jeudi 23 octobre 2014

L’information, ce nerf de la guerre.

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Article publié le Dimanche 17 Novembre 2014 sur les colonnes du Quotidien d'Oran sur le lien suivant: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5206147
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Avec l’éclosion d’internet et surtout la floraison des réseaux sociaux, Facebook en particulier dans le pays, l’information est actuellement diffusée à la célérité de la lumière. Tu peux être informé plus vite que le ministre de l’information de ton pays si une nouvelle est balancée aussitôt sur la toile et que tu sois au même moment connecté ou reçois une alerte instantanée si tu es abonné. C’est inimaginable ! Cela aurait été impossible, il y a quelques années. Si on nous parlait de cette extraordinaire percée, personne n’y aurait cru. C’eût été de la science fiction.

Et pourtant, ce qui nous arrive, se passe dans un monde bien réel. Ou l’on suit le train ou l’on reste en retard sur le quai. Tu vis dans l’ère de la mondialisation dont tu ne peux rien dissimuler. On est surveillé H24 par les satellites qui tournent autour de nos têtes. Les rues de chacune de nos villes sont photographiées tous les jours et actualisées sur Google Earth et que n’importe quelque être à travers le monde peut les consulter à sa guise d’un seul clic de son doigt. Ta maison est donc visitée à chaque seconde de la journée sans aucune tape à la porte ni un permis de perquisition. Alors que sur terre, dans ce pays, on continue à te proscrire de prendre en photo un édifice public pour cause d’interdiction par mesure sécuritaire. Reste-t-il encore un angle qui n’est pas connu par les puissances qui règnent sur terre, mer et ciel de par leur envahissante technologie ?

Tes moindres gestes sont épiés. Si tu oses dénoncer ce voyeurisme à grande échelle, tu es vite mis à l’index. La souveraineté n’est que partiellement acquise. Elle est malmenée tous les jours sans que tu puisses te défendre. C’est la loi du plus fort qui domine de par sa voix hautaine et déterminée. La tienne est inaudible. Elle est complètement écrasée, voire écrabouillée. Couper internet est vu par les puissants pays conquérants comme une entrave à la liberté de s’informer. On n’y peut rien à force de traîner dans le bas du classement. Ce sont aussi les conséquences de nos politiques désastreuses qui ne prévoient rien à l’horizon en regardant juste autour des pieds. À force d’interdictions, c’est le revers de la médaille qu’on découvre au bout du compte. Toutes les censures sautent les unes derrières les autres sans que l’on n’y puisse réagir. On est soumis au diktat de celui qui fait le monde actuellement. À force de subir,  l’on est complètement figé. On est emporté par le tourbillon en se noyant davantage.

Cette percée du web a donc tout changé, presque bouleversé tout le paysage de la communication dans le monde. Avec l’arrivée de la technologie 3G, aucun point du pays ne peut y échapper. On comprend bien maintenant pourquoi l’introduction de cette nouvelle technologie a été retardée. Mais on ne peut affronter la technologie qu’avec les mêmes armes. On est vite soumis. Avec le développement inouï des Tic, demain, on n’aura certainement pas besoin d’agrément pour se brancher. À partir de ton Smartphone, tu deviens le centre d’intérêt du monde si tu émets une information originale. La plus petite, soit-elle, sera enflée au fur et à mesure du temps en parcourant des milliers de kilomètres à la seconde. En une fraction, elle ferait déjà plus d’un tour du globe. Rien ne pourrait arrêter son ascension. C’est incroyable ce qu’un pays ne peut plus maîtriser comme diffusion de l’information sauf bien sûr les Usa qui l’ont créée dans un but d’asseoir leur supériorité et en même temps de collecter, de colossales données à travers la planète qui l’ont façonnée aux dimensions d’un petit village.

