jeudi 29 avril 2010

Plus que le café de Moh, tu meurs !



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Article paru dans le quotidien d'Oran
du Jeudi 29 Avril 2010 sous le lien suivant en html:
ou en format pdf compressé sous format zip:
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Quelle est la chose dont se rassasient nos villes lorsque les idées et les programmes sont en panne ? Je pense que tout le monde saura aisément trouver l’évidente réponse à cette futile devinette. Les trottoirs et les ronds-points sont devenus, par excellence, les spécialités de la maison. Certes, un trottoir en carrelage est la cerise sur le gâteau pour l’embellissement de la ville. Néanmoins, on ne peut pas se permettre un tel faste lorsque les besoins des citadins sont ailleurs. Un trottoir en « compacto » ne doit pas être la façade qui dissimule la forêt des autres quartiers.

Dans la commune où l’on ambitionne, matins et soirs, que « trottoirs », dont la durée de vie est censée être au delà d’un siècle voire deux, parfois une éternité comme c’est le cas de nombreux sites historiques à travers le monde où ils sont jusqu’à aujourd’hui dans un état quasi intact.

LA POLITIQUE « trottoiresque » sans fin

Ici, ils ne survivent que le temps d’un mandat municipal. Un trottoir est facile à faire, on peut le réaliser même au clair de la lune et en un temps record. L’essentiel c’est de le faire plus vite pourvu que l’on satisfasse les autorités locales à la veille d’une visite de la hiérarchie. Peu importe la dose du béton. Et puis il va être refait dans le prochain mandat, alors pourquoi s’en soucier ? Il faut bien laisser de quoi ramasser aux prochains preneurs qui se bousculeront devant le portillon. Ce sera une interminable chaîne où chaque courtisan attendra son tour selon ses entrées et son carnet d’adresses. C’est le « tournez manège », Un petit tour et on s’en va, semble être le remake qui se renouvelle depuis des lustres. Cette sensationnelle idée « trottoiresque » a encore de très longues décennies devant elle. « Circulez, y a rien à voir ! »

C’est comme la loterie

Les trottoirs constituent donc un enjeu capital au sien de la ville. Au point où ils peuvent vous rendre riche en un laps de temps très court, par le simple coup d’une baguette magique. Le fameux trottoir sera votre capital vie, votre rampe de lancement vers les cimes les plus invraisemblables.

Lorsqu’on évoque le marché, semble-il, juteux des trottoirs dans la ville, on pense automatiquement à tous les fantasmes. Ah si je pouvais décrocher un marché de trottoirs, soupire le rêveur en pleines illusions. Je serais sauvé. Je sauterais de joie. Je serais l’homme le plus prospère et le plus envié de la cité. Ce sera la chance de ma vie. C’est comme dans une loterie.

Un trottoir, c’est presque invisible et transparent puisque caché sous vos pieds. Il paraît insignifiant mais il peut rapporter gros. Il ne nécessite pas un important appel d’offre dans un quotidien national. Il se file le plus souvent à l’amiable en toute opacité et en toute discrétion. C’est la règle qui fait sa réussite indéfectible.

Le club MED

Lorsqu’on parle de trottoirs, dans l’inconscient c’est tout juste quelques mètres pour aider une petite entreprise privilégiée, l’heureuse élue, à pénétrer dans le cercle fermé du monde des affaires, un genre de club MED, un monde de merveilles et des mille et une nuits.

Cette démesure dépasse l’imaginaire lorsque la longueur du trottoir pour une petite ville, atteint les deux ou trois kilomètres. Avec des allers et retours, la mise est doublée de fait. Rajoutons à cela sa largeur qui peut atteindre les 5 ou 6 mètres lorsqu’il est situé sur un grand boulevard. Le petit contrat de départ dépasse l’imagination du petit bambin qui vient de tirer le gros lot ! Il aura aux alentours de 30000 à 40000 mètres carrés de surface à bétonner sans le bonus du granitos. De quoi assurer des dalles de 300 à 400 appartements de grand standing. Si l’on y adjoint le carrelage, le chiffre arrondi donne déjà le tournis. Faites vos comptes sans oublier la flambée du prix du sac de ciment.

Et puis les anciens trottoirs n’étaient pas aussi mal que ça ! Ils ne devraient pas être une des priorités du programme de la ville. Il fallait juste leur apporter un léger lifting. C’est un luxe pour une ville européenne de carreler ses trottoirs. Ils sont soit de couleur gris ou noir. Ils sont faits pour la plupart en bitume. Lorsqu’il y a réparation, ils sont refaits pratiquement dans la même journée. C’est simple et c’est rapidement réparable.

