mercredi 20 juillet 2011

La ville cloutée

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 21 Juillet 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: http://fr.calameo.com/read/0003704465aebf7a672bc
- en format pdf zippé: http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/21072011.zip
- en format html: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5155855
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Depuis quelques années déjà, la circulation dans les agglomérations pose un énorme problème notamment avec l’explosion des ventes de voitures et l’entrée sur le marché algérien des concessionnaires de presque toutes les marques étrangères y compris celles qui nous ont été des inconnues dans un passé très récent.

Ce fléau qui est devenu un point noir constitue aujourd’hui une véritable plaie, de plus conjuguée au non-respect du code de la route provoquant un nombre sans cesse croissant d’accidents. On grille un feu rouge comme on le fait pour une cigarette. On tue un piéton comme on écrase une mouche. Les panneaux de signalisation routière, quand ils existent, ne semblent être respectés qu’à la vue des agents de la circulation stationnés aux carrefours. En dehors de leur champ, c’est la jungle, c’est à celui qui impose son diktat aux autres.

Cette calamité ne doit aucunement être gérée par la manière répressive mais avec intelligence et doigté comme il se fait dans les pays dits développés. Chez nous, la loi est tantôt appliquée dans toute sa rigueur, tantôt elle est carrément mise en veilleuse comme celle du retrait du permis de conduire. Certes, ce texte a produit parfois des abus dans son application mais on ne peut l’abroger ou le mettre entre parenthèses dans le but de ne pas énerver davantage les automobilistes à cause du printemps révolutionnaire arabe de ces derniers mois. Cette ambigüité constitue également une entrave aux droits des conducteurs respectueux des lois.
Logiquement, ce boum devrait être accompagné sur le terrain par des études judicieuses de la circulation routière contrairement à la cacophonie qui règne particulièrement à l’intérieur de nos villes.

DES OVNI VENUS DE NULLE PART !

Pour endiguer les accidents de la circulation, chaque ville choisit ses méthodes comme elle l’entend, comme bon lui semble sur un coup de tête ou d’un coup de fil reçu de quelque part. Ces dernières années, c’est la mode des « dos-d’âne » qui fait fureur. Chaque contrée dispose de son modèle déposé. Tantôt c’est à coups de goudron qu’ils sont réalisés en des temps record. Les dimensions de ces ralentisseurs dépendent du maître d’œuvre local. A sa guise, il dépose la largeur et la hauteur qu’il prescrit sans qu’aucunes normes ne soient adaptées. Bonjour les dégâts !

C’est comme toutes les lois du pays qui ne sont exécutées partout de la même manière. C’est au rythme de l’humeur du chef de la ville et des évènements. C’est la manière express qui prend le dessus sur la politique du long terme. Il suffit d’une vague de protestations surgit de quelque part pour que ces dos-d’âne virent de nulle part, le jour-même de la grogne. Lorsque ce n’est pas le bitume, ce sont des pierres qui sont posées au milieu de la chaussée pour obliger les automobilistes à zigzaguer pour se frayer un sinueux chemin. De plus, les indications annonçant ces bosses sont très rares, il faut les sentir avant de croiser ces OVNI venus d’ailleurs.

DES DOS-D’ÂNE DE TOUTES LES MATIÈRES

Parfois, ce sont les habitants du coin qui les érigent en barricadant la route à doses de béton, en forme de grosses cordes ou en creusant un long petit canal coupant en large la chaussée. Ce sont les conséquences d’une absence de l’autorité publique que des faits de ce genre fleurissent abusivement dans la cité. C’est le sens de la « zriba » qui reprend très fortement ses droits. Que de « zribates » ont été édifiées depuis la faillite des autorités locales ! On grignote des mètres à chaque échéance électorale pour enfin se l’approprier en propriété privée moyennant quelques avantages de plus.

Il n’y a pas si longtemps, certaines villes ont installé des dos-d’âne dont le dessus est en matière plastique. L’amortissement y est plus souple, plus mou n’endommageant pas énergiquement vos amortisseurs. Mais ils ne sont pas entretenus convenablement. Alors, on veut du solide, on veut passer à l’action en implantant des bosses en vrais durs sur les rues.

C’est pourquoi, ces derniers temps, la dernière génération a fait son apparition dans quelques quartiers de nos villes dont notre pays est devenu un vrai spécialiste en expérimentant tous les prototypes. Tant qu’il y de l’argent à gogo à amasser, peu importent le prix et l’utilité publique.

Tanpis pour l’esthétique et l’embouteillage. Une rue est faite pour circuler, et non pour slalomer, réglée par des interdictions de panneaux de limitation de vitesses. Ce sont l’éducation et le civisme qui font défaut à cause des politiques successives prônées.

