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Contribution parue le Lundi 29 Août 2022 dans la Rubrique "Opinion"
lien html: http://www.lequotidien-oran.com/?archive_date=2022-08-29&news=5314821
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Oran, septembre 1849, 19 années après le débarquement de
l’armée coloniale française à Sidi-Ferruch, une épidémie du choléra frappa Oran
de plein fouet. Elle a fait 1172 victimes durant la seconde quinzaine du mois
d’octobre de cette même année. Le général Aimable (vous avez bien lu, c’est
l’un de ses prénoms !) Pélissier [1-2], général de division et commandant la province d'Oran au moment des
faits.
Devant ce drame, Pélissier s’adressant à l’abbé Jacques
Suchet, vicaire d’Oran [3] :
« Et alors, Monsieur l’abbé ? Vous
dormez ? Ne sauriez-vous plus votre métier ? ». L’abbé
Suchet, lui rétorqua ; « Le choléra ?...Nous n’y pouvons
rien, ni vous, ni moi, ni personne. Vous me demandez les moyens de
l’arrêter ? ». Pélissier : « Je ne suis pas curé, et
pourtant c’est moi, pélissier, qui vous le dis, faites des processions… ».
Puis se tournant vers la montagne de Santa-Cruz : « Foutez donc
une vierge là-haut et elle se chargera de jeter le choléra à la mer ».
Ainsi, Pélissier était donc l’initiateur de l’idée de la chapelle de
Santa-Cruz.
Il faut souligner que ce sanguinaire de pélissier alors
colonel commandant la région de Mostaganem, était l’exécuteur en chef des
enfumades de la Dahra 3 années plus tôt en juin 1845 et que tout le monde
connait aujourd’hui l’histoire, longtemps inconnue et ignorée de la mémoire collective
de notre peuple. Il faut également mentionner que durant très longtemps, un de
nos vaillants villages portait son nom jusqu’à ce qu’il soit rebaptisé au nom
de Sayada après l’indépendance mais certains continuent de l’appeler encore, « balissy »,
qui porte d’ailleurs bien ce nom déformée.
Revenons à l’épidémie d’Oran et plus exactement le dimanche
4 novembre 1849. En effet, la procession ordonnée par
l’ « aimable » pélissier et devenu miraculeusement un enfant de
cœur, débutât sous les autorités militaires et civiles à travers les artères de
la ville sous les cris de « Parce Domine, parce populo tuo » (« Épargnez-moi,
Seigneur, épargnez votre peuple »). Et soudain, la pluie commença à tomber
qu’on appela alors « le miracle de la pluie » et l’emplacement d’une
chapelle, inspirée par pélissier, fut décidée de l’ériger sur le mont du
Murdjadjo juste en contre-bas du fort espagnol Santa-Cruz sur un terrain
accordé par l’armée occupante, alors dirigée localement par le général
pélissier, le toujours disponible de la foi chrétienne sans pour autant avoir
fait sa confession au curé de la ville pour les morts indigènes qui les a
enfumés vivants dans une grotte proche de Nekmaria dans le dahra.
Un siècle plus tard, soit en 1949, pour perpétuer le
souvenir, une procession de « Notre Dame de Santa-Cruz » fut retenue
pour faire le tour du diocèse d’Oran (dans toutes les paroisses de l’Oranie ).
Et ce n’est pas le temps d’un tour d’Oranie cycliste qu’elle va durer en partant par exemple de Mostaganem, avec des
étapes à Relizane, Tiaret, Mascara, Saida, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Ain
Témouchent et l’arrivée à Oran. Le tout peut se dérouler en 8 jours au maximum.
Alors essayez d’imaginer combien va durer le pèlerinage de la vierge. Lisons ce
que rapportait le journal « L’écho d’Oran », le 08 juin de cette même
année [4] :
« Le 11 février, notre dame de Santa-Cruz quittait
Oran. Le 11 juin, après avoir visité toutes les paroisses du diocèse, notre
dame de santa-cruz reviendra chez elle, à Oran ». Donc, c’est un
périple missionnaire 4 mois. Soit en moyenne, un lieu par jour, ce qui nous
donne un total de 120 agglomérations visitées !. Imaginez les moyens qui
ont été déployés que seule de nos jours, la flamme olympique pourrait se
permettre une telle durée dans le monde.