Vous pouvez vous rendre compte si avez eu l’occasion de visiter un de ces pays. Allez-y sur Google Earth en cliquant sur StreetView sur un quartier de Paris ou de Madrid, vous le constaterez de très près. Qui est-ce qui peut garantir chez nous que l’on remettra les mêmes couleurs si jamais il y aurait des travaux ? Un ami résident dans la ville de Montréal dans le Québec au Canada, m’a affirmé récemment que les trottoirs de cette ville sont faits uniquement en béton. Rappelons que Montréal est une des villes les plus modernes au monde et qui a, en 1976, organisé les Olympiades d’été.

La qualitÉ, son dernier souci

Le maître d’œuvre ne se présente jamais en tenue de travail parmi ses ouvriers saisonniers mais avec ses oreilles collées à son téléphone portable IPhone nouveau modèle, portant costume et cravate qu’il ne quittera jamais plus. Quand on pense au pauvre enseignant qui se balade en djean et baskets sans marques usés par le temps et taché de craie devant ses étudiants à longueur d’année. L’image est contradictoire et le cliché y est terrible.

Pour faire « classe » et taper dans les yeux, les portes de son véhicule du jour sont toutes voiles dehors. Il est muni de lunettes noires pour faire patron dernière génération. « Chabâa jdida », c’est le surnom que lui donne la plèbe.

Ses ouvriers travaillent dans des conditions de sécurité déplorables à faire dresser les cheveux de plus d’un inspecteur de travail. On doute qu’ils disposent d’une quelconque couverture sociale, légalisant ainsi le travail au noir avec l’argent public. Le fisc ne fait pas partie de son registre contrairement au malheureux fonctionnaire qui est ponctionné à la source. Quand on sait que dans les pays du nord, ne pas payer ses impôts est un déshonneur qui brise toute carrière prometteuse, cela peut être considéré comme un acte de non citoyenneté.

Il se fout de la qualité, c’est la quantité qui l’intéresse. Plus le service est rapide et bâclé, plus il empochera le gros magot majoré. Dans quelques temps, il ne sera plus là pour rendre des comptes. Il est volatil et peut se transformer en mister Hyde sans laisser aucune empreinte. Son bureau, c’est le café d’à côté. Son adresse est fictive. Il se reconvertit rapidement. La stabilité le rend plus détectable et il n’aime ça. Il n’est pas venu au métier par amour ou par goût mais par l’odeur de l’oseille qui l’a attirée de la même manière qu’un vautour est attiré par la chair en décomposition. Il n’est que de passage dans ce métier tel un clandestin. Il n’abandonnera rien derrière lui comme preuves, on ne le verra jamais sur les lieux du délit sitôt le chèque encaissé comme un criminel qui ne reviendra absolument pas sur les lieux de son crime. Il disparaîtra dans les champs au moment opportun. Voilà comment est-il fait notre héros de dernière série.

Un remblai mal entassé et voilà notre pauvre trottoir dénivelé risquant accrocs et crocs en jambes aux passants. A la moindre chute de pluies, il se transforme en marécage. Le niveau fait visiblement défaut.

Un trottoir ce n’est pas plus difficile que ça. Deux brouettes, quelques madriers, une quelconque réglette en bois, une massette, d’autres outils rudimentaires et le tour est joué. Et voilà notre bonhomme à la tête d’une entreprise tous corps d’états, spécialiste tous domaines !

Le béton est mélangé à même le sol. La recette : quelques brouettes de gravier et de sable rajoutés à un sac de ciment. Il ne peut ni être contrôlé ni homologué. Le marché passe inaperçu, entre lui et son ombre.

Les ronds-points suivent la tendance

Dans nos villes, lorsqu’il y a réparation d’une conduite d’eau, de gaz ou d’électricité, on laisse irrémédiablement un trou béant qui va rester une éternité avant d’être refait. La cause, c’est qu’on souhaite à demi-mot plus de dégradations jusqu’à déclarer le trottoir hors d’usage. La trouvaille est toute faite.

Les jets d’eaux des ronds-points changent aussi de décors et de looks à chaque fois que l’argent coule à flots. Pour ceux qui ne le savent pas, les fontaines et les jets d’eau du château de Versailles n’ont pas été modifiés d’un iota depuis l’époque de Louis XVI. Ils sont juste entretenus. Chez nous, ça ne risque pas de dépasser le temps d’un mandat.

