mercredi 29 août 2012

Ministre ici, l'expatrié de là-bas

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Article paru sur El Watan du Mercredi 29 Août 2012 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
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  http://fr.calameo.com/read/0003704461d01ba4664ef 
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http://www.elwatan.com/contributions/ministre-ici-l-expatrie-de-la-bas-29-08-2012-183453_120.php
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En lisant un billet sur les colonnes du quotidien le soir d’Algérie de la semaine dernière suivi d’une chronique le lendemain sur le journal d’El-khabar, je suis resté dubitatif et méditatif pendant plusieurs jours à essayer de comprendre comment 500 sur les 700 ministres qui sont passés durant ces 50 années depuis l’indépendance dans les gouvernements successifs de la république algérienne ont choisi librement de vivre à l’étranger pour ne pas dire dans la majorité des cas chez l’ancienne puissance coloniale la France.

Quel exemple, quel espoir et quel message donnent-ils à ces milliers de jeunes qui veulent eux aussi regagner les côtes espagnoles à la nage puisque c’est la tendance actuelle ? Aussitôt, leur mandat de ministres achevés, ils prennent la direction d’un pays étranger pour aller quémander un quelconque poste d’enseignant lorsqu’il possède les diplômes requis ou aller gérer un éventuel commerce derrière un comptoir comme si l’Algérie ne leur a pas permis de vivre une retraite à l’abri des besoins et des regards. Peut-être n’aiment-ils pas croiser leurs compatriotes dans la rue ou sont-ils alors allergiques à leurs vues ou ont-ils la nausée dès qu’on leur évoque leurs antécédents bilans ? On fuit donc son pays comme la peste sans réfléchir un moment sur les conséquences morales que cela pourraient entraîner leurs décisions irréfléchies. Ils sentent l’homme pressé qui voudrait quitter ce pays dès qu’on n'a plus les commandes du volant. Pourtant, cette Algérie leur a permis d’accéder à tous les honneurs dus à leur rang, de vivre un rêve dont nulle part ailleurs ils ne pourraient espérer.

Je ne crois pas qu’il puisse exister un pays au monde où l’on rencontre ce types de chroniques, des ministres qui ont le mal de vivre du pays dès qu’ils descendent du sommet de leur pyramide. Des ministres qui sont coopérants dans leur propre pays, est donc une exclusivité. Si ces ministres fuyards ne font pas confiance en leur pays en allant construire leur avenir sous d’autres cieux, comment pourrait-il l’être alors le simple citoyen lambda qui est confronté tous les jours, que Dieu en fait, à tous les innombrables problèmes quotidiens, dus justement à une mauvaise gouvernance de ces premiers responsables ?

Un ancien ministre devrait être la dernière personne à ne point quitter la demeure comme un commandant dans son navire surtout lorsqu’il commence à chavirer. S’il coule, il doit se noyer avec et non se sauver comme un fugitif fuyant la maison qu’il a lui-même conçue tout en dessinant ses plans. Un ministre, c’est un général de brigade devant ses soldats. Si un soldat prend la route des champs, c’est un moindre mal mais quand c’est un général qui prenne la fuite, c’est un délit grave susceptible d’entraîner l’accusé vers la sentence capitale et son passé sali devant l’histoire et la nation. Un général coupable ayant le sens de l’honneur se suicide dans un pays comme le Japon pour éviter d'affronter la honte et la dérision.

Un ex-ministre doit demeurer parmi les citoyens qu’il les a dirigés durant son mandat. Il doit être présent à tout moment pour défendre sa précédente gouvernance. Il doit rester à la disposition du peuple dont le nom pourrait être rappelé à tout moment pour donner une éventuelle explication sur la politique suivie durant son passage au sein du département ministériel en question. Il a quand-même un passif à assumer et à plaider. On ne prend pas comme ça ses valises, s’engouffrer dans le premier avion pour ne plus regarder derrière soi comme si de rien n’était. Ce n’est pas un personnage ordinaire, bon sang mais c’est un ministre de la République !

