mercredi 22 décembre 2010

Cinéma : le culte d’hier et d’aujourd’hui

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 23 Décembre 2010 que vous trouverez également sur les liens suivants:
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La ville d’Oran vient d’organiser son quatrième festival international du film arabe (FIFAO) dont l’édition a lieu entre les 16 et le 23 de ce mois de décembre 2010. Pour quelqu’un qui tombe hasardement sur cette nouvelle dans un journal et qui ne vit pas dans notre pays, il conçoit tout bonnement que l’Algérie dispose d’un nombre assez important de salles de cinéma ouvertes à l’année où le culte cinématographique dispose d’une place prépondérante dans la société en général et la culture cinéphile en particulier.

ENTRE ORAN ET GENÈVE ?
J’ai aussi reçu la même nouvelle sur Facebook par le président de l’association Suisse-Algérie-Harmonie en l’occurrence Monsieur Benaouda Belghoul et également président du festival des cinémas arabes de Genève, qui me faisait part de l’événement sur le sol oranais.

J’ignore si Monsieur Belghoul connaît la situation de cet art au bled. Je n’apprendrais sûrement rien aux algériens si je dirais que c’est totalement différent dans la ville dont il préside un de ses innombrables festivals. Il faut noter que la capitale de la suisse romande dispose d’un site sur la toile qui vous informe de toute l’actualité cinématographique dans la ville (http://geneve.cine.ch). Par ailleurs, cette agglomération dispose d’un parc de 12 cinémas pour 57 salles de projection et 45 différents films à l’affiche durant cette semaine ! On peut avancer qu’il s’agit dans ce cas de festivals populaires périodiques à l’année. Qu’en est-il exactement chez nous ? C’est là toute la question brute adressée aux initiateurs du FIFAO.
Que quelqu’un ose me citer un journal sur lequel est porté le programme quotidien avec les horaires des séances des films annoncés dans des salles de cinéma à travers les grandes villes du pays. Mise à part quelques très rarissimes bandes-annonces de films à la salle Cosmos de Riadh el Feth ou celle de l’Algéria en plein centre d’Alger, c’est complètement le vide. N’est-ce pas dérisoire comme arguments que de prétendre à organiser un festival fût-il arabe ? Ne cherche-t-on pas, à travers cette festivité, que le prestige derrière cette publicité en négligeant la promotion d’un véritable cinéma local ?

DONNEZ-NOUS DES CHIFFRES ?
Paradoxalement, la réalité sur le terrain est tout autre chose. Le festival du cinéma d’Oran ne reflète absolument ni la production cinématographique algérienne du moment ni l’absence d’engouement du public ni sa place au sien du monde arabe ou au niveau continental.
Puisque c’est le ministère de la culture qui chapeaute les prétendues imaginaires salles de cinéma, on souhaiterait connaître le nombre de salles effectives dans le pays, leurs chiffres d’occupation ainsi que les recettes engrangées annuellement. Quelle serait alors la réaction des promoteurs du festival si cette question est soulevée par les participants des pays arabes conviés ? Sincèrement je ne souhaiterais pas être dans cette position inconfortable pour y répondre. J’ai bien la crainte de dire que les données réelles vont remettre le pays à des milliers de lieux de l’organisation d’une telle solennité.
C’est comme si on annonçait l’organisation d’une diverse compétition sportive sans que l’Algérie y puisse viser la moindre chance d’arracher une quelconque médaille faute d’avoir des compétiteurs de niveau et des spectateurs assidus dans la discipline ni encore de salles adéquates. Serait-il logique que notre pays organise, par exemple, un tournoi international de golf ou de rugby sans l’avoir préalablement développer sur son sol ? Le fiasco serait incontestablement établi à l’avance.

A travers cette manifestation culturelle, on a l’impression beaucoup plus à chercher de dissimuler nos tares que de les diagnostiquer pour ensuite les guérir. On a marre de mettre inlassablement la charrue avant les bœufs dans ce pays, on court ainsi sans fin à notre perte. Tous les autres domaines du pays semblent souffrir de cet impérissable dilemme.