OUILLE ! DES DOS-D’ÂNE EN GROS CLOUS !

Une ville dont je ne citerais pas le nom car ce n’est pas la cause de ce papier mais qu’elle ait juste l’idée de m’inspirer, qui sans doute n’est pas une exclusivité nationale, devient, malgré elle, une attraction de ces derniers mois. Tant ses émules ont élu domicile un peu partout d’est en ouest. La cité est devenue ces jours-ci experte en la matière avec les dos-d’âne en clous. Oui en gros clous ! Qui vous font vaciller à chaque fois que vous y passez dessus. Vous corps vibre de tous les côtés en recevant la décharge provoquée par le passage obligatoire. Ils sont en acier inoxydable lorsqu’on sait que ce matériau coûte une fortune à la localité et aussi à l’importation des amortisseurs de véhicules.

Il y aurait à coups sûrs de gros marchands heureux qui vont nager et renifler dans l’oseille, à suffoquer dans les Euros et les Dollars. Ceux qui commercent dans les deux différents types d’amortisseurs mais dont le premier détruit le second. Un vrai sacrilège. Au moins s’ils étaient fabriqués sur place et même !

Comme les idées farfelues ne dépassent guère la région sensible des poches. Donc, par miracle de cette nouvelle pourvoyeuse de gros sous, on a décidé de clouter (ou clouer selon la définition) la ville de fond en comble. On ne sait pas si une étude a été élaborée par un cabinet émérite en la question pour savoir si toutes les tares allaient être effacées par cette sensationnelle nouvelle découverte.

Les clous vont être semés dans toutes nos rues principales, se dit hautement le maître de l’ouvrage qui se frotte inlassablement les mains. Son compte en banque va être bien garni. Il va grossir, enfler jusqu’à n’en plus pouvoir supporter. Peut-être qu’il existe une anguille sous roche. Où quelqu’un de bien placé ait décidé d’être le pourvoyeur exclusif de ces gros machins.

En plus quadriller toute la ville avec cette ferraille va lapider une bonne partie du budget. On ne compte plus les sous ces temps-ci avec la rente pétrolière qui inonde tout le marché de l’informel. On arrose à coups de milliards, en dinars ou en forte monnaie. Personne ne se soucie de l’avenir du bled lorsque les puits seront à secs dans un apocalyptique jour très proche. On ne réfléchit plus. On ne pense qu’au présent. Peu importe ce qui adviendrait demain. L’algérien a perdu tous ses repères, il s’est renversé la tête. C’est son ventre qui a remplacé sa cervelle. Ses intestins ont détruit radicalement ses méninges.

N’existe-t-il que cette « géniale » solution ? Ailleurs, on utilise les technologies modernes de surveillance des chauffards, ici c’est la manière radicale qui trône. Que ce soit en respect de la loi ou en politique. Pauvre de nous qui sombrons dans l’incompétence et la décadence.

VOICI VENU L’AVÈNEMENT DE MONSIEUR « PUNAISES » !

Après les passages cloutés, maintenant c’est au tour des dos-d’âne cloutés ! Des clous à têtes rondes et carrées. Si vous ne supportez pas le vibreur de la forme carrée, la forme ronde vous recourbe les rognons. Pourtant dans les pays qui ont inventé ces clous, des bandes peintes en blanc les ont depuis longtemps substitués. Ils en ont besoin de cet acier pour fabriquer des voitures, des avions et des trains. Pas pour clouer les bagnoles, barricader les routes et les maisons.

La vox-populi est impitoyable. Elle est capable de vous coller un nom qui va vous suivre partout où vous allez se nicher, où vous êtes mutés jusqu’à votre extinction. Dans la nouvelle ville, vous êtes l’Ex Monsieur Y qui était nommé Monsieur Y dans la précédente. Elle a inventé des surnoms à ces nouveaux entrepreneurs d’un genre new look qui s’enrichissent à la célérité de la lumière. Plus c’est rapide et plus c’est juteux.

Désormais, la rue les appelle tout bonnement Monsieur « Punaises ». Donc, Monsieur « Punaises » est le spécialiste en chef de l’implantation des punaises. Il les enfonce bien dans la peau. C’est le roi de la punaise qui va clouter tout le pays. Comptez-y, une punaise au décimètre carré, ça peut rapporter gros. Même les routes poussiéreuses et éventrées vont être « punaisées ». Ici on ne soucie guère à recoller le travail bâclé par le précédent confrère. Au contraire, on refait le match. Quoi qu’elles soient, en elles-mêmes, des obstacles avec ses nids de poules à longueur d’années. Ce n’est pas l’état des routes qui va bloquer la machine à punaises. Le verbe « punaiser » vient de faire son entrée fracassante dans le nouveau jargon et dans le vocabulaire révolutionné. Il a être conjugué à tous les temps. Aucune ruelle ne va lui résister.