Chez nous, on a vu des ministres aller et revenir pour se faire oublier complètement jusqu’à leur nom. Pourtant, ils perçoivent toujours jusqu’à preuve du contraire les salaires d’anciens ministres certainement revalorisées périodiquement à la hausse. Par conséquent, ils doivent être présents sur le territoire pour mériter une telle considération. Ils sont donc corps et âmes manquants à l'appel et sonnent tout le temps absents sauf en n'omettant pas de profiter du gros magot. La seule condition qui pourrait les faire revenir en haletant, c’est d’être à nouveau, ministres alors qu’ils ne vivent qu’occasionnellement parmi ce peuple. Qu’est-ce qu’ils ont donc de si particulier pour mériter de telles distinctions ?

Un ancien ministre doit être dans son bled pour constater sur le terrain et de visu la politique qu’il avait adopté en son temps pour le pays. Il doit enseigner dans l’université algérienne s’il possède les bagages nécessaires afin de bénéficier les siens de son expérience. Il doit théoriser toutes les pratiques de son passage ministériel pour les mettre en équations. Il doit fréquenter cette université pour laquelle il croyait lorsqu’il était ministre et plus maintenant aussitôt mis fin à ses fonctions.

Ses enfants bacheliers doivent aussi connaître ces résidences universitaires dont le père les a construites pour les enfants du pays et ressassées inlassablement sur les unes de l’ENTV à l’ouverture des journaux télévisés. Sa progéniture doit en goutter un peu ce qu’endurent nos étudiants à longueurs d’années et doivent construire leur avenir ici comme tous les autres enfants du pays. Notre pays est-il devenu si invivable et si insupportable que tous cherchent la voie de l’étranger ? Ses enfants, les plus jeunes doivent aussi fréquenter l’école algérienne comme la majorité des jeunes écoliers sans compter sur les cours et les écoles privés.

Monsieur le ministre doit aussi aller faire ses courses au marché du peuple, humer l’air du pays, marcher seul dans nos rues, prendre un café dans un café populaire, monter dans un bus ou prendre le train comme monsieur tout le monde pour voir sur le terrain ce qu’on vit réellement. Il doit aussi aller, pourquoi pas, se soigner dans nos hôpitaux publics qu’il a réalisés pour la plèbe du pays et qu’il les a encensés sur les ondes des radios ainsi que sur les plateaux de la télévision publique sans oublier les panneaux publicitaires dans les journaux.

Cela se fait le plus normalement dans les démocraties avancées dont lui-même le ferait une fois là-bas, pas dans son pays mais dès qu’il mettrait les pieds à l’étranger. Pourquoi change-t-on subitement dès qu’on traverse la mer méditerranée ?  Il doit aussi tenter sa chance dans un service public comme n’importe quel citoyen sans aucun avantage ni interventions. Il doit éprouver un peu monsieur le ministre comme il le fait lorsqu’il se trouve hors de son pays quand il ne possède plus tous ses privilèges et les voies détournées. Il doit sentir cette Algérie profonde lorsqu’on est plus ministre en passant incognito.

Je me demande quelles seraient ses réponses si un étranger lui demande pourquoi il a choisi de vivre loin de son pays pourtant indépendant et pour lequel un million et demi de martyrs s'étaient sacrifiés pour les survivants et les générations qui se sont suivies ?  Comment alors se sentirait-il ? Va-t-il lui répondre qu’il ne fait pas bon vivre en Algérie ou va-t-il encaisser, la mort dans l’âme, sans pouvoir n’y trouver aucun argument valable à avancer ? Va-t-il se soucier un peu que ses enfants n’apprennent plus la langue nationale, lui le ministre, qui est censé donner le parfait exemple s’il se soucie vraiment de l’amour de son pays. Le patriotisme et le nationalisme doivent subsister, que l’on soit en poste ou en dehors ou bien c’était pour la galerie et la langue de bois qu’il maniait ?

Une personne qui a été ministre est un bien public de la république. Il doit à tout moment être disponible pour la causse et le pays qui pourrait faire appel à ses services en toutes circonstances comme un soldat de réserve. Il doit être exempt de tous reproches, lui qui a choisi d’être l’homme public, sans hésitation aucune, quand il a été sollicité pour sauter, sans réfléchir, sur le poste proposé.