LE VIRTUEL AU DÉTRIMENT DU RÉEL
Mais lorsqu’on veut savoir beaucoup plus sur le phénomène, on s’aperçoit très vite qu’il ne s’agit que d’une apparence virtuelle laquelle les chargés de notre culture veulent créer à coups de milliards sans que cela puisse apporter de quelconques résultats probants. C’est déraisonnable que d’organiser un festival de cinéma dans un pays qui ne dispose que de quelques salles de cinéma, qui se comptent sur les doigts de la main. Peut-être qu’il existe deux salles ou trois salles fonctionnelles à Alger en plus d’une cinémathèque dont la rentabilité ferait tourner la tête à plus d’un soucieux gestionnaire. On ne peut qualifier cette extravagance que par la tendance au gaspillage, à vouloir jeter de l’argent par les fenêtres vu l’épais matelas financier dont dispose actuellement notre pays.
C’est tout à fait le contraire pour Monsieur Belghoul qui lutte de toutes ses forces avec son association en demandant, à travers une pétition sur le net, à la municipalité de la ville de Genève de soutenir la réalisation de la prochaine édition 2011 de son festival. Si on réfléchit bien, son festival mérite toutes les considérations de tous les pays concernés car les retombées culturelles positives seraient énormes pour le monde arabe.

Pour ne pas tomber dans la critique subjective, interrogeons les personnes vivant autour de soi en combien de fois sont-elles allées au cinéma depuis une vingtaine d’années ? Il existe au moins une génération entière qui n’a jamais mis les pieds de sa vie dans une salle dédié au 7ème art. Au risque de ne pas se tromper, la majorité ne sait même pas à quoi cela ressemble, ni ne connaît les rites ni le sens d’un entracte, avec la vente de cacahuètes et des esquimaux durant cet intermède, ou la signification d’une placeuse.
Certes, la télévision et ensuite Internet ont tué le cinéma en Algérie. Cependant, il aurait fallu que cette affirmation soit accentuée de manière flagrante d’abord dans les pays d’Europe, d’Amérique, d’Asie ou des autres pays arabes à l’instar de l’Égypte à titre d’exemple. Un petit tour dans ces pays nous ferait changer d’avis.

L’ESCURIAL, LE BALZAC, LE LYNX ET LES AUTRES
Comme le hasard fait bien les choses et à la veille de l’inauguration du festival, 4ème du nom, j’étais le Mercredi 15 décembre dernier de passage dans la capitale de l’Ouest. En faisant un tour en ville en compagnie de ma fille, je lui faisais remarquer la différence entre Oran des années 70 et celle de 35 années plus tard. En plus de la dégradation du centre ville totalement délabré qui m’a paru triste et sombre à l’image du fameux cinéma l’Escurial qui a complètement perdu de son lustre d’antan. Un site réduit presque en ruines, hanté par la solitude et l’oubli, qui se lamente à ne pas en finir sur ses années de gloire et qui vous donne envie de fuir promptement les lieux devenus un endroit fantomatique de l’extérieur. L’intérieur ferait sans aucun doute regretter d’avoir fréquenté ce fabuleux coin de rêves de votre jeunesse.
Ce lieu mythique était à son époque un antre du cinéma oranais comme le Balzac à quelques dizaines de mètres plus loin ou celui du fameux Colisée avec les films légendes qui défilaient à longueur d’années sur son gigantesque écran sans oublier bien sûr le célébrissime Régent (baptisé plus tard le Maghreb) comme étant une des plus grandes salles de cinéma et un des fleurons du patrimoine cinématographique du pays. Malheureusement, ils sont tous tombés en désuétude après avoir connu leur âge d’or d’avant les années 80.
Durant les années de nos études supérieures dans la capitale de l’ouest, on descendait en ville à chaque fin de semaine pour aller voir le dernier film en vogue. Le film de Merzak allouache « Omar Gatlato » me rappelle fortement ces années là comme tant d’autres. De temps à autre, la cinémathèque d’Oran nous attirait aussi par des films de gros calibres culturels. Il fallait être une tête assez pensante et armée d’un esprit assez critique pour pénétrer l’histoire et retenir l’essentiel. Et pourtant, malgré cette ferveur, Oran n’avait pas encore son propre festival qui se justifiait pleinement à cette époque à l’instar de nombreuses villes de l’intérieur. Si actuellement, des festivals sont organisés un peu partout dans le pays, c’est à la faveur des dollars de la manne pétrolière pour faire plus beau qu’à cause d’une quelconque émancipation d’un domaine particulier.

La pauvre salle du cinéma le Maghreb n’a dû son salut que grâce à ce festival après une fermeture qui a duré, tenez-vous bien, plus d’une dizaine d’années. Après ce festival, on ignore le sort qu’il lui sera réservé. Peut-être qu’elle renaîtrait de ses cendres au prochain festival si elle aurait la chance et le privilège d’être retenue d’ici là.
Par ailleurs, la rentabilité semble être le dernier souci. C’est aussi l’un des plus grands fléaux dont souffre le pays. On fournit tous les efforts avant le jour J, une fois terminée, la mission est accomplie et définitivement close en attendant des jours meilleurs. On retourne ainsi amèrement à nos années de plomb où rien ne bouge jusqu’au prochain soubresaut. On fait beaucoup plus dans le prestige, le sensationnel et le folklorique que de s’engager sur la constance et la durée.