On attend juste qu’un nouveau budget soit adopté par des élus illégitimes et une société civile aux abois, figés et aux ordres au doigt et à l’œil du parrain, car mouillés eux-aussi jusqu’aux dents. Chacun dispose de sa petite affaire occulte. La grosse punaise, c’est l’invention de l’année qui va être surement primée par une commission, créée en la circonstance, qui va nous vanter les mérites de ce « magique » brevet.

Avec l’entrée de l’été et la hausse des températures, ces clous sont en train de fondre dans le goudron préchauffé naturellement après quelques mois seulement de leur pose au grand soulagement des automobilistes et au grand dam du trésor public. Les antécédentes malfaçons de Monsieur « Bitume » vont agir impitoyablement contre l’effet des rivets de Monsieur « Punaises ». L’un gomme l’ouvrage de l’autre ! Mais qui est-ce qui va encore une fois payer la note ? Il n’y a de doute là-dessus. Le perdant est désigné à l’avance. Lorsqu’on dispose de gros et longs bras, on ne risque aucun rappel à l’ordre par l’autorité qui est censée défendre avant tout l’intérêt public. Comme dans ce pays, rares sont ceux qui rendent des comptes, on disparaît richissimes dans la nature sans être aucunement inquiétés.

MESSIEURS « RONDS-POINTS », « JET D’EAU », « TRICINETY »,…

Les années précédentes, ce sont les ronds-points qui faisaient la une dans la ville. Et c’était Monsieur « Rond-point » qui faisait la pluie et le beau temps. Avant lui, c’était au tour de Monsieur « jets d’eau » ou Monsieur « Tricinety (électricité) » qui régnait en patron et veillait sur l’avenir du trésor de la ville. On ne connait pas encore l’invention de demain. Surement, des stratèges es-dinars sont entrain de mijoter d’autres idées extravagantes.

Quant aux fameux trottoirs, ils continuent toujours de faire l’actualité. Leur effet ne s’éteindrait jamais. Est-ce que quelqu’un peut trouver une ville dont les trottoirs n’ont pas été refaits plus d’une seule fois en une décennie ? Ce jeu peut faire l’objet d’un concours à l’échelle nationale, le pays le plus vaste d’Afrique, classé à la 11ème position mondiale en termes de superficie. Imaginez l’argent engrangé si on décide de « trottoiriser» ou « punaiser » tout d’un coup, d’une idée d’un de ces extraordinaires génies, tout le pays d’un carrelage et d’une punaise du même modèle. C’est de cette façon, que sortent de nos laboratoires spécialisés, les concepts, inimaginables dans un pays de droit où c’est la transparence qui guide les marchés publics. Touche pas à mon « projet » ! Le mot « projet », « projeyattes » au pluriel selon le dictionnaire local et qui fait sentir la corruption à plusieurs kilomètres à la ronde.

POURQUOI TANT DE MALHEURS ?

En attendant des jours meilleurs, on continue de souffrir de ces fatalités qui nous sapent tous les jours le moral sous nos yeux jusqu’à nous traiter d’un des peuples les plus malheureux du monde d’après une étude publiée dernièrement. En se basant sur les indices que sont: la paix, la sécurité, la liberté, la démocratie, les droits de l’homme, la qualité de la vie, la formation, l’information, la communication, la culture, la revue française Globeco (http://www.globeco.fr/public/pdf/bonheur-mondial-2009-2010.pdf) classe notre pays à la 46ème place sur une soixantaine de pays représentant 85% la population mondiale et disposant de 90% du PIB mondial.

Certes, on peut émettre des préjugés sur cette étude mais il faut aussi souligner qu’il n’y a jamais de feu sans fumée. On ne peut que se blâmer nous-mêmes qui sommes entrain de gâcher nos ressources humaines et toutes nos potentialités par une gestion et une gouvernance contradictoire à un pays de la taille de l’Algérie.

Gardons peut-être l’espoir d’un renouveau qui s’annonce avec les réformes tant espérées et attendues avec impatience qui dans un passage est annoncé clairement : « Dans le cadre d'une décentralisation plus large et plus efficiente et pour que les citoyens soient mis à contribution dans la prise des décisions qui concernent leur quotidien et leur environnement économique, social et culturel, il importe d'accroître les prérogatives des assemblées locales élues et de les doter des moyens humains et matériels nécessaires à l'exercice de leurs prérogatives. Et c'est à cette même fin que le code de wilaya sera révisé ».