Une 4X4 à la mesure de sa NOUVELLE notoriÉtÉ

Quelques mois de travaux mal foutus et par miracle, notre pseudo-entrepreneur propriétaire d’une belle demeure et d’une résidence secondaire sur la côte en plus de « chkayattes » bien bourrées. Sa désormais inséparable 4X4 est l’une des attractions de son parc roulant. Si vous vous dressez sur son chemin, il vous écrasera du regard tel un minuscule insecte sans un sou. Il ira vanter les mérites de ses protecteurs locaux sur tous les toits de la ville. Gare à celui qui lui exprimera le contraire.

Il ne se prive de rien. Il dépense sans compter la fortune intarissable qui lui est tombée du ciel sur sa tête complètement étourdie. Lorsque toi, tu te rabats sur les fèves qui rendent ces jours-ci de nombreuses familles chanceuses, lui c’est le restaurant chic à gogo et à volonté pour toute la famille. Il achète, sans compter, un mouton complet par semaine, ce qui représente pour lui l’équivalent de votre kilogramme de poulet. En faisant son marché, il s’offre 3 kilogrammes de crevettes royales lorsque vous vous contentez d’un maigre kilogramme de sardines acheté en plein été quand le soleil est au zénith. Les steaks et les entrecôtes font parties du décor de sa table bien garnie de fruits exotiques alors que pour vous, l’achat d’un demi kilogramme de viande congelée et hachée fera pivoter votre cervelle à plus de 5 tours. Il aime dépenser sans limites et sans vergogne. Tiens, il a complètement changé son entourage. Il côtoie maintenant de nouveaux alliés. Un second mariage avec une femme issue d’un milieu fortuné, s’impose, pour mieux assurer l’avenir. Dans ce milieu, l’alliance a son importance primordiale pour la défense de ses arrières et de ses profits.

Une « DaÂwa » pour la prospÉritÉ

Ni vu ni connu, il se perd dans la nature si jamais il y a un pépin. Il se nuancera tel un caméléon. Pour ne pas traîner de traces derrière son dos, il blanchira son acquis aussi promptement dans l’immobilier, le commerce national ou l’import et même dans l’agriculture. Il jubile en contractant des affaires « smaoui », c’est-à-dire dans les cieux, loin de la terre et des yeux de l’autorité et des impôts. L’argent n’a pas d’odeur pour lui et fait superbement son ascension.

Il pourra également bénéficier de larges crédits bancaires de l’état providence qui feront fructifier davantage sa nouvelle action dorée. Les trottoirs ne sont qu’un passage obligé lorsqu’on débute dans la construction. Une fois adulte dans ce monde qui n’est pas à la portée du premier venu, il deviendra un notable par défaut. Pour acquérir les marchés, tous les moyens, catholiques ou non, sont propices pour la conclusion d’affaires louches. Au moment opportun et selon les circonstances, il se métamorphosera en un Hadj respectable et assidu des premiers rangs. On le sollicitera pour son argent malpropre à chaque fois que le quartier est dans le besoin pour la finition de la mosquée du coin ou l’achat de tapis ou si quelqu’un est dans la nécessité cruciale. On lui fera une « daâwa » illimitée pour sa bienfaisance légendaire et de son immense charité. On n’osera point évoquer son passé, c’est son futur florissant qui intéresse le voisinage. Durant les cérémonies, on se lèvera promptement pour le saluer : « Ahlaa ! si Flen ou si El Hadj », signe de sa somptueuse escalade dans la notabilité. Il tente d’obtenir la noblesse quel que soit le prix à payer. On saura lui trouver le bon filon pour y accéder. Ce n’est qu’une question de tarif et de fetwa. Il sera un vrai reconverti, un rescapé d’en bas.

Il sera dÉcideur dans la CITÉ

Tel qu’un parrain, il sera aussi consulté sur tout ce qui touche la cité pourtant il ne sait ni lire ni écrire mais il sait admirablement compter les liasses. Un monde à l’envers ! Il appartient désormais à une race rare, à la nomenklatura locale indétrônable. Il a droit à la vie et à la disparition de la localité. Puisque la place n’est plus aux instruits, devenus écervelés mais celle de la bedaine. Son domaine d’influence est tout ce qui est hors-la-loi, narguant la loi en vigueur. Il se croit tout permis avec sa fortune.

Les futurs regrets

Ce qui se déroule pour les trottoirs et les ronds-points au niveau local est amplifié au niveau national. La preuve, les scandales à répétition qui défraient la chronique sur tel ou tel contrat.