Chaque internaute est devenu un point qui consulte, lit et diffuse à tout instant tout ce qu’il passe à travers son compte. Il devient un acteur de l’information. Je serai tenté de dire qu’il en est un élément de ces millions de ses anonymes soldats. Chaque pion est un point essentiel et important de cette toile d’araignée qui a tissé tout doucement ses fils à travers les êtres humains de la terre. Il y a des pays qui travaillent sur le long terme tandis que d’autres en consentent.
Qu’elle semble lointaine l’époque de Boumediene. On ne saurait jamais ce qu’il adopterait comme position s’il était toujours de son vivant. Le seul moyen de s’informer d’alors, furent les journaux étatiques, les quotidiens El-Moudjahid et Echaâb à l’échelle nationale. Au niveau régional, c’étaient La République à l’ouest et Ennasr à l’est. Il y avait aussi deux hebdomadaires, Révolution Africaine, l’organe du parti (Il faut comprendre le Fln) ou le fameux Algérie-Actualité. On attendait sagement le matin pour s’acheter ces éditions où les éditoriaux suivaient à la lettre la politique prônée. Aucune phrase mal placée ou un mot banni même entre les lignes ne furent tolérés. Tout était tamisé, de la Une jusqu’à la dernière page sportive et entre elles, celle de la nécrologie. On devait sacraliser le régime du matin au soir et où la plus petite des contradictions ne s’exprimait. C’est vrai que le pays sortait à peine du joug colonialiste et c’était peut-être la seule politique en vogue et au vu des circonstances historiques de la bipolarisation mondiale avec un monde divisé en deux principaux camps.
De deux choses l’une, ou bien suivre la voie du monde occidental dont était issue la France coloniale, chose impensable et inconcevable en 62, ou le choix d’opter pour la politique socialiste qui a été épousée pratiquement par tous les peuples qui jouissaient de leur indépendance.  Aucune autre voie n’émergeait, mis à part ces deux choix. C’est comme si c’était deux mondialisations mais farouchement opposées. Tu ne dois pas être neutre, ou bien tu es avec le premier et tes ennemis, ce sont les autres ou vice-versa. Le socialisme dans lequel bernait l’Algérie, et le communisme dans sa version extrême, n’admettaient aucune autre pensée, toute liberté d’expression était étouffée. Tout le monde devait réfléchir dans le sens de la pensée unique.
Même le silence était complice. Quant aux opposants, ils devaient disparaître à jamais du champ visuel, en croupissant dans les geôles ou en sauvant leur peau dans l’exil à jamais même si on a été un des anciens guides de la révolution à l’instar de Boudiaf ou d’Aït Ahmed. Alors, oser parler en évoquant le contraire, tu devais ne faire confiance même à ta propre ombre. C’est donc dans ces conditions que l’information avait vécues avec toutes ces contradictions. Tu devrais tourner ta langue deux fois avant de prononcer un seul petit mot. Les sorties du territoire national étaient délivrées par les chefs de daïra au compte-goutte par la crainte de la contamination étrangère et cette liberté d’expression.
Le JT de la RTA s’ouvrait sur les activités du président du conseil, ensuite sur ses ministres et enfin des reportages sur le terrain. On était aux anges lorsqu’on parlait de ton village et enfin la dénonciation de la politique impérialiste américaine des citoyens d’un village aux fins fonds du pays. C’était là l’expression du nif des algériens qui semblaient vivre dans un autre monde. Quarante années après, la réalité nous a rattrapés. On découvre que le monde dans lequel on avait rêvé n’existe plus. Il a disparu et enterré toutes ses aspirations avec lui. Tout a une fin, malheureusement.

Vint ensuite Chadli et ses réformes comme président fraîchement installé. On commençait un peu à délier la langue. Au point de vue de la circulation de l’information, les choses incitaient à bouger. On autorisait des journaux étrangers à y entrer au pays, principalement francophones, mais les ciseaux étaient toujours là à veiller. Au niveau local, l’hebdomadaire Algérie-Actualité était un fleuron en la matière. De belles plumes faisaient alors leurs apparitions. Ils ne crachaient pas dans la soupe, mais touchaient là où ça faisait mal. Chaque fin de semaine, on attendait inlassablement le nouveau numéro que l’on avalait d’un seul trait. On assouvissait notre manque d’analyses concrètes qui sortaient de l’ordinaire ambiant.

Une brèche s’était ouverte et qu’il fallait exploiter et ne cessait de pousser jusqu’à l’explosion d’octobre 88. Là, tout s’était envolé en éclats. Les réformes arrivaient à toute vitesse, accélérées par le mouvement sur le terrain. Des journaux, disons libres par rapport à la ligne officielle, voyaient le jour dès l’automne 1990. L’avènement du Soir d’Algérie était un événement extraordinaire. On l’attendait tous les soirs avec ses nouvelles très fraîches. Il se vendait comme de petits pains. On faisait la queue pour l’acquérir et le lire ensuite à la maison avant de se coucher. D’autres journaux suivaient le même itinéraire.