La question que se posent bon nombre d’observateurs et qui est sur toutes les lèvres: peut-on faire du neuf avec du vieux ? Prenons dès maintenant rendez-vous dans moins d’une année en espérant d’être mieux loti qu’aujourd’hui. Bon, ce n’est que du virtuel pour le moment, les promesses sont une chose et les applications en sont une autre affaire. A suive…

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mercredi 13 juillet 2011

Une grande Dame est partie

Le jeudi 8 juillet 2011 vers 16h45mn, je reçois un coup de fil d’un collègue de l’université d’Annaba m’annonçant subitement le décès de notre collègue universitaire et syndicaliste Madame Zoubeida Hanoune. Je suis resté abasourdi, l’air vaguement égaré pendant plusieurs minutes, sonné par la mauvaise nouvelle que je viens de recevoir comme un coup de massue sur la tête à 900 km de chez moi. Madame Hanoune venait de rendre l’âme une demi-heure auparavant après une lutte de 8 mois contre la maladie qui venait de l’emporter.

Durant tous ces mois, j’étais continuellement informé par mes collègues Abdelhamid et Noureddine ainsi que par sa famille du moindre détail de l’évolution de son état de santé. On a eu de bonnes et des moins bonnes nouvelles. Des hauts et des bas. On s’accrochait à l’infime espoir de la voir guérie et rétablie. Plus le temps durait et plus l’inquiétude gagnait nos rangs. On ne cessait de prier tout le temps pour elle. A une semaine, de son décès, j’avais perdu l’espoir de la revoir un jour après avoir téléphoné à ses proches et aux amis. Depuis ce jeudi 1 juillet, j’appréhendais très mal la terrible annonce jusqu’à ce fatal coup de fil de mon ami Noureddine suivi immédiatement par celui de mon cher Abdelhamid.

Elle avait souffert le martyr pendant assez longtemps. Je suis resté pendant un long moment silencieux sans pouvoir prononcer un mot. Mon collègue Noureddine, au bout du fil, croyant que la communication eut été coupée, me rappelait aussitôt pour se tranquilliser de la perte de ma voix. C’étaient juste les souvenirs du visage de la défunte et les moments inoubliables qui défilaient en une fraction de secondes dans ma tête. Son légendaire sourire ne me quitte plus. Ses gestes et ses tics me poursuivent inlassablement. Les larmes commençaient à descendre doucement sur mes joues et ma gorge se nouait péniblement. Je peinais difficilement à trouver la parole tellement l’émotion était trop forte. Il fallait indispensablement verser ces larmes chaudes pour me soulager du chagrin qui m’envahissait de partout. Depuis, le téléphone n’arrêtait pas de sonner, d’est en ouest et du nord au sud, des amis abattus par la terrible nouvelle et qui présentaient leurs sincères condoléances. Notre regrettée avait une solide réputation au sein de toute la communauté universitaire du pays. Elle n’aimait pas être médiatique mais elle était connue de tous. Elle était de ceux et de celles qui activaient dans l’ombre.

Effectivement, c’est une grande figure emblématique du syndicalisme qui nous dit Adieu. Le syndicat des enseignants du supérieur CNES est orphelin. Il lui sera difficile de la remplacer avant très longtemps. Elle constituait un équilibre extraordinaire au sein de la composante du syndicat. Elle était la force tranquille et ne paniquait jamais devant les situations les plus difficiles. Au contraire, elle apportait l’assurance nécessaire pour notre mouvement. La preuve, aujourd’hui tout le monde lui reconnait ses valeurs. Par sa grande expérience acquise de longue date sur le terrain, elle ne réagissait qu’après de mûres réflexions. Elle ne se précipitait pas de prendre de rapides conclusions. Elle qui était la coordonatrice adjointe du CNES et une des premières promotrices du mouvement syndical universitaire et fondatrice du premier et unique syndicat universitaire autonome le CNES. Elle était aussi une des plus personnes les plus influentes du syndicat. Ses conseils étaient appréciés de tous. Elle était respectée pour son immense personnalité. Je n’ai jamais rencontré dans ma vie une femme aussi résolue et capable d’inverser les situations les plus désespérées.