Dans quelques années, tout le monde va regretter ces décennies de gaspillage à outrance et d’opulence à souhait. On dit que l’Algérie est un grand chantier interminable mais pas au point où l’on jette gracieusement l’argent par les fenêtres. Cela fait mal au cœur et crève le trésor public. Le pétrole est une richesse naturelle qui va se tarir. Dans 40 ans il n’y aura plus une seule goutte comme vient de l’annoncer le ministre de l’intérieur. Comment allons-nous faire pour y remédier à la situation ? On est obligé de faire travailler les méninges et réfléchir ensemble pour trouver les solutions adéquates. On doit redouter que les générations à venir soient intransigeantes en nous jugeant impitoyablement, à titre posthume, sur notre actuelle gouvernance.

Y a-t-il un quelconque BILAN ?

A-t-on vu un jour une APC ou une APW distiller aux habitants de la circonscription un quelconque bilan sur les mandats qu’elles viennent d’achever ? Connaît-on d’abord le montant de leur budget annuel alors que celui de l’état est connu au centime près ?

Et le montant, destiné aux trottoirs, est-il déclaré ? Est-ce que les PV des délibérations de ses assemblées sont placardés convenablement sur les tableaux d’affichage à travers la ville comme c’est le cas pour d’autres évènements ? On pourrait en principe même le discuter en associant la population à travers les radios locales dont dispose chaque ville, chef lieu de Wilaya. On constate amèrement que le citoyen n’intéresse les responsables qu’à la veille d’une échéance électorale locale.

On continue de moisir dans la médiocrité et par ricochet le pays en prend un sacré coup. C’est comme dans « Quahwat Moh » ou l’on « Chrob » et « Roh » !

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samedi 17 avril 2010

La bêtise humaine.


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Article dans le Quotidien d'Oran du 17 Avril 2010 sous le lien suivant:
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5136894
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Il ne se passe pas un jour sans que des familles entières ne soient décimées ou endeuillées par les accidents de la circulation qui ne cessent de nous frapper durement en dépit du nouveau code de la route. Sans un profond travail de prévention et d’éducation surtout auprès de nos jeunes conducteurs en plus de l’acquisition strict du permis de conduire accompagné de tests psychologiques sur les futurs candidats, on continuera à pleurer les morts de la bêtise humaine. La répression n’est sans doute pas la seule solution idéale, il faut beaucoup plus un réel travail de formation et de proximité.

Des erreurs volontaires ou insoucieuses de quelques secondes vont laisser des traces insurmontables pour les petits orphelins laissés par les défunts. Le dernier accident en date qui a lieu le vendredi 9 avril dernier du côté de Bethioua, a causé 5 morts et fait plusieurs blessés dans un carambolage incroyable entre 4 véhicules.

J’étais ce jour-là en visite familiale à Relizane lorsque l’épouvantable nouvelle est arrivée brusquement tel qu’un couperet vers les coups de midi. Elle s’est propagée à la célérité de la traînée de poudre juste à la sortie des fidèles de la prière du vendredi. Cette fois-ci, La bévue humaine a aussi frappé fortement, de pleins fouets 2 familles de la ville, en leur arrachant 2 de leurs membres. L’information était sur toutes les lèvres. On s’est lassé à compter le nombre total des morts et des handicapés, en nette croissance durant les dernières années. Nous sommes presque paralysés et terrorisés devant cette bête immonde à chaque fois que le désastre nous emporte. Citez-moi une seule famille qui n’a pas été touchée ainsi dans sa chair par la disparition d’un proche parent ?

Dans la ville, les gens accouraient de partout vers les domiciles, tantôt chez les Osmane, tantôt chez les Gacem pour présenter les condoléances et se solidariser en ces moments douloureux. Toute la ville était choquée par ce drame de la fatalité. Les deux éprouvées familles ne sont pas prêtes d’oublier de sitôt, pas avant très longtemps, ce déchirement à chaque fois qu’ils se mettront en face des prunelles des yeux des regrettés.

Le lendemain, une foule dense et immense se joignait aux 2 cortèges funèbres en accompagnant dignement les disparus jusqu’à leur dernière demeure. Les lieux de l’enterrement étaient pleins à craquer, noirs de monde, tellement le bouleversement était profond. Plusieurs imams étaient aux avant-postes de la prière sur les morts. Une très forte émotion régnait au cimetière de Sidi Abdelkader où les enfants de la ville n’ont que ce lieu pour se retrouver nostalgiquement et se lamenter sur la dégradation de la vie d’antan. Beaucoup de personnes sont venues de loin pour assister à la mise en terre des déplorés. Elles se sont déplacées à Relizane pour témoigner leur sympathie et leur compassion aux familles.

