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Cet
article est paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du jeudi 02 Novembre 2017
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Les
images qu’on a tous vues en ce 29 Octobre à travers Facebook m’ont refroidi
avec le buzz qu’elles ont produites en Algérie et hors de ses frontières .
Elles m’ont laissé sans voix. Elles
m’ont presque figé. Elles ne pouvaient laisser personne indifférent surtout à deux
journées de la date d’anniversaire du 1er Novembre 1954. Essayons d’imaginer
ce que faisaient en ces jours-ci Ben’Mhidi, Didouche et Benboulaid, pour ne
citer que ces héros, en cette veille du déclenchement de la révolution. Ils
rêvaient sans doute beaucoup pour nous et pour la destinée notre pays.
Nos
martyrs aspiraient à nous tracer un autre avenir que celui de la servitude et
l’avilissement. Ils ne pensaient point que leurs descendants souhaiteraient
vivre sous d’autres cieux. Nos héros voulaient juste l’indépendance du pays du
joug colonialiste et bâtir un pays qui survivra aux hommes dans lequel la
justice, l’ordre et l’état de droit régneront. Ils ne pensaient pas qu’une fois
les yeux fermés, les gouvernants post-indépendance allaient dévier de ces
valeurs de la liberté. Ils ne pensaient pas qu’un jour leurs arrières-petits
enfants allaient prendre la fuite pour espérer atterrir au nord puisque la
terre qui devrait leur revenir de droit leur semble inaccessible sauf aux
promis, aux pistonnés et aux enfants du premier collège.
Au
fur et à mesure que ces photos de la catastrophe défilaient sur mon fil
d’actualités qu’elles me donnaient envie de vomir tellement la nausée me
prenait à travers la gorge. Je ne voulais pas regarder le résultat des
politiques suivies aveuglément par nos gouvernants et leur fuite en avant sans
l’écoute d’aucune autre voie raisonnable mais seulement suivre leurs néfastes
instincts comme s’ils étaient des messagers envoyés sur cette terre généreuse
et que seules leurs décisions prophétiques prônaient au détriment des intérêts
suprêmes du pays.
Ils se
voient narcissiquement, à travers les échos de chaînes de télévision à leurs
bottes et des médias caressant dans le sens du poil, que tout le pays les
acclamait. Ils oublient que les jeunes d’aujourd’hui ont décidé de leurs sorts.
C’est de serrer la ceinture en faisant des économies pour juste déguerpir et ne
plus retourner derrière soi. Ils sentent que le déluge est plus proche avec ces
derniers temps de discours pas du tout apaisant surtout qu’ils ont perdu
confiance en ces dirigeants. Ils ont abandonné l’idée que la solution des
problèmes pourrait y jaillir. Ils ne croient plus du tout qu’ils vont faire
sortir le pays de la crise avec des caisses presque vides alors qu’ils ont
englouti 1000 milliards de dollars en presque deux décennies pour ne pas dire
la plupart volatilisés à travers des comptes off-shore et des résidences
acquises dans les quartiers chics de Neuilly-sur Seine et les plages dorées de
la côte sud ibérique.
Comment
ceux qui souffrent dans le pays allaient-ils les croire en leurs étoiles ? Alors
qu’ils seront les premiers à prendre la valise si jamais le pays tomberait en
cessation de paiement. Leurs enfants sont déjà planqués à l’abri là-bas. Les
parents viennent souvent les voir et se détendre en leur compagnie durant les
week-ends ou pendant les hospitalisations et contrôles médicaux dans les
cliniques parisiennes. En attendant, ils restent dans le pays où il y a
toujours quelque chose à gratter. Ils ne lâcheront pas ce pays tant que l’odeur
de la tune se sent à un mètre à la ronde.
Lorsque
j’entends quelques responsables dire que ces étudiants sont avides du savoir et
ne veulent n’acquérir que plus de connaissances, soit je me dis qu’ils sont
aveuglés par les postes qu’ils occupent et sont très loin des préoccupations du
peuple, soit ils ne veulent pas regarder leurs visages dans un miroir. A ma
connaissance, on peut trouver toutes les spécialités dans les universités et
les grandes écoles algériennes surtout avec le système LMD sauf si on veut
reconnaître que la formation universitaire est des plus épouvantables. La
preuve, on veut maintenant instituer un décret pour permettre aux doctorants de
soutenir leurs thèses sans passer par l’exigence d’une publication scientifique
dans un journal côté.
Si
ces étudiants n’ont pas trouvé chaussures à leurs pieds en Algérie où
l’acquisition des diplômes est garantie par la médiocre criarde, comment
vont-ils faire pour les obtenir en France ? Surtout que l’enseignement est
dispensé en langue française dont ils éprouvent d’énormes difficultés à
l’apprendre sauf s’ils veulent revenir au point zéro avec un formatage intégral
à la source. Peut-être aussi, l’essentiel est de passer de l’autre côté de la
barrière par ces temps où l’avenir est ici des plus incertains. Ce qui me
semble le cas pour la majorité d’entre-eux.
Je
serais bien curieux de connaître les statistiques officiels du retour de ces
étudiants une fois leurs études supérieures accomplies. Les autorités chargées
de la gouvernance de notre pays ne vont quand-même pas naviguer à
contre-courant de leurs allégations. Selon une étude faite par une équipe de
recherche algérienne en 2015, elle nous apprend avec stupéfaction que 268000
migrants algériens qualifiés ont préféré faire un aller sans retour à
l’étranger, dont 75% en France, le reste au Canada (11%) et au Royaume-Uni (4%)
(*). L’abattement est encore plus grand lorsqu’on découvre que 10000
médecins exercent en France ! Un vrai massacre pour l’Algérie.
Enfin,
je termine ce mince papier par un humoriste algérien installé en France et qui
a assurément vécu cette amère expérience de campus-France, en l’occurrence Réda
Seddiki, et qui nous donne un petit aperçu sur le parcours du combattant de ces
étudiants algériens à partir de leur point de départ. Je vous donne juste quelques
bribes de son sketch (**):
«
A partir de la phrase « baghi na3tiha (je veux me sauver) »,
commence le parcours de l’étudiant algérien en France ! ça fait rêver, ça
fait rêver, et là tout s’enchaîne, on a une motivation jamais vue chez
l’Algérien. On est capable de passer une nuit blanche pour constituer son
dossier campus-France, une nuit blanche
pour rédiger une lettre de motivation. Mais, pour ses cours « Walou (rien) »!
C’est fou ! Quand même pour la motivation qu’on a et cet enthousiasme pour
la France, nous algériens, enfin pour une inconnue, pour un pays qu’on ne
connaît pas, juste, on le voit de loin… ».
Que
l’on aime ou que l’on aime pas, ce n’est pas cela le problème. L’essentiel est
de savoir écouter les vérités brutales qui nous arrivent d’en face car cela
donne beaucoup à réfléchir et à méditer sur notre pays qui se vide lentement de
sa sève.
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