Les ventes ne pouvaient suffire à elles seules. Pour s’implanter dans la durée au sein du champ de la presse écrite, la manne publicitaire de l’Anep amortissait toutes les charges. C’était aussi une épée de Damoclès qui pesait sur la tête de ces journaux de cette ère nouvelle. Jusqu’à ce jour, ces journaux, comme il est rapporté dans les médias, comme l’exemple d’El-Khabar, pour ne pas citer que celui-là, subissent la politique des deux poids, deux mesures afin d’infléchir sa ligne éditoriale ou de le voir disparaître à jamais, ce nerf de la guerre. Quant aux journaux officiels, ils seraient depuis assez longtemps morts si ce n’étaient pas les subventions du trésor public et les rentrées publicitaires qui les maintiennent toujours en vie. Je peux aisément compter sur les doigts de la main en combien de fois, depuis 35 ans, j’ai acheté de numéros de ces journaux, que je dirais, sont dans le coma.

Malgré ces procédés d’un temps révolu, la circulation de l’information gagne du terrain de jour en jour. Les réseaux sociaux n’arrêtent pas de progresser, de grignoter tous les îlots  infranchissables. Selon une étude datant de juin dernier, l’Algérie compte à peu près sept millions de facebookiens sans compter la totalité des internautes [*]. Les jeunes de moins de 30 ans représentent les trois quarts de ce chiffre. Durant les cinq premiers mois de cette année, c’est un million de nouveaux utilisateurs qui se sont inscrits sur ce réseau. Facebook devient ainsi le meilleur moyen de s’informer. De plus, on peut choisit ses sources à sa convenance.

L’exemple des manifestations des forces de la police à Ghardaïa et à Alger durant ces deux jours, qui sont un évènement unique en soi, ont été suivies donc par tout ce monde invisible et leur entourage minute par minute tandis que le JT de l’ENTV de 20h continue son bonhomme de chemin comme si de rien n’était. Une guerre de l’information se déroule sous nos yeux, mais la télévision publique ne veut pas sortir de sa torpeur en se croyant être toujours le nombril du pays.     
  


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samedi 11 octobre 2014

L'Algérie saura-t-elle éviter un autre 5 octobre ?

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Article paru le Jeudi 9 Octobre 2014 sur les colonnes du Quotidien d'Oran sous le lien suivant: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5204354  
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Seule une politique adéquate menée avec le concours et sans aucune distinction avec tous les enfants de ce pays peut le prémunir d'un éventuel désastre. Il faut anticiper avant que ce ne soit pas trop tard. Les regrets d'après ne pourront plus nous consoler.

Rappelons-nous quelques années avant le 5 octobre 1988, c'était le fameux programme anti pénurie que tout le monde avait agréé sous les initiales prémonitoires du PAP. C'est-à-dire qu'on voulait faire goûter la plèbe à la vie d'un pape après avoir subi la politique socialiste très austère de l'époque de Boumediene. On était fier mais toutes les commodités nous manquaient. On mangeait presque de nos mains. On avait qu'une seule marque de savon, c'était la célèbre « maya ». Pour le shampoing, c'était le même label. On faisait la chaîne pour acquérir un kilogramme de patates ou d'oignons dans les magasins de la défunte Ofla (Office des fruits et légumes algériens). Mais hélas, d'autres membres de la Nomenklatura faisaient leurs courses en cachette dans les marchés achalandés de Paris, de Londres ou de Rome, surpris par les flashs des photographes de Paris-Match d'antan.

La galerie des souks

C'était la période des Souk El-Fellah pour le citoyen lambda où pour l'achat d'une cuisinière, d'un chauffage ou d'un réfrigérateur, il fallait faire une lettre recommandée avec un accusé de réception au directeur de l'entreprise et attendre son tour durant plusieurs mois pour faire de toi du tirage au sort un algérien heureux. C'était le bonheur absolu et les youyous des voisins. 

On faisait alors des demandes aux noms de sa femme, de son fils, de sa mère ou de sa grand-mère. C'est comme si on participait à la grande loterie. Allez-y savoir s'il y avait vérification pour savoir qui a été servi de celui qui ne l'a pas été. On fermait la gueule sans broncher. Les approvisionnements dépendaient évidemment de la production locale. Cela ne suffisait plus à satisfaire les besoins de la population dont la demande grossissait de plus en plus. Les gens avaient quelque peu de l'argent, car ils ne trouvaient rien en face à s'acheter.