La logique signifie d’abord qu’il faut d’abord inculquer l’amour du 7ème art au grand public avant de songer à organiser une quelconque manifestation de ce type. Si l’Algérie avait glané sa seule palme d’or avec les années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina, à Cannes en 1975, c’est que cela avait coïncidé parfaitement avec l’âme culturelle qui régnait en ces années en dépit des insuffisances matérielles et des moyens financiers.

LES CINÉ-CLUBS D’ANTAN
Durant cette belle décennie, chaque ville du pays disposait de son propre ciné-club local. Collégien, j’avais déjà ma carte de membre du ciné-club de ma ville d’enfance Relizane. À la fin des années 60 jusqu’au début des années 70, je me rappelle comme si cela était hier, on allait voir un film culte tous les dimanches matin au cinéma Rex ou Dounyazad, l’appellation selon les générations. C’était nos enseignants qui présentaient le film du jour avant sa projection avec le nom du réalisateur, des acteurs et leurs carrières ainsi que les circonstances qui avaient entouré son tournage. Bref, on était en pleine scène du film avant de le déguster.
C’était un silence de cathédrale dans la salle du début jusqu’à la fin. Un petit bruit involontaire nous ferait sursauter de notre profonde concentration sur le sujet. Aucune séquence n’est ratée.
A la fin de la projection, Monsieur Hachemi Youcef notre professeur de français au collège, passait devant les sièges et animait les débats. J’avais l’impression d’être toujours en classe avec tout le sérieux possible en compagnie d’une très sympathique assistance de jeunes cinéphiles. Les débats commençaient timidement puis tout le monde se lançait sans s’arrêter avec des questions et des analyses plus profondes à vous couper le souffle. L’intérêt était sans cesse grandissant. Le film était ainsi dévoilé en long et en large et épluché par les intervenants de tous ses sens. Après des débats fructueux qui duraient le temps suffisant, on sortait alors la cervelle pleine d’idées et de projets. La séance finissait vers midi et on se donnait déjà rendez-vous avec un grand plaisir à la prochaine séance.

LES HÉROS « CHIR » , « TFOLL » OU « MESKHOT »
Cela nous changeait à 180 degrés des films Westerns Spaghettis de Ringo, de Django ou un peu plus tard avec la série des Trinita et j’en passe, des films où les révolvers s’usaient à tirer sur tout ce qui bouge ou des mélodrames, sans fin, des films indous ou égyptiens avec les sifflets des spectateurs à chaque apparition de l’héroïne ou les cris à chaque combat entre le héros et les bandits de la vallée.
Le nom de l’héros changeait à chaque entrée d’une ville. On l’appelait « Chir » à Oran, « Tfoll » à Relizane ou « Meskhot » à Mostaganem. Cela ne veut signifier en aucune manière un autre cinéma décrit plus haut. Mais, lorsqu’on voulait se défouler à fond, ces films nous enlevaient tout le stress et la pression des autres jours. Toutefois, à côté, on allait aussi se cultiver en regardant d’autres pellicules qui nous permettaient de soigner notre niveau culturel.

FILMS DE SÉRIE C
Heureusement que cette année, les organisateurs du FIFAO ont misé sur la simplicité. Lors des précédentes éditions du festival, j’avais l’impression qu’ils jouaient un film de série C, une partie de guignols avec costards et papillons en plus du tapis rouge et une montée des escaliers avec des acteurs et des actrices en longues robes blanches et maquillages prononcés. Il ne manquait que les paillettes, les limousines et les cliquetis et les flashs des photographes de célèbres magazines pour imiter les césars sans avoir le niveau artistique requis. Ça ressemblait à du déjà vu outre-mer avec les célébrités et la renommée en moins. Étions-nous à Oran ou à Cannes ? Il n’y a pas mieux que d’être le plus naturellement possible. On ne peut laisser manger le public avide un plat de « Karantika » et se faire commander un festin royal par la grâce de l’argent du trésor public coulant à flots.
Un festival sans une véritable tradition cinématographique est donc voué à l’échec. Cette mise en scène est contradictoire avec l’état dans lequel moisissent les artistes du cinéma algérien. Leur statut est on ne peut dire antinomique à l’image de l’état du cinéma dans le pays. Il suffit de rencontrer un artiste local pour qu’il vous ouvre son cœur afin de se remettre enfin à l’évidence et se réveiller.
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mercredi 1 décembre 2010

Touche pas à mon poste !