Il n’y a pas que les ministres qui prennent le chemin de l’exil. Il existe de hauts cadres qui ont quitté la baraque et préfèrent exercer à l’étranger comme s’ils veulent cacher leur nouvelle situation de richesse ou ont-ils beaucoup de choses à se reprocher ?

Lorsqu’ils étaient en exercice, ils se souciaient de la fuite des cerveaux et des compétences égarées mais ils n’ont pas l’air de l’appliquer d’abord à leur propre personne. Est-ce qu’ils n’ont plus de remords lorsqu’ils plient bagages et prennent sans demander l’autorisation vers la destination de Paris, Doha, Londres ou New York ? Le fait d’abord de faire des démarches auprès des chancelleries étrangères donne une idée de l’abandon de son pays. Ils portent atteinte à l’image aux gouvernements qu’ils ont servis et celle de l’Algérie toute entière. Ils ont l’air de s’en foutre carrément du jugement de la vox-populis puisqu’ils ont choisi délibérément de ne pas lui rendre compte de leur mandat.

Un ministre doit être aussi actif lorsqu’il n’occupe plus de fonctions. Il doit se mouiller dans le débat public, donner son avis au moins dans son domaine de prédilections. Se taire, raser les murs n’honore guère sa réputation.

Pendant ce temps, ce peuple dans sa quasi-majorité a choisi de vivre fièrement et dignement dans son pays quelle que soit la situation comme nos martyrs qui avaient choisi de mourir pour l'Algérie afin que les futurs ministres puissent disposer d’un pays libre et indépendant pour y habiter et nullement avoir un gouvernement en exil comme ce fût le cas d’avant 1962. 500 ministres vivant à l'étranger, c’est presque l’équivalent de 20 gouvernements. Nous disons à ces virtuels ministres que l’Algérie ne pourrait être dirigée par procuration, elle a besoin de sentir leur présence et leur âme comme une mère voulant vivre avec ses enfants. Un seul être lui manque et c’est la souffrance et la douleur qui sévissent à jamais.

L’Algérie, ou on l’aime vraiment ou on la quitte définitivement. Bon débarras pour ceux qui lui ont détournée les yeux et qui ont opté pour un autre pays de rechange et de cœur. Elle ne veut pas de ceux qui lui préfèrent une autre mamelle au moment où la vraie mère a tant besoin de les toucher, de les embrasser et sentir leur odeur tout au long de l’année. Un amour ne peut se partager entre deux rivales. Il doit être, ou pour l’une ou pour l’autre. Un dilemme en soi pour ceux qui doutent de leur choix. Nous leur disons qu’il est regrettable de vous avoir endossé l’une des plus hautes et prestigieuses responsabilités du pays dans une Algérie qui vous a tant donnés et pour laquelle vous ne voulez rien lui offrir en échange même demeurer sur son sol. Avoir un pied, ici durant tout un mandat et les deux pieds, là-bas à la moindre occasion, c’est une situation impardonnable et injustifiable pour la haute fonction que vous aviez exercée.

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lundi 6 août 2012

Histoires de blasons d’hier et d’aujourd’hui

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Paru dans le journal Online de la Nation N°64, Edition du 7 au 13 Août 2012 sous le lien direct suivant:
http://www.lanation.info/Histoires-de-blasons-d-hier-et-d-aujourd-hui_a1264.html
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50 années après l’indépendance du pays, plusieurs villes algériennes ne disposent pas encore de leur blason postindépendance et continuent d’être encore représentées, faute de mieux, sous leurs anciennes bannières qui datent de l’époque coloniale comme il est constaté de le voir dans de nombreux sites sur la toile.

Rappelons qu’un blason est la description des armoiries présentées sous la forme d’un écu faite dans un langage propre appelée héraldique. Cette science, comme le rapporte le site de Wikipedia [1], est très ancienne, fondée juste un siècle après que la mode fusse établie au Moyen âge.

L’héraldique s'est rapidement diffusée dans l'ensemble de la société occidentale : clercs, nobles, bourgeois, paysans, femmes, communautés... Par la suite, on s'en est également servi pour représenter des villes, des régions, des pays, des corporations de métiers.