Les victimes représentaient également la famille du judo Relizanais au niveau national et ne rataient aucun événement sportif régional ou national sauf imprévus. Ils assuraient fidèlement la relève en compagnie du désormais orphelin Laraba Benaouda qui ne s’est pas déplacé ce jour-là avec ses amis pour inconvenances familiales malgré les incitations de ses feux camarades comme il le tenait à me l’affirmer d’un air complètement traumatisé. Les regrettés Gacem Kader et Osmane Amine étaient inséparables depuis leurs jeunes enfances. Ils faisaient parties de cette sincère et inestimable famille du judo de la ville. Ils ont remplacé à merveille les précurseurs de la discipline que sont les légendaires Touahria et les Mokhfi, actuellement retraités. Dieu a voulu que Amine et Kader soient partis ensemble dans l’au-delà, à la fleur de l’âge sans parachever tous leurs projets.

Ils allaient justement en ce jour de repos vers Oran pour assister à une compétition sportive de judo accompagnés de leurs tous jeunes judokas. Mais en cette matinée, la faucheuse les attendait sur leur chemin. C’est le maktoub comme on le dit à pareille occasion pour se soumettre à la volonté divine. Que dire ? Je ne vais pas quand même pas m’étaler dans ce papier sur le comment et le pourquoi de cette perte cruelle. Il faut du temps et de l’inspiration pour analyser ce fléau qui lamine le pays. Le moment n’est pas aujourd’hui fortuit, il est à la prière et au recueillement sur nos morts. Tant qu’on n’a pas remédié à ce mal qui nous ronge dans nos entrailles, la route continuera à saigner et à anéantir les familles. La scène vécue ce week-end à Relizane est identique à celles que vivent chaque jour les coins les plus reculés du pays.

A la fin, je retiendrais cette image insoutenable et symbolique des pères des disparus Hadj Cheikh et Hadj Habib, tombés l’un dans les bras de l’autre juste après la fin des enterrements de leurs enfants, entourés des siens et des présents. Ils venaient de mettre à jamais sous terre leur foie comme on le dit si bien dans l’un de nos édifiants adages populaires. Des sanglots interminables à chaudes larmes parachevaient le portrait émouvant. Une image qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. Que Dieu nous portera secours pour apaiser leur souffrance et soulager nos peines.

Enfin, j’espère que leur ville ne les oubliera pas une fois les larmes asséchées en leur rendant un hommage lorsque l’occasion s’y prêtera. Toutes les initiatives sont opportunes pour instaurer et perpétuer les traditions.

Adieu Kader, Adieu Amine. Reposez-vous en paix.

Mohammed BEGHDAD

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jeudi 8 avril 2010

La notion du temps d’ici et d’ailleurs.


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Article publié le Jeudi 8 Avril 2010 par le Quotidien d'Oran:

http://www.lequotidien-oran.com/?news=5136537 (format html)

http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/08042010.zip (Format Zip)


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A ce jour, « Time is money » est la citation qui résonne le plus dans mes oreilles lorsqu’on évoque le facteur temps. Au milieu des années 70, notre ancien professeur d’optique à l’institut de physique de l’université d’Oran ne cessait de nous la faire rappeler tout au long du semestre. Dorénavant, elle revient plus que jamais d’actualité.

Comme l’avait découvert Albert Einstein, père de la relativité, au début du siècle dernier, le temps n’a pas la même valeur lorsqu’on est au repos ou en mouvement. En effet, celui qui est sédentaire voit le temps s’écouler plus rapidement que celui en perpétuelle mobilité. On se rappelle bien des voyageurs de Langevin, plus connus sous le paradoxe des jumeaux, dont le frère voyageur revient plus jeune par rapport à son frangin resté sur terre. Cette expérience est d’autant plus appuyée que la vitesse est plus proche de la célérité de la lumière.

DANS LE TRAIN ET DANS LE CAR

Cette notion semble maintenant s’appliquer entre les pays arriérés et les pays développés technologiquement. Il suffit de le constater virtuellement tous les jours à travers leurs médias qui nous arrosent de partout. Ceci est plus évident lorsqu’il vous arrive de visiter un de ces pays. Vous pouvez, sans doute et sans cesse, vous poser la question: pourquoi le départ d’un train d’ailleurs est programmé à 8h11mn par exemple et non à 8h12mn. S’il est prévu à cet horaire précis, c’est que quelque part chaque minute a son importance. Le respect de l’horaire est sans équivoque synonyme du développement d’un pays.