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 02 Décembre 2010 que vous trouverez également sur les liens suivants:
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Depuis que je suis monté dans la capitale après avoir glané mes galons aux dernières élections, ma vie a complètement changé. Elle a pris une autre tournure sensationnelle. Mon astre n’a cessé de grimper telle une star dans un ciel étoilé. Sans regarder derrière moi, mon destin est en ascension fulgurante comparable à une fusée en pleine extension.

ACTE I : L’ASCENSION
Au départ de mes divagations illusoires, personne n’avait cru en mon présent succès. Ma famille en rigolait à pleines dents lorsque j’évoquais devant ses membres mes fortes sensations. Toi ! Qui as été un cancre à l’école, le dernier de la classe, désires-tu maintenant avoir l’appétence et le culot de guider les affaires des citoyens de la nation ? Me répondait-on douloureusement dans mon entourage. Allez ! Vas t’occuper de tes oignons et ne penses plus à tes salades et à tes égarements initiés au sein de ton ex-école buissonnière.
Je me taisais en silence mais j’ai juré en mon for intérieur de prendre ma revanche sur le sort dans lequel on veut me confiner. Résolu et déterminé, c’est un défi que je leur avais lancé. Je n’ai pas l’intention d’abdiquer à ces découragements. Je ne me résigne nullement devant le défaitisme de telles paroles à rebuter le plus décidé des téméraires. Je suis un opportuniste qui n’est pas né de la dernière pluie. Je leur prouverais mes capacités en jouant à fond mes chances, fussent-elles minimes. Je n’ai rien à perdre. J’ai tout à gagner de mon aventure invraisemblable et excitante à la fois.
Et puis, j’ai senti le flair de la bonne affaire juteuse qui m’attendrait au cas où mon stratagème réussirait. Je saurais trouver le chemin béni en se faufilant parmi les plus ambitieux. Je serais, un jour, quelqu’un de respectable dans le parti que je choisirais selon les circonstances du moment, de son importance sur la scène et en fonction de ses moyens à me faire propulser vers le sommet. Je choisirais celui qui me permettrait de casser toutes les barrières, pas celles du mérite ou celles qui me feraient subir un test probatoire et d’insupportables épreuves pour évaluer mon niveau à la fin de chaque classe. Je trouverais celui qui ne m’exigerait aucune notion sur la gestion, sur l’économie, sur le budget ou en général sur la gouvernance.
Il faut savoir attendre sagement son tour et avec assiduité que son heure arriverait par des occasions inopinées que vous ne trouverez jamais nulle part dans un état émancipé. C’est une histoire de chaîne et non d’aptitudes à faire valoir. Où l’ancienneté prime sur toutes autres considérations. Vu mon niveau de basses références, c’est la route bifurquée que je cherche en ce moment, non le long parcours d’un logique militant.
Ensuite, c’est au tour de la ville de me rendre hommage. La notabilité m’ouvrirait grandement toutes les entrées. Je serais reçu comme un représentant du peuple par toutes les autorités locales sans aucune fausse note. Quand j’y pense un instant que j’étais nul même en histoire-géo, j’en pouffe encore aujourd’hui de toutes mes entrailles. De plus, le fou rire me fait des siennes lorsque je me tiens, sans la moindre humilité, devant un miroir.
Quelle classe ! Je me vois déjà en costume 3 pièces de dernier modèle en plus de la grosse berline avec chauffeur qui m’attendrait et me ramènerait de la capitale au retour somptueux dans la cité. En plus de ma résidence avec jardins et des servantes disponibles pour madame. Il ne manquerait que les sirènes des motards à l’avant devant le cortège. Ne vous en faîtes pas si l’escalade se poursuivrait dans l’allégresse de la feuille de route que je me suis tracée.
J’exaucerais ce vœu cher à mes palpitations qui s’est enraciné dans mon inconscient par la force de l’obstination. J’y arriverais un jour et les envieux seraient encore très nombreux, plus que déboussolés. Ils viendraient se jeter à mes pieds et ensuite me solliciteraient pour des inimaginables services. Je disposerais moi-même de mes hommes comme tous mes chefs qui m’obéiraient au doigt et à l’œil. Je fabriquerais autant de militants que désirerait ma cellule locale pour asseoir la suprématie sur mes rivaux.
Je n’aurais peur que d’une chose. Ce sont les peaux de bananes qui risqueraient de me jouer de mauvais tours. Je saurais garder ma tactique en sachant surfer avec la technique de camouflage la plus sophistiquée.
Fais-moi plaisir ma chère ! Lances-moi de toutes tes forces les youyous que tu n’as jamais refoulés de ta vie. Que je n’ai, en aucune manière, entendus de ma misérable ancienne existence. Oh ! Ma chère seconde compagne, nous sommes sur un nuage. Que j’espère, je ne descendrais plus. Comme tant d’autres, le « koursi » m’a complètement étourdi, oh ! Ma gracieuse bien aimée.
Si je perdrais mon siège, saches que toi aussi tu risquerais trop gros de ne pas te garder assez longtemps à mes côtés. Je ne pourrais plus satisfaire tes caprices, te dorloter par mes incessants cadeaux et de t’offrir de beaux voyages dans de jolis endroits touristiques, hébergés dans des palaces haut standing à 5 étoiles.
Si mon plan passerait à l’échec, je ne serais qu’un rien de rien. Les gens me regarderaient de travers, ils changeraient d’humeur à mon encontre et feraient illico presto demi-tour à ma simple apparition dans la cité. C’est la pire des choses qui puisse arriver à quelqu’un dont le centre gravité tendrait sans arrêt vers le bas. Le retour à la misère et au mépris de tous.
Je n’ai rien fait pour avoir une quelconque reconnaissance de leur part. Je les ai oubliés totalement, aussitôt arrivés sur les cimes. J’avais rejeté leurs lettres de doléances à la poubelle promptement qu’ils me les avaient confiées. Ils ont cru au père Noël mais je suis le plus ingrat des hommes. Je les ai fait déplacer le jour du vote, tous sans exceptions, obnubilés par mes promesses farfelues. Ils étaient des familles entières à se déranger aux urnes du scrutin en me léguant leur précieuse voix.
Si le malheur surgirait, je retournerais comme défait à ma première épouse et implorerais son pardon si elle oserait l’accepter. Je sais qu’elle ne m’accueillirait plus à bras ouverts comme par le passé. Alors, fais-en sorte que l’on soit toujours plus haut, toujours là-haut sans trébucher.