Ils passaient leur temps à guetter les portails des entrepôts de ces magasins de l'état pour immédiatement faire la queue afin de s'offrir un poste radio ou des piles électriques, quelques pots de yaourt ou un bidon d'huile. C'était selon le hasard. La pénurie battait son plein dans tout le pays. Et il fallait trouver une solution pour soulager le simple citoyen qui souffrait énormément de ces carences. Comment ? Puisqu'il y avait quelques sous dans les caisses, il faut importer tout, de la banane jusqu'aux cacahuètes. Il faut que le peuple se satisfasse à ses plaisirs de la consommation, mais sans aucune contrepartie productive. Ainsi, le citoyen a été transformé en un gros tube digestif. Il ne pense qu'à son ventre, qu'à broyer et à ne rien prévoir pour les lendemains sinon tourner autour du centre de gravité du pays qu'étaient ces souks pour attendre les nouveaux déchargements.

Sur le dos de la pénurie 

Les plus professionnels se plantaient en famille pour pouvoir tirer le gros lot. La revente des produits acquis est immédiate. À la vue de la désorganisation du circuit de distribution, voire sa défection, cette ouverture des vannes était donc une aubaine pour les nouveaux trabendistes qui commençaient à sortir leurs griffes en s'octroyant des quotas de plusieurs articles ménagers avec la complicité et le partage des dividendes avec ces patrons de ces surfaces pour les revendre ensuite aux plus offrants sur les marchés parallèles qui surgissaient déjà de nulle part. Les nouveaux hommes d'affaires d'un nouveau genre montraient leurs pleines dents pour les trafics de toute sorte sur le dos de la pénurie qui sévissait. C'était là qu'ils avaient constitué leur capital. La suite se déroulait devant eux le plus normalement du monde.

La réflexion et l'émancipation du peuple n'étaient point à l'ordre du jour. Il fallait parer au plus pressé. La dépendance alimentaire ne s'est faite que s'accroître. 

Jusqu'à ce jour, nous sommes toujours au point zéro. N'est-il pas vrai que les exportations des hydrocarbures sont toujours à 98 % de la totalité ? Elles n'ont pas changé depuis d'un iota. Elles stagnent au même rang du classement. Donc, les caisses commençaient petit à petit à se vider au grand dam des autorités qui n'avaient rien prévu en échange de cette politique de la facilité et de la fainéantise. Au lieu de profiter de cette embellie pour s'ouvrir au peuple, pour le libérer davantage, pour enfin l'associer à la prise de la décision. On avait continué à l'ignorer, il n'est là que pour entériner la politique prônée.

Manger la ceinture 

Puis vinrent les années maigres vers le milieu des années 80 avec la chute soudaine des prix du baril. C'était la panique à bord. Du jour au lendemain, on nous annonçait que nous devons dorénavant serrer la ceinture. Le peuple ne comprenait pas sérieusement ces menaces puisqu'il n'est point comptable devant l'éternel de cette politique. Il a été toujours le dernier maillon à le savoir. Il a été toujours considéré comme un adolescent qui n'est pas encore près de grandir, de devenir pleinement adulte qui assumerait ses pleines responsabilités. C'est pour cela qu'il avait réagi au début comme un petit enfant gâté, mais qui ne veut aucunement être privé de la manne providentielle, de ces fonds qui lui tombaient du ciel.

Le pouvoir politique savait que ce peuple ne pouvait être secoué de sa torpeur que par un électrochoc pour le faire réveiller, le faire revenir à la réalité qui lui a été toujours dissimulée. Le FMI attendait sagement qu'on vienne le quémander pour nous apporter les solutions innombrables à nos problèmes. Comme un médecin face à son malade qui n'a pas pris les médicaments préconisés. Autant dire se jeter dans la gueule du loup. C'est la punition prévue pour celui qui n'a pas su guider comme il se doit la barque de son pays. Elle ressemble beaucoup plus à une chaloupe dont la cale s'est trouée. C'était le chavirement garanti. Et comme tous les malheurs du monde pleuvaient sur nos têtes, la dette extérieure du pays grossissait de jour en jour et qu'on ne pouvait plus honorer son remboursement. On avait donc livré le pays les mains et les pieds liés au FMI et au Club de Paris. 