On ne t’oubliera jamais Madame Hanoune, l’aimable femme humanitaire et la syndicaliste déterminée. Tes initiales seront dessinées en lettres d’or dans nos mémoires tellement tu nous as marqués. Les réunions, sans ta présence, provoqueront un vide certain, toi qui n’a que très rarement manqué une occasion pour affirmer haut et fort les revendications des enseignants. Tu étais une partie de l’histoire vivante et debout du syndicat CNES. Tu es partie trop tôt alors que tu pouvais encore donner davantage mais le destin en a voulu ainsi. C’est la volonté suprême du Dieu tout puissant. Tu n’abandonnais jamais la partie, tu allais souvent jusqu’au bout de tes idées, sans extrémisme ni aller se cogner contre un mur.

Tu étais toujours d’une disponibilité incroyable. Lorsque tu venais à Alger, tu ramenais toujours des médicaments introuvables sur le marché pour tel ou tel camarade qui te sollicitait ou des gourmandises pour détendre une atmosphère tendue pas les débats. Franchement, tu égayais le bureau national. Tu étais la chandelle qui illuminait les réunions. On sentait des signes dans ton visage lorsque tu n’étais pas d’accord pour une quelconque démarche. Tu tapais fort sur la table pour mettre de l’ordre ou pour infléchir un cas défavorable.

Il me faut des pages et des pages pour te retracer ta carrière syndicale, ces modestes lignes ne sauront aucunement décrire même furtivement ta vie qui a été pleine en activités dynamiques pour la société civile. Un hommage particulier est nécessaire pour tracer ton itinéraire dans cette vie d’ici-bas. Tu étais d’une générosité excessive. Tu partageais même une orange avec nous tous, le fruit que tu adorais le plus. Une Dame fière de ta condition et de tes actes. Une constantinoise admirable devant son passé. Adorable à souhait. Dès que tu adoptais quelqu’un comme un frère, c’est pour de bon. Ta sincérité dépassait l’inimaginable.

Je me rappelle de ce samedi 18 octobre 2008 où tu tenais à te déplacer d’Annaba à Mostaganem pour assister à l’enterrement du défunt collègue Mohamed Benchehida. Malade mais tu voulais être présente ce jour-là pour soutenir tes camarades de l’université de Mostaganem. Je me rappelle que tu me disais qu’il s’agit de mort d’homme et qu’il fallait être absolument sur les lieux pour marquer l’esprit de solidarité avec sa famille et ses collègues. C’est ce que je témoigne fortement aujourd’hui. Tous les collègues présents ce jour-là à l’assemblée générale des enseignants étaient éblouis par ta merveilleuse intervention en leur découvrant les préceptes et les principes de la lutte. Tu nous donnais les leçons du militantisme. Tu avais ému l’assistance par tes convictions et ta persévérance pour la promotion de l’enseignant universitaire et de l’université algérienne.

A cause du nom que tu portais, tu n’osais jamais faire un pas dans le monde politique. Pourtant tu avais toutes les compétences requises et les aptitudes reconnues. On sentait que tu étais prédestinée uniquement pour la cause syndicale et humanitaire. Tu travaillais beaucoup plus pour l’au-delà à travers ton total dévouement. Tu étais animée par une volonté farouche pour relever tous les défis. Tu étais une syndicaliste née pour la défense des droits socio-professionnels de tes collègues.

Ta famille vient de perdre une épouse, une mère, une soeur et une fille, la ville d’Annaba vient de se faire déposséder de la présidente de l’association humanitaire « Amal », les mondes syndical en général et universitaire en particulier perdent une syndicaliste hors du commun. Tu es une grande Dame que l’Algérie a enfantée et tes actions resteront gravées à jamais dans les commémorations que ce soit à Annaba ou dans les universités du pays.

Tu n’as même pas pu profiter de ta nouvelle paie en décembre 2010 lors de la promulgation du régime indemnitaire pour lequel tu t’es battu avec toutes tes forces, tu venais de tomber malade un peu plus d’un mois auparavant pour ne plus te relever. Tu discourais toujours qu’on se bat pour les universitaires et l’université publique de demain. C’était un devoir d’avoir sacrifié nos carrières au profit de l’université des enfants de ce pays. On dirait que tu sentais la prémonition d’un départ précipité vers les cieux.

Il y avait foule lors de la cérémonie de tes funérailles en ce vendredi 9 juillet vers 16h30mn à Annaba à la mosquée « Firdaous » du quartier « Kouba » puis au cimetière « Ghazouani », ta dernière halte juste en face de la mer. Un coin qui ressemble à un petit paradis terrestre que tu mérites amplement au vu du témoignage de tes nombreux collègues universitaires d’Annaba qui t’avaient accompagnée jusqu’à ta dernière demeure. Pour moi, ton côté humanitaire, c’était ton jardin secret, c’était une autre face de toi que le monde syndical ignorait sauf pour les plus intimes. J’avais du mal à comprendre comment tu pouvais allier ces deux délicates missions en même temps. Mais ta volonté, ta ténacité et surtout ta foi te permettaient de maintenir cette allure de battante à tous points de vue.