Ainsi, par exemple, Relizane a dû patienter presque 2 mois
pour recevoir en grandes pompes la vierge de santa-cruz le 7 mai 1949 [5]
avec le titre de l’article « Grandiose et émouvante réception de N.D.
de Santa-Cruz à Relizane » avec en image de la procession de voitures
sur le grand Boulevard de la ville. Dans l’actuelle wilaya, même la petite bourgade
qu’était Ouarizane a eu son propre défilé. À Relizane, ce jour
coïncidait avec les fêtes de la victoire de la seconde guerre mondiale et de la
sacro-sainte chef de guerre Jeanne d’Arc dont la statue trônait en bonne place
dans les villes algériennes colonisées. Donc, la joie était triplement célébrée
dans la ville par les habitants européens.
Rappelons que le recensement de 1948 en Algérie [6] plaçait
les européens (chrétiens et juifs) avec un nombre de 1 040 000, loin
derrière les musulmans (c’était l’appellation française des autochtones
algériens) avec 7 626 000 êtres humains. Soit des hausses, pour les
premiers, respectivement de 53 000 personnes et de 1 378 000
pour les seconds, par rapport au précédent recensement de 1936. Comme on le
constate, fort heureusement que les lois de la nature et du nombre allaient un
jour rendre la terre à ses propriétaires et l’indépendance fut alors précipitée
sur le terrain par les différences contradictoires entre deux peuples distincts
à tout point de vue et qui ne pouvaient jamais s’homogénéiser pour former un
seul corps.
C’est en regardant passer la vierge de Santa-Cruz, que les
européens de Relizane voulaient emprunter le pas aux oranais en exprimant un
vieux pieu d’avoir aussi leur « Notre-Dame ». Le nom de l’heureuse
élue est vite trouvée, ce sera donc « Notre Dame de la Mina ». Une
statue fut alors commandée à Paris, un colosse d’une hauteur de 2m60 et pesant 2500
Kg de béton. Et c’est la SNREPAL (la Société Nationale de Recherche et d'Exploitation
de Pétrole en Algérie) [7] qui l’installa bénévolement sur la colline
offerte pour la bonne cause par un colon, un certain françois sanchez [8].
Ainsi, le dimanche 23 novembre 1952, tous les chrétiens européens, plus particulièrement
d’Oranie sont conviés à l’inauguration qui rassembla près de 10000 fidèles
chrétiens selon les rapports de l’époque. Il faut rappeler que le maire de
Relizane, à cette époque, était le colon Norbert Monréal qui, certainement
était un des inspirateurs de l’installation de la «N.D. de La Mina sur le lieu
choisi qui porte jusqu’à aujourd’hui le nom de « Meriama » retenu par
la population et dont le nom officiel est Bendaoud. Un pèlerinage fut décrété vers
cette statue tous les mois de mai de chaque année mais l’indépendance du pays
et le départ précipité des européens a stoppé nette l’épisode. Aujourd’hui, il
n’en reste plus rien.
En lisant les articles des journaux de l’époque, la religion
de l’occupant était ostentatoirement présente mais aucune trace de la religion
du colonisé malgré qu’il était nommé musulman. Tous les jours, on lit dans les
journaux des nouvelles sur la religion des européens, que ce soit chrétienne ou
protestante. La religion juive avait aussi une bonne place. Une partie de la
tournée de 1949 de la vierge de Santa-Cruz s’est déroulée durant le mois du
ramadhan amis aucun article sur ce mois n’est apparu sur l’écho d’Oran sauf une
petite annonce, la veille de l’Aïd.
Malgré une présence de 132 ans de l’occupant dans notre pays,
l’Algérie n’a pas perdu son identité malgré que le colon ait tenté par tous les
moyens de la lui effacer comme l’exemple de ces processions qui voulaient
beaucoup plus faire du tapage à coups de publicités flagrantes dans leurs
journaux afin d’étouffer et masquer la présence de plus en plus grandissante de
la réalité religieuse sur le terrain. On espère que l’histoire sera retenue.
Références :
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Aimable_Pelissier
[2] https://slidetodoc.com/notre-dame-de-santa-cruz-oran-t-1849
[3] http://www.villedoran.com/p12.html
[4] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760060t/f2.item.zoom
[5] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760035r/f4.item.zoom
[6] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760039d/f3.item.zoom
[7] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6737154s/f7.item
[8] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6737136v/f8.item
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