Séisme de magnitude 120

Et ce qui devait arriver arriva. Le 5 octobre 1988 fut un véritable séisme dans le pays, il est vrai, aidé en cela par le célèbre discours de Chadli du 19 septembre précédent et qui avait mis un coup de pied dans la fourmilière en exprimant son ras-le-bol devant l'inaction des responsables du parti unique et l'immobilité des responsables politiques du pays et son abominable article 120 qui avait fait écarter les compétences les plus avérées. On était tous ébahis par le ton des paroles fortes du défunt Chadli. On découvrait subitement qu'on était au bord de la faillite collective. C'est la sentence de la politique qui ne fait que contenir les velléités de liberté du peuple, de ses enfants les plus intègres et les plus dévoués qui naviguaient à contre-courant. Un pays ne pouvait nullement avancer sans l'éclosion d'une opposition jumelée d'une alternance au pouvoir. 

Et surtout, il ne faut jamais essayer de priver le peuple de son pain quotidien. C'était la goutte qui avait débordé le vase. Les manifestants qui sont sortis dans la rue, avaient attaqué et brûlé les institutions officielles comme les bâtiments appartenant au Fln, à la mairie ou à la police ou en dévalisant les fameux magasins étatiques et en écrasant tout sur leurs passages tels des criquets pèlerins envahissant un champ de céréales. Ils avaient surtout exprimé leur mécontentement général et leur défiance flagrante aux gouvernants de l'état algérien. Et c'est ainsi que l'Algérie n'enfante que dans les moments douloureux, jamais dans les circonstances calmes et sereines. C'est dans la précipitation des évènements qu'elle a tout avortés et que cela avait profité surtout à certains cercles qui ne souhaitaient guère que l'Algérie mûrisse et évolue en donnant des enfants légitimes issus d'une politique pérenne. On ne va pas s'étaler sur la période qui avait suivi, mais que les ennemis du pays se réjouissent que l'Algérie ne soit pas encore sortie du tunnel où sa dépendance, sur tous les plans est de plus en plus forte. Elle est en train de tomber dans l'escarcelle de l'ancien colonisateur sans que cela n'offusque pas ceux qui se croient les plus patriotiques des Algériens. 

Les « Pap de l'Ansej » 

Si on veut comparer les années actuelles à celles d'aujourd'hui, on peut se situer dans la période anté-octobre 88 avec le désormais revenant programme PAP qui s'est mué en concurrent l'ANSEJ. Dans aucun pays du monde, sauf peut-être chez la Libye de Kadhafi ou aux pays du golfe, l'on ne prête de l'argent aussi facilement si ce n'est dans un autre but inavoué pour se payer la paix sociale des jeunes, mais sans aucune réelle garantie. Donc on distribue la rente comme dans les années des grâces vaches de Chadli. On ne pense plus aux lendemains qui peuvent surgir à tout instant du moment qu'on dépend toujours comme autrefois du prix de baril, fixé par l'offre et la demande mondiale et qui peut s'effondrer. La preuve, il a perdu en quelques mois 10 % de sa valeur. C'est pour dire que l'Algérie est loin de maîtriser son futur qui paraît des plus incertains si jamais le baril s'écroule surtout que le monde industriel multiplie ses diversités énergétiques. 

On constate fort bien que les ingrédients d'un autre 5 octobre sont toujours plus que jamais présents dans le pays. Le multipartisme existe dans les textes, mais il éprouve beaucoup de difficultés sur le terrain à se répandre à cause de certaines lois scélérates. L'opposition effective, qui est étouffée de toutes parts, ne s'est guère impliquée dans les discussions sur le projet en cours des amendements de la constitution. Autant que c'est toujours le parti unique qui mène la guise et qui s'est simplement éclaté en de nouveaux petits partis uniques, tous acquis à la même cause unilatérale. 

Ajoutant à cela, la société civile n'a pas encore émergé de ses décombres. Depuis la fermeture de la parenthèse d'octobre, nous n'avons pas encore vu un président, un chef de gouvernement ou ni même un ministre en dehors des hommes du sérail ou de l'alliance. Ce sont toujours les mêmes qui défilent avec des visages recyclés.

Si le peuple est encore silencieux, c'est essentiellement dû à sa quote-part de la rente. Il est toujours assisté. On veut bien qu'il reste dans cet état muré. Mais il peut se réveiller, comme avant 88, si jamais on lui annoncera que c'est la fin de l'abondance et de la voiture de dernier cri. L'interruption brutale de l'importation, tout azimut, peut provoquer toutes les secousses inimaginables. 