Je me rappelle t’avoir un jour attendu à l’aéroport d’Alger en provenance de Montpellier où tu avais établi des liens avec d’autres associations humanitaires. Ce jour là, tu débarquais à Alger avec 2 grandes cabas pleins à craquer de médicaments de toutes sortes pour les malades cancéreux. Tu aimais aider les malades, leur apporter ton soutien indéfectible. Tu étais présente dès qu’on avait besoin de toi. Tu n’osais jamais dire non à une sollicitation d’un malade désespéré. Tu ne rechignais point devant l’effort. Le monde médical, c’est une de tes facettes, toi, la spécialiste en linguistique.

En une fraction de secondes, les moments qu’on a passé ensemble au bureau national et au conseil national du syndicat CNES défilaient à une allure vertigineuse. Je me souviens t’avoir vue pour la première fois en septembre 2000 lors d’une session d’un conseil national au siège national du CNES sis 8 Rue Arezki Hamani (ex-Rue Charasse) en plein centre d’Alger. Le syndicat venait juste d’arracher une augmentation des salaires après d’âpres et longs combats. Dès que tu avais intervenu, sincèrement j’étais captivé et fasciné par tes lucides interventions. Tu parlais d’une voix très élevée d’un ton soutenu pour se faire entendre et avec une assurance des grands orateurs. Tu étais une oratrice hors paire. J’admirais ton énergie débordante et ta fougue illimitée. Je te prenais comme exemple en désirant te ressembler un jour et te mimer. Tu demandais la prise de parole au moment opportun pour apporter tout ton poids afin de mettre fin aux altercations lorsque les camarades divergeaient. C’était la trempe d’une forte personnalité qui m’avait profondément marqué en toi. Je commençais à bien te connaître par la suite au bureau national de janvier 2004 jusqu’à ce jour. C’est là que nos liens se sont approfondis et se sont tissés davantage. On était devenus grande sœur et frère. C’est comme ça que je préférais t’appeler. Quoique nous sommes devenus des amis intimes, je n’ai jamais pu t’appeler par ton prénom pendant ces 7 années de profonde amitié. Tu forçais considérablement le respect de tous.

Tout ce que je demande aux collègues enseignants universitaires, c’est d’avoir une pensée pour cette extraordinaire femme qui avait bataillé de toutes ses forces pour le bien-être de l’enseignant chercheur et le renforcement de l’université publique. Je me permets de dire que tu nous dépassais en lutte. Tu quittes ce monde la conscience tranquille avec le devoir accompli. Prions pour toi profondément. Que Dieu t’accueille dans son vaste paradis dont c’était ton souhait le plus absolu. Adieu grande sœur pour l’éternité. Repose-toi en paix chère grande Dame.
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mercredi 6 juillet 2011

Diplômes, normes et syndicalisme

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 07 Juillet 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: http://fr.calameo.com/read/000370446a9c25dac9bd6
- en format pdf zippé: http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/07072011.zip
- en format html: http://www.lequotidien-oran.com/?news=5155269
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Selon le journal El-Khabar de ce Mardi 5 juillet 2011 (1), le pourcentage de réussite au baccalauréat de cette année va battre un nouveau record. On s’attend à un taux de réussite avoisinant les 70% après les 61,23% de 2010 et 45,05% de 2009. Avec ces chiffres, nos voisins du Maghreb que sont le Maroc et la Tunisie sont encore loin avec des taux respectifs de 35% et 50% de l’année dernière.

Dîtes-vous normes ?

Jusqu’ici tout est bon, on progresse vers des pourcentages des pays développés et c’est tant mieux. On peut même les acclamer à tout rompre. Mais il existe une différence de taille avec ces deux pays limitrophes, eux ils continuent à participer aux olympiades internationales de mathématiques contrairement à nous dont la participation est gelée pour une raison énigmatique. La dernière fois, c’était en 2009 après une absence de 11 années consécutives. Mais ce retour a été sanctionné par une place de lanterne rouge qui a dû certainement donner matière à réfléchir aux responsables de l’éducation nationale. Paradoxalement, on continue d’entretenir l’illusion de considérer ces résultats de ces dernières années comme étant les fruits de la nouvelle réforme.

