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Cet article est paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du jeudi 28 Décembre 2017 sous les liens suivants:
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Comme
à chaque fin d’année, et comme le veut une tradition post-indépendance, les uns
s’activent à préparer et à passer Noël culturellement parlant pour une certaine
catégorie, au pays ou à l’étranger, le soir du 24 décembre avec une table décorée
d’un repas à la dinde et qui sait, magnifié d’un plat de foie gras sans oublier
la présence inévitable de la bûche qui grignote de plus en plus de notre espace
en cette période hivernale, d’autres s’emploient à programmer de réveillonner
en cette ultime journée de l’année autour d’un dîner spécial chacun selon son
goût et sa tendance, et à se souhaiter une bonne année lorsque les trois coups
de minuit auront retenti.
Enfin,
la majorité des familles ne se sentiront guère le besoin de fêter l’année
grégorienne mais attendront patiemment le 12 janvier pour célébrer leur
ancestrale année de yennaer (avec comme diminutif nayer) durant deux journées, la première agrémentée d’un
repas froid avec au menu du cherchem (*), des beignets, et de
terminer la soirée autour d’un thé à la menthe avec la consommation de fruits
secs oléagineux et des bonbons, suivie par une seconde soirée, rehaussée d’un dîner
de couscous royal au poulet fermier farci selon des variantes locales spécifiques
à chaque région du pays.
En
ces périodes de vaches maigres, c’est donc avec la peur au ventre qu’on
appréhende la nouvelle année. On ne sait pas quels vœux doit-on souhaiter à
notre prochain, ni à quel saint se vouer ? En effet, on n’a de yeux fixés que
sur la loi des finances qui d’année en année n’arrête pas de nous serrer
davantage la ceinture surtout pour les fonctionnaires qui n’ont pas vu leurs
salaires revalorisés depuis 2008 alors que leur pouvoir d’achat ne cesse linéairement
de dégringoler. N’évoquons même pas les couches défavorisées de la société qui
vivent au jour le jour et qui ne pensent même pas de quoi sera fait le
lendemain. Une fois qu’ils seront frappés en pleine gueule par l’application
des nouvelles lois sur le terrain qu’ils se réveilleront ko debout. Les dégâts incommensurables
qu’engendreront les nouveaux textes de plus en plus terribles et ne pourront
être estimés qu’une fois le choc et ses secousses secondaires auront laissé tel
un rouleur compresseur leurs incurables séquelles.
Revenons
à ces presque mille produits qui vont être interdits à l’importation à partir
du 1er janvier. Ce qui choque le plus, ce sont pratiquement le même système
et les mêmes politiques qui ont encouragé la politique de l’importation à
outrance qui aujourd’hui nous chante les vertus d’une politique totalement
contradictoire et radicale. Qui est-ce qui nous a incités, publicité aidante, à
préférer l’achat de produits étrangers ? Si ce n’est cette importation
tout azimut qui ne reflète absolument pas notre niveau de développement. Qui
est-ce qui a favorisé le produit de là-bas au point où les algériens lui vouent
une admiration sans limite et qu’ils sont même devenus allergiques en ironisant
sur la marchandise locale ? Combien de fois a-t-on vu des responsables ne
se souciant guère du gaspillage débordant qui s’étalait au vu et au su de tout
le monde sans qu’ils daignent bouger le petit doigt ? Qui est-ce qui nous
a mis alors dans cette situation irréversible d’addiction ? Pourquoi
n’avons-nous pas eu la crainte que cette aventure virtuelle ne peut-elle pas
durer face à la réalité ? Et que jusqu’ici, on nous a fait miroiter lors
des campagnes électorales que le pays est totalement immunisé par la politique de
sagesse prônée ? Il ne faut pas leur en vouloir car ils n’ont pas des
exemples à prendre sur nos gouvernants qui les premiers font leurs commandes
chez les grands couturiers de Paris et de Rome. Et que l’on ne vienne pas nous
dire maintenant l’inverse comme si de rien n’était.
Nos
jeunes que nous avons habitués aux téléphones portables de marques iphone,
samsung et oppo, vont-ils maintenant se contenter d’un condor ou d’un made in Enie ?
Nos jeunes qui assaisonnent leurs pizzas au ketchup et à la moutarde de Dijon puissent-ils
survivre au sevrage après le 1er janvier ? Nos jeunes qui ont
adopté les vêtements en vogue puissent-ils trouver un pantalon à leur goût
lorsqu’on sait que la production made in algeria a été écrasée tout au long des
années de vaches grâces par celle des containers qui s’arrachait et se vendait
avant même d’embarquer d’un port chinois ?
Seuls
leurs parents puissent peut-être survivre, eux qui ont connu les privations et
résisté aux pénuries chroniques des années Sonitex, aux longues queues des Souk
El Fellah pour déposer une demande d’acquisition d’un frigo et reste à savoir
si vous aurez la chance de l’acquérir dans 6 mois et les ex-points de vente de
l’Ofla avec des étalages presque vides et ensuite une amélioration relative grâce
au fameux PAP sous l’ère de Chadli mais qui nous avait mené tout droit vers le
mur. Quoiqu’en ces temps-là, on vivait, au moins, selon nos moyens et malgré
cela la crise de 1986 nous avait frappés de plein fouet. Tout le monde connaît
la suite et les conséquences qui s’ensuivaient.