On peut toucher à tout sauf à ça. Quitte peut-être à s'endetter ou pourquoi pas vendre une partie du pays. Le matelas financier dont dispose le pays peut se fondre en quelques années comme neige au soleil. Car c'est uniquement sur la rente que le pays a érigé toute sa politique. 

Les prémices d'un nouvel octobre sont plus que jamais en attente devant nos portes. Elles pointent vers l'horizon. On n'est pas encore sorti de l'auberge. Un autre octobre serait une nouvelle épreuve vers l'inconnu. Seule une politique adéquate menée avec le concours et sans aucune distinction avec tous les enfants de ce pays, peut le prémunir d'un éventuel désastre. Il faut anticiper avant que ce ne soit pas trop tard. Les regrets d'après ne pourront plus nous consoler. Ils ne serviront plus à rien. La situation géopolitique n'est plus la même aujourd'hui avec les profonds bouleversements de tous les côtés. Elle est vraiment plus pire de nos jours. Elle ne peut mener que vers le néant. Elle ne concède aucun faux pas. Les erreurs sont payées cash, sur-le-champ. L'histoire saura retenir ceux qui ont sauvé du déluge ce pays. 
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vendredi 10 octobre 2014

L'Algérie scrutée d'un œil Japonais

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Article paru le Mercredi 8 Octobre 2014 sur les colonnes du Quotidien d'Oran sous le lien suivant:   http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5204334
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Il est toujours intéressant de lire avec une curiosité certaine ce que disent des étrangers sur ton pays, que ce soit en bien ou en mal. Pour quelqu’un qui aime son pays, qui veut chercher toujours le meilleur, ce sont surtout les critiques neutres qui sont les bienvenues. De temps à autre, cela fait plaisir d’entendre quelques louanges, juste pour titiller ton amour-propre et relever un peu le moral, mais il ne faut pas trop aller vers les caresses dans le sens du poil sinon cela devient des encensements gratuits qui vous seront néfastes par la suite.  Il faut surtout savoir accepter les remarques et les opinions différentes des siennes, quelles qu’elles soient pour essayer de se corriger, de rectifier les tirs, s’il y a lieu de le faire, pour redresser l’image du pays.

La lettre que je viens de lire sur le site du journal liberté [1] à partir d’un lien posté par un ami sur Facebook fait partie de celles-ci surtout lorsqu’elle émane d’un diplomate d’un grand pays industrialisé. Sincèrement, je trouve que c’est une missive qui a flatté mon orgueil, qui m’a confirmé quelle chance je possède de vivre dans ce pays qu’est l’Algérie. Effectivement, il s’agit de la dernière lettre de son excellence M. Tsukasa KAWADA, ambassadeur du Japon en Algérie et qui est en poste depuis 3 années. Dans sa lettre ultime intitulée : « ce que j’ai découvert en Algérie » en tant que représentant de son pays, il donne ses impressions, de ce qui a le plus retenu son attention en Algérie.

Je m’attendais carrément à autre chose que ce qu’il vient de nous les faire redécouvrir. Il me parle de mon pays comme si c’était la première fois que je le découvre. Franchement, j’étais aux anges en lisant ses quelques lignes ne dépassant guère une page 21x27, moi qui suis sûr des capacités de ce pays pourvu qu’il trouve la confiance, la stabilité politique et légitime pour enfin décoller. Une lettre d’un style très simple et facile à comprendre et qui montre l’humilité du personnage. Elle est écrite avec des mots très succincts par un diplomate chevronné qui travaille strictement pour les intérêts de son pays en mettant tous les moyens de son côté afin de raffermir ses relations avec le pays hôte. Seulement, il faut aussi savoir traduire, ce qu’elle veut faire passer entre les lignes. Il ne suffit pas d’un long et ennuyeux discours pour atteindre les objectifs. Je suis sûr qu’elle a été lue par un grand nombre d’internautes compatriotes qui l’ont certainement aimée et aussitôt partagée entre les amis. Pourtant, c’est une lettre qui n’a pas été diffusée par l’ambassade, mais juste mise en ligne sur son site comme c’était le cas de ses précédentes. Elle a fait le buzz sur le net quoique l’actualité de la semaine fût chargée.