Ces derniers sont allés un peu plus loin avec le système presque sans faille du transport urbain de la ville. Dans un arrêt quelconque de l’autobus, vous avez un écran lumineux qui vous annonce son arrivée dans 3 minutes ainsi que les horaires d’attente des suivants. Lorsque les 3 minutes sont entamées, il est là à vos pieds, et vous restez ébahi par la prouesse. Pourtant, il n’y pas de receveur mais c’est le chauffeur qui en fait office. L’handicapé peut actionner un système qui lui permet de monter aisément à l’intérieur. Les intervalles de temps entre stations sont estimés à la seconde près. Rien n’est laissé au hasard. Tout est réglé comme une montre suisse. Le Poste de Contrôle de la compagnie des bus est une véritable tour avec écrans géants qui inspectent le moindre petit détail du réseau. On connaît la position de n’importe quel bus dans la ville grâce au système GPS. Le client peut aussi consulter en temps réel tous les détails par internet. A l’échelle planétaire, du moins dans les pays avancés, GoogleEarth vous avise instantanément du trafic de la circulation dans n’importe quelle ville du monde développé. Toute cette technologie a pour objectif l’économie du temps. Vous pouvez également acquérir, grâce au Net, un billet de train ou d’avion, l’imprimer chez vous et vous présenter directement pour embarquer. Je me demande parfois si nous vivons dans la même planète que ces gens-là.

Chez nous, on ne croit pas assez à ces choses, on vous incite à perdre inconsciemment du temps et venir galérer aux guichets pour solliciter la moindre information. Le site Internet, lorsqu’il existe, n’est que rarement mis à jour. Il n’y a qu’à visiter nos portails. C’est décevant de constater que certains sites de nos ministères datent de l’époque romaine.

Revenons à nos gares routières inter-villes. Les bus ne respectent aucun horaire, ils prennent le départ que lorsqu’ils sont remplis à ras bord. Lorsqu’il n’existe pas de sièges vacants, les voyageurs effectuent des trajets de longue distance debout, dans des machins qui roulent à grande vitesse, en plus des fumées dégagées, néfastes à notre santé. Ils passent et repassent tous les jours, à longueur de journée, au nez et à la barbe de tous sans qu’ils soient inquiétés par les autorités concernées.

À LA BANQUE

Ailleurs, la banque possède 2 horaires, celle du public n’est pas celle des travailleurs. Les employés rentrent au boulot plus d’une demi-heure avant l’ouverture des portes aux clients. Cette avance leur permet d’accueillir leurs abonnés dans les meilleures conditions de rapidité et de fluidité du service dispensé. A 8h35mn pile, au moment de l’ouverture du guichet, il est là, prêt à accueillir les rois clients dans la bonne humeur et le sourire en plus. Ils savent que le temps est précieux pour leurs clients. Ils ne doivent jamais les décevoir ou s’occuper d’autres choses lorsque le client est présent. Ce dernier peut immédiatement clôturer son compte si les prestations fournies ne sont pas à la hauteur de ses attentes. En plus de la disponibilité des distributeurs de billets de banque à chaque coin de rue et l’utilisation généralisée de la carte bleue, le client ne passe que très peu de temps dans son agence au cours de l’année.

Tandis qu’ici, le banquier et le client qu’il est censé servir, rentrent pratiquement au même moment dans les lieux. Le malheureux consommateur doit patienter, en se roulant les pouces, attendant que le préposé au guichet aille chercher l’argent dans un bureau à l’intérieur, s’installer tout doucement sur son siège, recompter les billets. Un rituel, à vous faire péter les plombs ! De la pure provocation. Les minutes s’égrènent sans que les pauvres clients n’osent placer un quelconque petit mot. Une infime petite remarque offusquerait le guichetier à jamais et vous fera perdre le temps qu’il désire. Adieu votre journée ! Il s’en fout du temps car il en perd tous les jours des tonnes de secondes sans s’émouvoir. La chaîne, lorsqu’elle est respectée, est bondée. Le temps fou passé dans ces lieux à se lasser de chiffrer les minutes et les heures sacrifiées, mesure à quel point l’unité internationale du système de mesure qu’est la seconde n’à aucune importance dans nos contrées. Que l’on reste une heure ou toute la journée : c’est pratiquement la même chose. Ces ignorants savent-ils au moins que les scientifiques ont fait d’énormes sacrifices pour définir cette unité ? Actuellement, elle représente la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre deux niveaux énergétiques de l’atome du Césium. Pourquoi se sont-ils alors usés si la seconde était insignifiante ? Vu son extrême importance, les chercheurs d’ailleurs ne cessent de peaufiner sa précision. Elle est actuellement de 14 chiffres après la virgule.

