décider
d’une nouvelle constitution. Il est parti comme il est rentré, presque sans faire
du bruit.
Il fallait attendre 4 années pour que la
dernière constitution du pays voie enfin le jour en 1996. C’était durant le
règne du chef d’état Liamine Zeroual, désigné en 1994, et élu en 1995 en tant
que président de la république. Comme la tradition politique le veuille, Sa constitution
porte également sa trace. Il ne voulait en aucun briguer un autre mandat
présidentiel, puisque la constitution prévoyait un autre.
C’est presque en démissionnaire que le
président Liamine Zeroual cédait en 1999 le flambeau au président Abdelaziz
Bouteflika. Celui-ci n’a pas cherché à disposer de sa propre constitution mais
à force de la triturer, il est arrivé à avoir la mienne après avoir vidé en
2008 la constitution 1996 de sa sève et qu’il lui tenait à cœur de la
déverrouiller par l’article de la limitation des mandats présidentiels. Après 3
successives révisions, mis à part les constantes nationales, tout a été
cadenassé. On peut dire aujourd’hui que Bouteflika a eu intelligemment, par sa
ruse légendaire sa constitution sans passer par un référendum populaire mais à
travers un parlement aux ordres avec ses deux chambres aux senteurs du
« cachir » et comme en témoigne sa longévité record à la tête du pays.
Rappelons qu’à travers le monde et en
particulier dans les pays développés économiquement et politiquement, les
présidents élus ne s’occupent rarement à changer les articles des constitutions
qui leur ont permis d’arriver au pouvoir ni encore moins à penser à faire « plébisciter »
leur propres constitutions. A titre d’exemple, la constitution des Etats Unis
perdurent depuis ….1789 ! C’est normal qu’il y ait eu des amendements
à travers le temps au vu de l’évolution du pays et du monde mais on n’y a point
touché aux articles qui peuvent irriter. En plus de deux siècles d’existence, sa
constitution n’a connu que 27 amendements. Et de plus, Elle n’est assimilée à
aucun nom des célèbres noms de présidents américains mais tout le peuple
américain s’y reconnait profondément.
Tout près de chez nous, en France plus
particulièrement dont notre histoire récente y est liée que ce soit
politiquement, culturellement ou économiquement, la constitution de la 5ème
république de 1958 est toujours en vigueur. Elle subi et c’est tout à fait normal
des révisions par rapport aux mutations politiques du pays et des changements
opérés dans son environnement et dans son espace d’influence. C’était durant la
crise de la guerre d’Algérie et avec le rappel de De Gaulle au service que fût
adoptée cette constitution. Elle n’est pas liée au nom de ce dernier mais elle
est associée à l’avènement de la 5ème République. Elle a, par ailleurs, survécu
jusqu’à aujourd’hui à 8 présidents de la république sans qu’elle soit caduque.
Chez nous, nous sommes à 4 constitutions et à 5
si on compte la virtuelle d’Abdelaziz Bouteflika mais nous nous sommes stagnés
à une première république. Les plus sceptiques disent qu’il faudrait la
création d’une 1ère république pour vouloir passer à la seconde. En
une seule république, chaque président élu a laissé sa signature à travers sa
constitution contrairement aux exemples cités où les constitutions sont presque
pérennes.
Par contre, dans les pays démocratiques, on a
vu des lois et des décrets porter les sceaux des noms de ministres qui ont
proposé des lois et les voir adoptées comme les lois Malraux, Pasqua, Ferry,
Hamon, Veil, Auroux ou Taubira,…en France mais jamais la constitution qui doit
être la semence de tout un peuple. Les mêmes dénominations doivent certainement
être les cas dans les autres pays occidentaux. Comme en sciences avec les lois
d’Ohm, Joule, Bohr, Planck, Ampère, Leibnitz ou Lavoisier. Elles sont
indélébiles car elles sont marquées par la réflexion, l’abnégation et la
recherche. Je souhaiterai qu’un jour, dans un gouvernement algérien, un
ministre puisse venir avec un programme et les mains pleines d’idées et non
vides comme on l’est actuellement et où, une fois installé, c’est
l’improvisation et le bricolage qui font la loi.
Si nous revenons à la crise qui secoue notre
pays et où on veut aller le plus tôt possible à des élections présidentielles.
Certes, il faut fermer cette parenthèse mais pas précipitamment sinon on risquerait
aussi de revenir au point zéro. Rien ne sert de courir, il faut partir à point
comme le dit si bien l’adage.
De ma modeste petite expérience d’ancien
coordinateur d'une section syndicale à l'université, 40 jours me sont toujours
parus insuffisants pour l'organisation d'élections fiables de délégués
syndicaux pour une liste électorale de 200 à 500 enseignants. Alors consacrer moins que cette
durée pour l'organisation d'élections présidentielles me paraît comme un
suicide électoral qui ne peut mener le pays que vers une autre catastrophe
surtout avec des noms insignifiants sur la scène politique et refoulés par le peuple et dans une atmosphère
explosive et par dessus le marché, il faut certainement s'attendre à un boycott
massif.
Ce n'est pas avec de telles
solutions qu'on puisse sortir le pays de la crise. On entend ici et
là que c'est dangereux de s’égarer de la constitution comme si c'est la
première qu'on fait cette exception. Boumediene n'avait-il pas gouverné le pays
sans constitution de 1965 à 1976 et sans institutions sans que cela ait posé de
problèmes en son temps pour le pays ? Et
puis pour ceux qui veulent être dans l'esprit de la constitution, il y a ces
fameux articles 7 et 8 qui protègent la constitution dont le Hirak les
revendique depuis le début mais en vain.
On a lu ici et là que les décideurs
ont la crainte de voir les pays occidentaux nous tomber dessus si jamais on mettrait
entre parenthèses la constitution, qui faut-il le rappeler a été moult fois
piétinée sans que cela puisse émouvoir les sceptiques d'aujourd'hui. Ces puissances ne
peuvent intervenir dans notre pays que s'il y aura des forces occultes internes
qui le demandent et il faut qu'elles soient majoritaires et qui à mon avis
n'existent que dans leurs imaginaires.
Le Hirak saura prendre en charge
cette éventualité qui hante les têtes de gens qui ont horreur du changement et
qui ont la crainte de perdre de leurs présents privilèges en mettant leurs occultes
intérêts devant les intérêts suprêmes de la nation. Les décideurs actuels
trouveront alors ressources et appuis auprès de ce peuple pour la défense de
ses acquis avec force et détermination et des marches plus que gigantesques qui
résonneront à travers le monde. Aucun ennemi ne pourra s'intercaler entre le
peuple et son armée. L'Algérie ne pourra que mieux se comporter pour entrevoir
et construire un avenir des plus radieux.
Enfin, on espère que le Hirak du Peuple
débouchera sur une nouvelle république avec l’adoption d’une constitution digne
de l’Algérie et de ses enfants qui aspirent à ce que leur pays joue un rôle de locomotive
en Afrique et dans le monde Arabe et d’être un partenaire respecté qui traite d’égal
à égal avec les pays du Nord et d’ailleurs et de disposer d’institutions
fortes, solides et durables qui surviennent aux hommes et qui subsisteront au
temps et aux crises.
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