Revenons aux trois éléments qui ont fasciné M. l’ambassadeur. D’abord, comme il le souligne fortement : la lumière. Déjà, il nous éloigne des ténèbres. La lumière, c’est aussi la vie. C’est la source d’énergie inépuisable sans quoi le bonheur n’existerait pas. Elle a toujours impressionné la nature et les humains à travers tous les âges qu’elle a traversés depuis le Big-bang. Plus proches de nous, comme il tient à nous le rappeler, les peintres impressionnistes, à l’instar de Monet, étaient épris de cette lumière qui les a influencés quant au choix des couleurs pour peindre leurs tableaux. Comme son excellence est également un très grand fervent de la peinture à huile, comme il nous l’apprend superbement dans son écrit, il s’est fait un grand plaisir, de peindre des portraits sur l’Algérie, par exemple, celui de la « Rencontre avec l’avenir » sur Ghardaïa ou celui de la « Croisée des histoires » sur la mosquée Ketchaoua. Entre autres, il pense que le vrai acteur principal dans « l’étranger » d’Albert Camus devrait être l’impressionnant soleil d’Algérie. Ce beau soleil dont on continue à le pleurer outre-mer méditerranée.

La seconde chose qui a attiré son attention, c’est la terre. Il l’a découvert à travers son petit potager dans lequel il a cultivé des légumes japonais, indispensables pour la riche cuisine japonaise, inscrite désormais au patrimoine mondial, néanmoins introuvables sur le marché algérien, à savoir le Daikon et le Gobo. Il était étonné par la fertilité de cette terre algérienne. Ses légumes ont poussé tellement trop vite qu’il a été surpris par leur grosseur que la récolte a largement dépassé largement toutes ses espérances. Dans une autre lettre datée de février 2014, numérotée 7 et intitulée : « Gastronomie et mondialisation », il nous apprend que son légume cueilli, le Daikon, un genre de radis blanc, mesurait 40 cm sur 10 cm et qu’il l’avait même présenté aux responsables du ministère de l’agriculture !

Dans ces mêmes notes, il nous rappelle que les terres agricoles sont très limitées au Japon, Les autorités de son pays, ont ainsi concentré leurs efforts pour augmenter la productivité. Il cite plus loin : « La production des produits agricoles est actuellement estimée à deux milliards de tonnes au niveau mondial. D’après la FAO, à l’an 2050 où la population mondiale serait plus de neuf milliards, il faudrait augmenter la production agricole de 70 %. L’Algérie dispose de vastes terrains agricoles. Si l’on utilise la technique de la production japonaise dans les terrains algériens, on pourra certainement contribuer à la solution du problème de l’alimentation.». En comparaison, le Japon ne dispose que d’une superficie cultivable inférieure à 78 000 km2 soit presque une surface carrée de 280 km de côté (moins de 24 % de la superficie totale) pour une population de 127 millions d’habitants ! (chiffre de 2007 - Wikipédia).

On a donc affaire à un diplomate doué d’un savoir agricole certain. Il nous réapprend la générosité de cette terre bénie qui peut te nourrir suffisamment si elle est travaillée comme il le faut, à travers sa leçon japonaise que la rencontre de la puissante lumière avec le richissime sol pourrait être le grenier du monde après avoir été autrefois le grenier de l’empire romain. Rien que ça ! Cela ne nous surprend point lorsque cela émane d’un Japonais, qui de surcroît l’on connaît à travers l’histoire de ce grand pays, pour son abnégation, sa légendaire volonté et sa vision du monde.

Après avoir lu ce merveilleux passage, je suis resté abasourdi et pensif durant de longues heures sans pouvoir me ressaisir, à faire tourner et retourner ces mots dans tous les sens au sein de ma frêle cervelle. À songer à ce qui nous arrive. Un pays plein de potentialités mais qui n’arrive pas à démarrer, à trouver la bonne locomotive, à déceler ses meilleurs atouts pour partir de l’avant. D’un pays où l’assistanat est devenu le calmant du régime d’une société aphone, malade et dont les idées sont figées et l’avenir quasi-flou. D’un peuple qui n’attende que le ciel pleuve d’or et les bateaux débarquent dans nos ports pleins à craquer pour assouvir sa quotidienne ration.