SUR L’AUTOROUTE

Imagions un seul instant que l’autoroute Est-Ouest ait été confiée aux nôtres. D’abord, les cataclysmes du métro et de l’aéroport d’Alger sont des exemples édifiants à ce sujet. Des réalisations qui avoisinent le quart du siècle ! Si c’était par malheur le cas, il y a belle lurette que le ministre des travaux publics ait trouvé une place de choix dans l’asile le plus proche de son ministère. Quoiqu’on les ait critiqués à tort et à travers, les chinois nous ont permis d’atteindre les objectifs certes avec de légers retards qui sont principalement dus à notre lourdeur bureaucratique et à la rareté des matériaux locaux. N’est-il pas vrai que le prix du ciment ait presque triplé en un temps si court ? Ceci a ainsi faussé tous les calculs prévisionnels qui n’ont pas lieu d’être que dans le pays du bricolage.

Je me souviens toujours de projets attribués à nos entrepreneurs, si on ose les nommer ainsi, qui ne possèdent même pas un madrier ou une brouette convenable. Ne parlons pas de l’horreur de leur qualification. Au pays des merveilles, on se réveille du jour au lendemain promoteur immobilier par accident. Ils se sont retrouvés, au pays des miracles, à la tête de fortunes colossales. On constate bien que le temps d’accès au bonheur doré s’abrège lorsque le chemin choisi est tortueux. Cette situation me rappelle un peu le principe de moindre action en sciences de la physique. Pour aller d’un point A vers un point B, la lumière ne choisit pas le chemin le plus court pour y arriver mais le parcours où elle fait le temps minimal possible. Malheureusement, les chercheurs d’or de chez nous le font en laissant derrière eux des dégâts incommensurables. Des travaux réalisés qui ne durent pas le temps d’une année et voilà des peintures qui s’écaillent et des trottoirs qui se fissurent. Ils ont voulu gagner de l’argent à la vitesse de l’éclair mais ont fait perdre de l’argent et du temps inestimables au pays. C’est toujours une histoire de temps qui se répète.

AU STADE

Je pourrais vous donner des milliers d’exemples du gaspillage à satiété du temps. Pour égayer un peu la situation, la réduction du temps dans un match de foot, chez nous et ailleurs, ne se fait pas de la même façon. Dans notre malheureux championnat, lorsqu’une équipe mène au score, l’entraîneur demande à ses joueurs de perdre du temps non pas en circulant le ballon, comme ailleurs, mais par l’anti-jeu. Au moindre contact et le joueur feint de s’écrouler sans se relever devant son coach en jubilation. Même la manière d’écouler le temps n’est pas identique. Elle est douce et sportive loin de chez nous. Elle est belliqueuse et anti-sportive dans nos fiefs.

Toujours dans le domaine du football, puisque c’est ce qui fait l’évènement par ces temps de misères intellectuelles, on ne peut pas concevoir, ailleurs qu’un supporter puisse passer la nuit dehors devant le stade pour pouvoir assister à un match amical. Pourtant notre supporter possède son billet d’accès aux gradins. En Europe, on ne le fait même pas pour une finale de coupe du monde. C’est ce qui s’est bien déroulé lors du dernier match Algérie-Serbie du 3 mars dernier. Au Barça où l’équipe locale pratique le plus beau football au monde, les 90000 spectateurs peuvent aller rejoindre les tribunes que quelques minutes avant le début du match. C’est pratiquement le même nombre de spectateurs mais la valeur du temps d’ailleurs est plus grande que la nôtre. Cela démontre bien que la question de la déliquescence de l’irremplaçable temps est aussi synonyme de la désorganisation qui règne.

À L’ACQUITTEMENT DES FACTURES

Ce gâchis du temps, on le voit partout. Si vous envisagez un matin d’aller dans plusieurs lieux, faîtes d’abord une prière avant de sortir de chez vous, car vous risquez de n’avoir que de mauvaises surprises. Supposons que vous avez des factures à régler, celles de l’électricité, du téléphone, de l’eau ou de votre loyer. Notons qu’ailleurs, ces factures sont réglées au bout du clavier de son ordinateur à 10h du matin ou en plein milieu de la nuit, où que l’on soit, chez soi ou à l’étranger. Des heures de galère chez nous se convertissent ailleurs en quelques secondes !