C’est à juste titre ce que l’on constate à l’entrée des villes des pays occidentaux au dessus des plaques signalétiques des agglomérations et en Algérie du temps de la période coloniale. Le blason qui a évolué depuis sa création représente en quelque sorte le logo officiel dans le langage universel de la cité qui est symbolisée par plusieurs emblèmes, spécifiques de la ville.

Il faut signaler qu’il est très difficile de chercher les blasons actuels, s’ils existent réellement, dans les sites officiels des institutions comme celles des wilayas ou des villes qui répondent soit par l’absent ou non mis à jour depuis très longtemps contrairement aux sites de pieds noirs où l’on peut retrouver plus abondamment ces blasons comme le prouvent les références en annexe de papier.

Il faut noter que les blasons étaient une chose importante et très sérieuse à l’époque française pour marquer de son sceau sa présence. Dès 1860, des projets furent établis par le corps municipal d'Alger pour doter la capitale de ses armoiries [2], seulement 30 années après l’entrée des troupes françaises en Algérie. Sur ordres impériaux français, d’autres villes du pays suivirent l’exemple d’Alger.

A titre d’exemple, celui d’Alger d’aujourd’hui [3], conçu par l’artiste peintre Ali Khodja après l’indépendance, comprend plusieurs signes dont :
- La forteresse qui protège et défend la ville d'Alger,
- Le bateau qui représente la marine algérienne, la meilleure de son temps,
- Les deux lions : symbolisant la force, ils figurent sur la porte de Bab-Azzoun,
- Le croissant qui indique qu’Alger est une ville issue de la civilisation arabo-musulmane,
- La plume : symbole de la culture et du développement scientifique,
- La gerbe de blé qui symbolise l'agriculture,

Tandis que celui d’avant l’indépendance, apparaîtraient la croix de guerre 39-45, la couleur bleue de la France et d’autres signes caractéristiques de la présence coloniale.

A part celui d’Alger, d’Oran, d’Annaba, de Mostaganem ou quelques rares autres exceptions, rien n’a été fait dans ce sens pour les autres villes. A titre de références, les armoiries de la ville de Relizane, qui attendent d’être renouvelées, à moins que le blason officiel soit méconnu par le large public, sont représentées [4] par:

- Le coq avec la patte sur un globe terrestre sur un fond de couleur rouge, représente la présence et la suprématie de la France sur la terre d'Algérie; les gueules (couleur rouge) étant la couleur héraldique du continent Afrique.
- Le croissant et l'étoile de sinople (couleur verte) pour la plaine devenue par le travail acharné des colons français; fertile et génératrice de céréales, entre autres.
- La tête de cheval pour le gigantesque marché aux bestiaux et principalement aux chevaux, certainement la plus vaste d'Algérie.
- La couronne murale aux tours crénelées, rappelle le fort bastion de la ville, de l'époque héroïque comme il est écrit sur le site en question !

Ces devises de l’Algérie colonisée comme par exemple la croix, la croix de guerre ou l’étoile de David sont trop dominants dans de nombreux blasons [5]. On retrouve exactement ce même coq français sur l’ancien blason colonial des villes d’Oran [6] et de Tiaret [3]. Heureusement que celui d’Oran ait été changé depuis sinon ce serait une victoire offerte gratuitement aux nostalgiques de l’Algérie française qui doivent se réjouir 50 années après l’indépendance du pays et qui ne se sont jamais remis du paradis perdu. Ces toujours affectés continuent à entretenir le mythe sur de nombreux sites très prospères sur la toile en proposant à la vente tout ce qui remonte à leur période faste d’avant 62 comme ces milliers de photos anciennes de différentes villes vendues à prix d’or.

Comme le note en conclusion la même source [4], Ces armoiries sont très parlantes comme celles de beaucoup de villes Algériennes. Il faut retenir que les blasons de ce type continuent à figurer en bonne place, peut-être involontairement par méconnaissance ou ignorance, dans certaines sites algériens sans que l'on soit vigilant en se fiant à leur symbolique forte de l'Algérie française.

Références:


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