ACTE II : L’APOGÉE
Tout le monde me regardait abasourdi par mes prouesses. Tous les yeux des jaloux étaient grands ouverts à ne pas croire à ma blague d’antan. J’ai fait un vœu et par la grâce de mes feintes, je l’ai hautement atteint. Peu importe les méthodes et les recettes, c’est l’effet qui compte. En tous les cas, elles sont loin d’être catholiques comme disent les chrétiens.
J’avais choisi de grimper l’échelle à partir du bas. Du planton, je pourrais me retrouver au bout de mes rêves. C’est le chemin le plus contraignant pour parvenir à la bonne destination.
Après avoir harcelé, matins et soirs, le siège local du parti choisi pendant de longues durées. Et en constatant que je ne présente nullement un quelconque danger électoral dans un proche avenir, le chef me demandât un jour de ramener 2 photos et 180 DA de cotisations pour ma première année de militant si j’ose me qualifier ainsi.
J’ai juste signé un papier d’engagement sans l’avoir lu mais entièrement approuvé. D’ailleurs, je n’ai jamais consulté, ni le statut du parti, ni son règlement intérieur. Je ne sais pas du tout de quoi ça cause. On ne sort ces textes que le jour où l’on veut couper les têtes fortes qui émergeraient cycliquement ou ceux des cerveaux brillants qui pensent en savoir plus que le restant des adhérents.
Attention, Il faut que la mauvaise graine soit éradiquée à la source avant qu’elle ne grandisse en bas pour ne pas fantasmer en germant de mauvaises idées et qu’elle ne fasse couler la pyramide en la coupant de ses piliers. En bas, on veille au grain tel un bunker sauf une mésaventure inattendue.
Les réels partisans qui veulent apporter du sang neuf sont facilement repérables à leurs contemporaines idées et mis en quarantaine sur le champ. Les purges sont nécessaires pour maintenir le cap et le chao. Il faut assommer cette vermine avant qu’elle ne prendrait forme.
Il ne s’agit pas que de notre avenir mais également du vôtre. Nous n’avons pas œuvré durant toutes ces décennies et bâti un temple pour le laisser aux mains de ces nouveaux prétentieux. Il faut les chasser comme de futurs indus occupants avant que nous payions coûteusement l’indulgence de notre passivité.
Vraiment, ce n’est pas cher payé pour quelqu’un comme moi qui aie adhéré dans le parti. J’apporte le nombre, ni plus ni moins. Je sers à lever la main et à la baisser. Je ne suis assimilé qu’à un geste mécanique sans plus. Je m’exerce à cette posture depuis mes premiers jours. La seule chose qu’on vous demande c’est la discipline, l’opacité et sans omettre l’obéissance au chef du moment. Les paroles de ce dernier doivent être ingurgitées telles un antidote. Les figurines des trois singes de la sagesse sont appliquées à la lettre.
On ne se fatigue pas dans le parti, on ne s’ennuie pas non plus. On réfléchit à notre place. On est bien, qu’est ce qu’on veut demander de plus ?
Des personnes se sont autoproclamées nos chefs depuis belle lurette pour faire tout à notre insu. Ils sont mêmes proches des prérogatives de monarques sans couronnes. On les appelle aussi les rois de la coulisse. C’est un mot nouveau pour moi dont j’ai appris le véritable sens après quelques années dans les arcanes. Ils sont présents partout. Sans ce mot, rien ne passe. On me donne juste des ordres pour qui plébisciter. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que je pourrais bouleverser toutes les données des architectes de l’ombre si par fatalité, je me trompe de nom du candidat désigné.
Aussi, je me demandais comment on pourrait régler les différentes charges, subvenir aux besoins nécessaires du fonctionnement, etc..J’ai conclu par la suite que ce sont les mamelles de la République qui bouchent tous les trous laissés béants et non comme je le croyais les cotisations des fidèles.
Au contraire, beaucoup ne sont là que pour en sucer quelque chose davantage. On arrive pauvre et on repart souvent riche selon le poste convoité ou celui où on serait parachuté. J’ai longtemps servi de planches aux chefs de l’époque mais moi avec mon quotient intellectuel qui ne dépasse guère celui du cours préparatoire, je ne voyais pas d’un mauvais œil ce rôle élastique.