Dans le premier cas, vous partez à pied car le bus est loin du guichet, en arrivant devant les portes restées fermées. Oui monsieur, aujourd’hui, ils sont entrain de faire l’inventaire, revenez demain. Le pauvre client ne sera jamais avisé d’un éventuel changement. Tant pis pour lui, il ne mérite que le mépris. Pour le second bureau, le guichet est plein à craquer. Si vous vous aventurez dans la chaîne, vous risquez de rater le troisième. Vous faîtes vite le compte en allant courir alors vers ce dernier. Hélas ! Monsieur, encore une fois c’est la ruée. Vous rentrerez alors bredouille pour revenir le lendemain mais là tout le monde a fait les mêmes calculs. A la fin des courses, vous paierez une pénalité de retard de payement de la facture ou vous aurez droit à une coupure pour une faute que vous n’avez jamais commise. Notons quand même une nouveauté ces derniers temps au sein de la poste. Un système d’organisation de la chaîne à encourager vivement mais qui reste à améliorer. Un ticket est délivré à l’entrée où l’on attend son tour sans irritation. Néanmoins, l’attente dure plus longtemps du fait du nombre très restreint des guichets uniques.

À L’ECOLE, À L’UNIVERSITE

Le gaspillage des secondes, chez nous, on le voit où que l’on se trouve. A titre d’exemple, lorsque vous visitez une université d’un pays au-delà des mers, vous ne trouverez pas un chat qui grouille dehors en plein milieu de la matinée ou de l’après midi, on dirait qu’elle est déserte contrairement à la notre où vous avez l’impression d’être plus dans un souk que dans un lieu du Savoir. Les cours de récréation des campus abondent de monde estudiantin. Allez par hasard visitez les salles, la plupart vides, alors que l’emploi du temps des occupations des lieux affiche complet. Les 8h00 du début du cours se dilate prodigieusement à 8h20mn et le 9h30 de la fin de celui-ci se contracte à 9h10mn dans notre demeure ! La séance de cours n’a ni tête, ni queue, elle s’allonge et se contracte au gré et à l’humeur de ses utilisateurs. Un simple rien et voilà la séance écourtée. Un vacarme par-ci, un manque de lumière par-là,…Pas un chat qui rode après 16h dans les conditions les plus favorables ! Quant à l’agent administratif, les 8h00 dans sa tête sonne 9h00 dans son inconscient et midi retentit miraculeusement vers 11h ! Un véritable exploit pour épargner du temps. Soit qu’on assimile plus vite et qu’on travaille plus dur que les autres, soit qu’on est en retard d’un siècle !

Avec le système LMD qui a « tutorisé » l’enseignement, une année scolaire universitaire est censée se dérouler en 2 semestres, chacun de 15 semaines d’enseignements. Comptabilisez le chiffre réel et vous verrez que le volume horaire annuel est facilement divisé par 2 voire 3 fois dans certaines filières. Entre le réel et le virtuel, il ne subsiste que l’imaginaire.

Je me rappelle bien d’un article paru il y a quelques années dans Elkhabar Elousboui du collègue Mohamed Laâgaab où il parle de cette catastrophe et les conséquences sur nos diplômes, d’étudiants à moitié formés, qui se répercutent indubitablement sur l’avenir du pays. Ce phénomène n’est pas unique, nos écoles et nos lycées sont aussi dans la même situation. Ce ne sont pas essentiellement les enseignants qui sont les premiers fautifs de cette situation inquiétante. Les pouvoirs publics en sont les principaux responsables. Les interminables et éternelles grèves, sans issues heureuses pour tous, en sont l’une des preuves conséquentes. As-t-on vu un jour un quelconque responsable du secteur de l’éducation de ce pays s’inquiéter sérieusement de cette atteinte infligée au devenir intellectuel de cette Nation ?

Sous d’autres cieux, le programme se termine comme il est prévu dans les délais prescrits. Le bilan aussitôt effectué. En questionnant un ami matheux enseignant en classes préparatoires françaises, j’étais surpris d’entendre que les cours se terminent à terme et à temps et que d’autres cours sont dispensés en supplément. Nous sommes loin derrière les normes universelles, c’est le moins que l’on puisse dire.

A force de tuer, sans aucune mansuétude, ce pitoyable temps, laissons peut-être le temps au temps d’utiliser le temps comme une unité rare à temps dans un temps futur que l’on espère voir apparaître à temps pour ne pas subir de contretemps !

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