On souhaiterait bien y fantasmer de ces prouesses mais sans une expertise internationale, ces performances ne nous permettent pas de disposer d’une lisibilité claire ni d’une visibilité reculée tant qu’ils ne soient pas évalués par des paramètres aux normes internationales. Ce qui est vrai pour le système éducatif l’est aussi valable pour tous les domaines de la politique jusqu’aux sports en passant par l’économie, la corruption, les droits humains, le bien-être, etc...

Le syndrome Sud-Coréen

Ce n’est pas fortuit ni un hasard si le système éducatif de Shanghai (Chine) et celui de la république de Corée (Corée du Sud) occupent les deux premières places du classement de l’enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves, Program for International Student Assessment ) (2) de l’année 2009 de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) (3). Comme un succès ne peut surgir du néant et qu’une expertise fiable ne peut contredire son équivalente, la Chine et la Corée figurent également aux avant-postes du classement des olympiades internationales de mathématiques de l’année écoulée (1ère et 4ème places respectivement). Ils iront certainement conforter leurs leaderships lors des 52ièmes Olympiades qui vont se dérouler cette année aux Pays-Bas du 16 au 24 Juillet sans la présence de notre pays qui n’ait point annoncé sa participation jusqu’à la veille de ce concours (4).

Annus horribilis

Quant à nos résultats du baccalauréat, passée l’euphorie de l’annonce comme il est de coutume de vanter tous les mérites de notre système, ils vont continuer à nous hanter et à semer le doute dans les consciences. Par exemple, cette année, le Bac français est en train de provoquer un malaise dans ce pays à cause de la divulgation d’un exercice de probabilité de l'épreuve de mathématiques du Bac S qui concerne 165 000 élèves. Le ministre de l'éducation nationale de ce pays a porté plainte en excluant d'annuler l'épreuve mais a neutralisé l'exercice par une modification de la notation. Une enquête diligentée à permis de mettre en examen trois suspects. Le journal Le Monde parle d’annus horribilis pour l’éducation nationale où même la fraude à un examen de CM2 est citée (5). Eux au moins, ils en parlent en lançant des enquêtes sans chercher d’où est sortie l’information. Ils appliquent le principe du feu sans fumée. Chez nous, c’est presque un tabou que de parler de ces choses si jamais il y a suspicions.

Beaucoup de questions vont impitoyablement nous torturer pendant assez longtemps. Les conséquences seront graves pour l’avenir du pays qui a besoin d’un personnel ayant subi la formation adéquate et le cursus nécessaire pour affronter les problèmes qui le guettent et relever les défis qui l’attendent. C’est plus tard que l’on constatera fort amèrement les délires du moment. Comme il est souvent le cas, on ne pense qu’au présent, peu importe le futur. Chaque génération se débrouillera-t-elle comme elle le pourrait en naviguant à tout-va. Chacun pour soi.

Et l’enseignement sup ?

Ce qui l’est vrai pour l’éducation nationale, il est d’autant plus crucial au niveau universitaire où les lacunes s’entassent à cause des volumes horaires raccourcis, non réglementaires des enseignements dispensés. Pour le système LMD, les normes parlent de 15 semaines d’enseignement par semestre sans compter les examens. Qu’en est-il exactement de l’année universitaire qui a été tronquée par des semaines de grèves dépassant les 9 semaines pour certaines filières ?

Nous pouvons rajouter le problème logistique qui ne suit pas la pédagogie. A cause du retard pris chaque début d’année dans l’ouverture des restos U, les étudiants résidants dans les cités universitaires vont se ruer vers les gargotiers du coin pour se restaurer d’un frites-omelette consommé à longueur d’années. Le budget familial est là pour souffrir et subvenir aux besoins de la progéniture. La bourse ne sert qu’à couvrir des besoins très futiles. Les examens de rattrapage ne semblent pas être prévus dans le programme des œuvres universitaires. Pourtant, les deux structures dépendent du même ministère. Tous ces obstacles et non des moindres contribuent négativement à la cotation de notre enseignement supérieur.

1 pour 15 = 1 pour 28 ?

Personne n’en parle de manière académique, c’est le côté social qui va encore une fois primer en fermant les yeux sur la qualification des titres octroyés. L’excès de zèle de l’autosatisfaction pèsera lourdement comme d’habitude dans la balance. Il n’en restera que très peu de voix qui tentent de remettre en cause la théorie, elles vont être impitoyablement balayées par la machine bureaucratique. Le débat est plus que jamais lancé. C’est la question que l’on pourrait aussi se poser et qui nous poursuivra inlassablement tant qu’on n’y a pas répondu de façon experte et responsable.

Il existe justement un indice particulier qui puisse nous donner une certaine lecture. Il n’est pas le seul. Au niveau international, d’autres normes universelles sont adjointes pour faire des évaluations assez précises.