Le temps défile durant plusieurs années et brusquement mon jour de gloire est arrivé après celui des vaches maigres et de cruelles luttes intestinales. C’était une question de vie ou de mort ! Pour un coup de poker, c’en était vraiment un !
Ce fût une journée sans pareille où les youyous de chez moi fusaient de toutes les gorges des femmes de ma famille et les coups de baroud crachaient des carabines de mes amis. C’était mon réel jour d’affranchissement. Un jour que je bénis et qui me sert désormais de référence, comme le plus beau de ma vie. Quel chemin embûché, j’ai emprunté pour arriver à ce bonheur indescriptible. Le plus grand ingénieux averti ne saurait trouver la route tortueuse pour décrocher la cible visée.
Mes amis d’enfance et les compagnons de mon ancien entourage ne sont plus maintenant mes amis. Mes électeurs ne sont plus les miens. Leur manège s’est immobilisé à l’instant où les résultats ont été annoncés. Leurs voix ne m’ont servi qu’à grimper à là où je baigne dans la pleine euphorie. Ils n’ont été qu’une rampe de mon lancement sans retour. Je ne réponds plus à leurs incessants appels. Ils attendent vainement le retour de l’ascenseur. Je les ai complètement éliminés de mon inconscient une fois arrivé au zénith. J’ai même congédié ceux qui m’ont aidés dans la permanence de l’ex-candidat. Je ne pourrais quand même pas œuvrer pour eux. Une fois arrivé à mon destin rêvé, j’ai formaté mon cerveau identiquement à un disque dur sans fichiers. Tous mes souvenirs ont été volontairement écrasés.
Le fait d’avoir côtoyé un futur élu devrait largement suffire à leur bonheur. Qu’est ce qu’ils veulent de plus ? Quand j’y pense aux mensonges et aux promesses que j’ai auparavant répandus dans mon environnement, la nausée sur moi-même me poursuit inlassablement. Et ils ont cru les pauvres à mes supputations.
C’était mon avidité de vainqueur qui me faisait arracher de mon gosier tous ces mots mielleux. J’étais à une marche du podium et tous les leurres étaient permis. Je n’allais quand même pas rater la dernière marche à cause d’une plaisanterie de moins ! Ils ont la mémoire courte. Ils vont vite oublier en pansant comme ils le peuvent, leurs blessures. Ils vont se ressaisir, je ne serais ni le premier, ni le dernier à utiliser de telles farces qui avaient démontré leurs preuves.
Au fait, je viens de changer le numéro de mon mobile, il commence dorénavant par le 061. Il ne me sert qu’à solliciter ceux qui se trouvent sur les étages qui me surplombent. Je ne le communique plus à ceux d’en bas. Je voudrais complètement couper tous les fils me liant à leur nombril. Je ne regarde plus derrière moi, c’est devant moi que les chemins s’éclaircissent avec mes yeux complètement éblouis et écarquillés.
Je suis gâté. Je suis payé mais je ne fournis aucun effort. C’est une sinécure dont on ne veut pas la dénoncer. Je suis en vacances tout au long de l’année, 24 heures sur 24 sans que quelqu’un ose me réclamer des comptes de mes carences répétées.
Ma soif n’est pas encore pleinement étanchée. C’est une nouvelle étape de ma vie que je dois négocier avec discrétion. Plus on monte et plus les pièges sont légions. Il faut aller doucement mais sûrement. Attention aux coups de force. Ils peuvent se cacher à chaque pas de porte.
Mon désir ne cesse de me dévorer les méninges. Je rêve jour et nuit d’un autre poste à la mesure de mon nouveau statut et de mon récent carnet d’adresses. L’habit doit faire le moine. L’adage sera récusé par mes nouveaux besoins. Mon appétit grandit de jour en jour depuis que je suis arrivé à ma délicieuse destinée. Je suis prêt de l’extase. Tout ce que je découvre me fascine. Je ne veux plus retourner chez soi. Vais-je faire marche arrière ? Je suis dans une position propice où je ne devrais rien lâcher.