D’un pays qui pouvait aisément assurer son indépendance alimentaire, il est devenu de plus en plus noué jusqu’au cou. Il faut noter que la facture des importations algériennes des céréales (blé, orge et maïs), durant les cinq premiers mois 2014, est estimée à 4,86 millions de tonnes contre 3,77 millions de tonnes durant la même période en 2013. Quant aux besoins nationaux en céréales, ils sont évalués à environ huit millions de tonnes/an, ce qui classe l’Algérie comme l’un des plus importants pays importateurs de céréale [2]. Il faut remarquer que la production céréalière de l’Algérie a chuté de 30 % durant la campagne 2013-2014 par rapport à la précédente, pour s’établir à 3,4 millions de tonnes [3], soit 57,5 % de nos céréales sont importés ! Cela donne le vertige quand on voit la diminution du prix du baril du pétrole conjugué à la baisse de la production. Les algériens se contentent toujours de dire comme d’habitude dans ses circonstances : « Rabi Edjib El kheir ». En bons fatalistes, ils préfèrent ne pas imaginer les lendemains. Ils vivent le présent tout en fermant les yeux sur le futur.

Et comme le ridicule ne tue plus. Et puisque nous sommes devenus l’importateur à ciel ouvert en puissance, de tout et du n’importe quoi, il paraît selon les informations [4] qui circulent ces derniers jours dans la presse, un importateur s’est permis le luxe et sans la moindre dignité ni aucune retenue d’importer du pain congelé des Émirats Arabes Unis destiné semble-t-il aux fast-foods locaux pour la préparation des hamburgers et des paninis ! Quelle trouvaille !

Le troisième point qui a captivé M. l’ambassadeur du soleil levant, c’est l’histoire. C’est de l’histoire entre son pays et l’Algérie dont il s’agit. En effet, il vient de conclure sa mission dans le pays par l’écriture d’un livre chez l’éditeur « Casbah Éditions » qui a pour titre « Le Japon et l'Algérie, une histoire de 50 ans d'amitié ». Il a tenu enfin le défi d’écrire en 3 ans un livre sur l’Algérie en trois versions différentes (japonaise, arabe et française) comme il le projetait dans sa lettre n°8 de mai 2014 et  titrée : « Connaître un pays ».

Depuis le début officiel de sa mission en octobre 2011, M. L’ambassadeur a diffusé 3 messages au cours de sa première année et neuf lettres lors de ces deux dernières années [5]. Je suis étonné par une telle prolifération en dépit d’une réduite communauté japonaise en Algérie. Chacune de ces lettres porte un numéro et un titre. À part celles que j’ai citées plus haut, les autres sont nommées respectivement dans l’ordre de leur parution par : « les deux raisons du développement économique du Japon », « la force des cultures », « la force de la technologie », « abenomics qui démarre l'économie japonaise », « absurde », « l'égalité ou la compétition », et « connaître un pays ». Comme vous le constatez, c’est tout un programme où il a évoqué la culture algérienne à travers « nedjma » de Kateb Yacine et qu’il pense être la réponse de l’auteur Algérien à « l’étranger » d’Albert Camus ou encore qu’il prône les échanges entre les différentes cultures.

Par ailleurs, il a essayé de faire connaître son pays et surtout la question de savoir comment le Japon est-il devenu la troisième puissance économique mondiale. Il a tenté d’y répondre brièvement dans un paragraphe en écrivant : « le Japon a mis en œuvre la politique qui s’intitule : « la technologie Occidentale avec l’âme japonaise ». Nous avons essayé de garder l’âme de la culture japonaise, tout en important la technologie européenne et américaine. Si vous allez au Japon, vous remarquerez tout de suite que la culture ou la tradition demeure présente malgré le développement économique du pays. ». Il rajoute plus loin qu’il est convaincu que l’Algérie développera son économie avec l’âme algérienne.

Enfin, pour expliquer dans sa première lettre datée de septembre 2012, les deux raisons du développement économique du Japon, il répond qu’elles sont dues à la libéralisation des initiatives dans le choix du peuple et l’éducation.  Il n’y a pas de meilleure conclusion sur l’éducation que de citer cet exemple qu’il décrit sur les Samouraïs, ses ancêtres : « À l’époque des Samouraïs, un pays a perdu une bataille et le peuple a souffert de la pénurie alimentaire. Un pays ami lui a offert 100 grands sacs de riz. Beaucoup de gens ont demandé la distribution immédiate du riz. Mais le chef Samouraï a refusé la distribution et a proposé de construire une école en vendant du riz. Il a dit : si on mange du riz maintenant, il disparaît tout de suite. Mais si on l’utilise pour l’éducation, il deviendra 10 000 ou 100 000 sacs de riz dans l’avenir.».

Cela donne beaucoup à méditer sur l’état d’esprit du Japon qui se ressource indéniablement de son passé dans lequel il puise toutes ses forces et son énergie actuelles. C’est sans aucun doute cela le miracle japonais.

Sources :