Aujourd’hui,
les choses ont également pris des tournures alarmantes et on ne mesure pas les suites
qui peuvent en découler de cette politique dangereuse qui hypothèque même
l’avenir du pays. Qui est-ce qui peut prédire de ce qui va se passer dans une
ou deux années ? On navigue presque aveuglément vers l’inconnu. De
nombreux observateurs s’inquiétaient de cette importation disproportionnée par
rapport aux exportations de produits hors hydrocarbures mais les hautes
autorités ne tenaient qu’à leurs avis en n’écoutant que leurs courtisans, que
ceux qui applaudissent à tout va, que ceux qui caressent dans le sens du poil et
dont seuls leurs intérêts occultes priment avant l’Algérie. Aux moments
cruciaux, ils s’évanouiront tous dans la nature après avoir asséché le pays de
sa dernière goutte. Ne resteront face au péril que les amoureux de cette terre
qui n’ont pas hélas un autre pays de rechange. Ils devront rester ici pour se
battre jusqu’au bout de leur peine.
Maintenant
que le matelas financier s’amenuise de jour en jour, on assiste à une course effrénée
contre la montre l’actualité pour parer au plus vite à toute mauvaise
éventualité surtout que l’on va directement aller dans la gueule du loup et que
l’année 2018 sera décisive et cruciale pour les élections présidentielles d’avril
2019, seule échéance électorale en ligne de mire. Il était prévu au cours de
cette année que « quelques » 30 milliards de dollars de produits à
importer mais on se retrouve avec 15 milliards de dollars supplémentaires qui
se sont envolés vers d’autres cieux à cause des prédateurs, de la
surfacturation et de la loi trop clémente à leurs égards sans omettre de
souligner les complicités de l’intérieur.
Le
fait de ne compter que sur l’importation est en soi une menace même pour
l’indépendance du pays surtout lorsque les habitudes prennent d’autres penchants.
Quand on consulte la liste des 851 produits qui sont interdits d’importer, on
n’en revient pas. Si à titre d’exemple, le vers de terre, les grenouilles, les
dattes « Deglet Nor », les carottes, les navets, le concombre, la
laitue, les figues de barbarie, le yogourt
ou l’eau minérale sont bannis, cela démontre que ces produits ont été bel et bien
importés par des personnes qui ne reculent devant aucun scrupule. Je soupçonne
fortement que la Deglet Nor ait d’abord passé la frontière pour être de nouveau
importée sous un autre emballage avec à la clé de gros transferts de devises vers
les îles vierges britanniques.
Encore que je me pose la question si la
nourriture pour chiens et chats soient toujours admise et je me fais également des
soucis si les abats, le foie, la farine et la poudre de l’espèce porcine
étaient auparavant autorisés. Quant aux amateurs des cuisses de grenouilles, je pense à eux pour le sevrage
qu’ils vont subir, les msakine (**) ! Une autre interdiction qui me réjouit, ce sont les sacs, les verres et tasses et plein d'accessoires
en matière plastique et les couches à bébé qui polluent notre environnement et
nos plages, vont enfin connaître une vraie abolition malgré que je sois adepte
de l’éducation civique par rapport à l’éradication.
Néanmoins
cette prohibition aléatoire, surtout si elle n’a pas été convenablement
analysée et étudiée sous tous les angles, va sans aucun doute engendrer des faillites pour certains
importateurs toutefois je suis tenté de dire : Echah fihoum (***),
les véreux. Elle constitue sans doute une aubaine inouïe sans la fourniture
du moindre effort pour les spéculateurs avides du gain facile et disposant toujours
de stocks de marchandise qu’ils vont liquider petitement pour amasser le plus
d’oseille possible et s’évanouir ensuite dans la nature en attendant d’éventuelles
résurrections ou d’être appelés par leurs parrains à d’autres missions sous
l’aile de la rente, peut-être cette fois-ci de la probable exploitation du gaz
de schiste. Par contre, ce sont toujours les petits commerces qui vont subir le
grand choc et vont baisser les rideaux. Désormais, de nombreux commerçants vont
falloir réfléchir à changer de métier après le 1er janvier à moins qu’ils
soient sauvés que le cabas qui reprendrait de plus bel ses incessants
aller-retour et l’on retourne ainsi au point zéro.
D’autre part, ces restrictions vont aussi provoquer
par cet effet de dominos la perte de nombreux emplois dans les pays
exportateurs de ces produits vers notre pays. Faisons en sorte que l’argent
épargné servirait directement à un transfert de ces emplois vers des
entreprises nationales à créer ou à renforcer. Si 10 ou 20 milliards de dollars
tombent annuellement entre les mains d’une bonne et éclairée gouvernance à
l’instar de certains pays, elle pourrait alors créer des miracles.
Ces interdictions ne seraient-elles d’aucun
sens que si tous les algériens se les partagent équitablement en ces moments de
crise et que l’on n’assiste pas amèrement comme autrefois des avions spéciaux faire
Alger-Paris-Alger pour faire des emplettes pour les enfants gâtés de la
république. Toujours est-il que je ne pourrai jamais admettre et concevoir que
ceux qui ont enfanté la crise puissent la solutionner à moins qu’ils disposent
de toutes les clés de la maison. Enfin, je ne peux mes chers lecteurs échapper
à la tradition de vous souhaiter bonne et heureuse année d’abord pour l’Algérie
et ensuite pour vous individuellement.
Notes :
(*) cherchem : est un mets à base de blé
dur, de fèves sèches et de pois chiche,
(**) msakin : les pauvres,
(***) echah fihoum : bien fait pour eux.
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