ACTE III : LE DÉCLIN
En cette période post-électorale, les relations invisibles dans les tranchées font rage et j’ai la crainte de choisir le mauvais camp au moment opportun. Et là ! La chute sera payée cash, elle sera vertigineuse, plus vite que celle de la montée. Les profondeurs seront assurées et le linceul préparé. Je suis monté dans le bon wagon mais plus maintenant. Je suis noirci d’antécédents qui me seraient fatals au moment du choix de la liste des prochains prétendants.
Si par malheur, je serais parmi les vaincus, je sais à quoi m’attendre. Les coups vont pleuvoir jusqu’à m’abattre définitivement. Je serais éradiqué de la liste et banni à jamais de l’ordre d’un simple adhérent. En attendant qu’atterrisse un autre messie pour nous délivrer. Peut-être que j’aurais de la chance si le vent tournerait en ma faveur dans le bon sens en nous soufflant le bon chemin recommandé.
C’est aussi une grande loterie. Si les gars se déchirent c’est qu’ils ignorent le véritable vainqueur qui va être proclamé. S’ils le devinaient, ils auraient dû tous se ranger du côté du futur vainqueur. C’est un véritable échiquier. Tantôt, on est mat, tantôt on est échec et mat. Tantôt, je suis avec la ligne légaliste, tantôt je me range parmi les opposants. Chaque pion est avancé avec prudence. A la fin de la partie, ça pourrait très vite se dégénérer et s’éclater comme un véritable explosif à retardement collatéral sur tout le pays.
Quelle horreur ! Cette guerre souterraine qui pourrait finir par emporter même ceux qui ne sont pas concernés. Je ne sais plus où se situer. L’important est de sauver ma tête et ensuite ma place. Tout le reste m’importe peu. Je ne me bats ni pour un programme national, ni pour un enjeu économique d’envergure pour le pays, ni pour une école performante. Si cette dernière était restée compétitive, je ne serais certainement pas là où je suis actuellement penché.
Mais subitement, ce qui devait arriver arriva. Le calme serait prémonitoire de l’orage qui s’annoncerait. Un jour, ça ne ronronnait pas bien au dessus et tout d’un coup, un coup est parti de nulle part. Une véritable crue s’enclencha comparable à celle des dominos placés juxtaposés. C’est une onde de choc dont on n’est pas prêt d’oublier.
On a cru au départ que c’était une petite secousse qui ne causerait pas plus de dégâts qu’un pétard mouillé. Mais cette fois-ci, il semblerait que c’est du sérieux. Plus là haut sur les cimes ça n’allait pas trop bien et plus ça enflait sur les têtes de dessous. En principe, si les choses allaient mieux, c’est plutôt le contraire auquel on serait attendu.
Quelqu’un a mis le doigt là où il ne fallait pas le mettre. Bing ! Bang ! Click ! Clac ! Boum !! Aïe ! Ouille ! Ça pétait et ça partait de tous les côtés et dans toutes les directions. Peu importe l’arme utilisée ! L’important est l’atteinte de l’objectif souhaité.
Soudain, deux groupes antagonistes se formaient pour livrer la bataille. La grande majorité n’agissait que sur ordre. Ils ignorent pour quelles raisons. Est-ce que le parti a changé de programme économique ? Non ! Est-ce un revirement politique ? Non ! S’agit-il d’un bouleversement de la politique sociale ? Non ! De modifications d’options après la tenue d’un congrès ? Évidemment, non plus !
C’est le semblant de débats perpétuels auxquels on est gratifié de temps à autres dans nos partis, syndicats et associations. Au lieu d’une confrontation d’idées et la proposition de solutions à faire avancer le pays, ça ressemble plutôt à des guerres claniques ou tribales qui minent ce pauvre pays auquel nos libérateurs, s’ils seraient revenus de l’au-delà, ne regretteraient pas de s’être partis pour de vrai.
On tourne en rond lorsque les consciences sont en voies de garage. Personne ne sait qui a débuté les hostilités. C’est un inconnu dont personne n’a identifié. Ce n’était donc qu’un calme précaire qui régnait. Et moi qui croyais que je serais tranquille sur les hauteurs durant toute le temps. C’est un séisme qui risquerait de tout ravager. On peut le comparer déjà à un tsunami.
Les militants sont déroutés. Ils ne savent plus où s’orienter. Détenus dans un labyrinthe sans sortie ! Encore que la brise ne souffle plus pour indiquer l’allée éclairée. Gare à celui qui se trompe de sens de la circulation. On marche à l’aveuglette. Le faible qui s’égare serait immédiatement sacrifié.
Depuis, je ne ferme plus l’oeil, je ne fais que somnoler. Mes jours semblent comptés et mon sort jeté au dévolu. Devrais-je attendre la dernière minute pour me décider ? Vraiment ! Les conseillers les plus chevronnés ou les analystes les plus expérimentés ne sauraient vous prédire l’heureuse issue. Je ne sais plus comment réagir. Je suis pétrifié. J’ai l’impression d’être dans une bouteille renversée. Le retournement de veste de l’ultime seconde ne saurait me sauver.
Je songe à changer non pas de camp mais carrément de parti pour espérer échapper à la solution finale. Si je le ferais, on m’accueillirait à bras ouverts dans l’autre bord qui n’espérait par tant gonfler ses effectifs. Mais pour combien de temps la paix ? C’est le même clonage partout ailleurs tant que la modernité n’aurait pas élu domicile dans notre demeure.
Je m’en foutrais ce qu’on irait se dire sur mon compte. L’éthique et la déontologie ne sont que des trucs qui n’intéressent que quelques uns qui vivent virtuellement à travers la parabole pointée vers Hotbird ou Astra. Chez nous, il est considéré comme un acte avéré, un signe d’équilibre ou d’annihilateur des forces.
Mon ancien parti comptait pourtant beaucoup sur moi. Il est entrain de se désagréger. En passant de l’autre côté, il s’agirait de sauver ma tête et rester le plus longtemps possible au poste afin de préserver mes fabuleuses indemnités. Je ne suis qu’une « hchicha talba m3ichaa » voulant profiter du hasard qui m’a expédié par miracle vers les cieux. Je souhaiterais n’être qu’une élémentaire herbe cherchant à jouir de cette fortuite situation qu’on ne peut refuser par défaut de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Peut-être que j’aurais plus de chances avec ma future nouvelle formation. Mes combines sont un cocktail de risques et de coups de chance. Peut-être qu’elles me souriraient à nouveau pour longtemps et pourquoi pas durant le restant de ma vie.

ACTE IV ET FIN : LE DÉNOUEMENT ?
Dans mon antécédent bord, on continue à régler les comptes à coups de manches et de balais. Par ricochet, le pays et son image en prendraient de sales répercussions. Un malheureux cul-de-sac dans lequel nous nous sommes enfermés. Nous avons laminé notre jeunesse qui ne pensent qu’à s’évader et ne s’intéresser guère au devenir du pays.
Quelle Algérie allons-nous la laisser et dans quel état d’esprit ? Je vais bientôt partir en retraite dorée mais certainement pas en toute quiétude. J’ai peur que l’on viendrait à ma tombe et l’on me délogerait pour m’enterrer ailleurs, loin des yeux parmi les recalés.
Voilà ce qui pourrait nous arriver et au pays en premier lieu par nos erreurs presque volontaires et par notre entêtement permanent à vouloir tout posséder sans partager, avoir toujours raison sans débattre ensemble toutes les questions engageant l’avenir du pays, associant toutes les forces vives émergeantes dans le pays.
Pris par de profonds remords, j’ai compris finalement une chose. Des personnes de ma trempe qui rouillent d’opportunisme n’auraient pas dus se présenter aux postes qui ne pouvaient pas leur revenir si des règles adéquates étaient appliquées. Et en laissant passer le flambeau paisiblement à d’autres plus aguerris, plus qualifiés pour assurer les affaires du pays. J’aurais pu ainsi épargner à mon pays beaucoup de dommages et de retards pris dans son évolution.

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