Le paramètre cité ci-dessus est celui du nombre d’étudiants par enseignant. La norme préconise 1 enseignant pour 15 étudiants. La norme nationale tourne, depuis des années, aux environs du double. L’interrogation qui puisse cette fois-ci ardemment posée est celle de la crédibilité et la valeur des diplômes délivrés par nos établissements universitaires si l’on persiste avec cette parité. Est-ce qu’une licence LMD algérienne vaut-elle identiquement celle d’une licence LMD européenne ?

L’autosatisfaction outrancière ?

Nous n’allons pas jusqu’à la comparer à celle de la Corée dont le niveau de vie égalait celui de l’Algérie au lendemain de l’indépendance. Toute le monde constate que l’on roule sud-coréen depuis belle lurette. On ne peut que s’auto-flageller à en mourir pour répondre à ceux qui sont tombés dans la maladie de l’autosatisfaction abusive. On doit absolument s’évaluer par rapport à ceux qui nous dépassent et non par rapport à ceux dont le PIB est en-dessous de nos immenses potentialités non exploitées à cause d’une politique de fuite en avant qui ne tient pas compte de tous les mauvais indicateurs. Des réformes concoctées à huis-clos et dont les contours sont circonscrits dès le départ, ne nous mèneront nulle part qu’à l’échec avéré.

Ce rapport de 1 pour 15 est d’autant plus accentué lorsqu’on passe du nombre étudiants pour 1 enseignant de rang magistral. Dans certaines spécialités, ce chiffre fluctue autour de 1 enseignant pour plus d’une centaine d’étudiants.

Vue syndicaliste et vue étroite

Lorsqu’un enseignant, de surcroit syndicaliste évoque ces bizarreries de notre enseignement, il est alors traité, par certains, de pourfendeur des droits des enseignants. Là où le bât blesse, c’est lorsque l’accusateur était il n’y a pas si longtemps aux commandes pendant presque une décennie et en prônant une politique de fermeture et de verrouillage de tous les espaces. Jamais au grand jamais, un tel débat n’a été provoqué lors de son règne avec la communauté universitaire. Comme par enchantement, on veut se refaire une santé maintenant et nouvelle une virginité en profitant de l’occasion offerte.

Au lieu de jouer un profil bas en se faisant un peu effacer. On veut revenir sensationnellement à la une en voulant forcer les portes ouvertes par l’indulgence. Lorsqu’on est invité, on doit d’abord respecter les autres invités de son successeur et non se comporter en donneur de leçons de moralité syndicale. Tu le fais expédier par la fenêtre, il tente de forcer les petites portes de l’antichambre pour revenir comme un mauvais cauchemar.

Certes, un syndicaliste doit défendre les droits sociaux-professionnels des enseignants mais également le service public qui les embauchent. Je dirais même que les intérêts de l’établissement passent avant tout. L’échec de ce dernier signifie la disparition des emplois dans une économie libre. La sauvegarde du service public est par conséquent suprême non seulement pour les enseignants mais autant pour toute la communauté universitaire.

Si on poursuit le raisonnement de cet illuminé, un syndicat doit aussi défendre un enseignant accusé de plagiat ou de harcèlement envers ses étudiants. Un syndicat qui se veut respectueux des droits ne doit absolument pas défendre la médiocrité. Il doit être soucieux, en premier lieu, du niveau de l’enseignement dispensé et de la bonne marche de l’institution. Par ailleurs, il doit également faire la différence entre ce qui est purement syndical de celui qui est académique et scientifique.

A-t-on vu un jour le syndicat revendiquer une place au sein d’un quelconque conseil scientifique fût-il celui d’un département ? N’est-il pas réel qu’un Maître Assistant ne peut être encadré en thèse de Doctorat que par un Professeur ou un Maître de Conférences de classe A quoiqu’ils soient des collègues ? Dans un système tubulaire, un enseignant entre avec le premier grade de Maître Assistant et sort de l’autre côté en grade de Professeur lorsqu’il dispose des moyens aux normes universelles. Ce n’est point diminuer le mérite des collègues qui ne sont pas encore de rang magistral mais la législation est distincte en ce sens. Au lieu de remettre en cause notre système qui a engendré ce blocage pendant des décennies, on préfère la facilité en s’attaquant aux gens qui défendent la qualité et revendiquer à tirer les enseignants vers le haut.

Par contre, un syndicat doit œuvrer pour permettre à tous les enseignants de progresser et non exercer les prérogatives de grades supérieurs mais rémunérés à leurs grades. Les tâches, tous grades confondus, sont clairement définies dans le statut particulier de l’enseignant chercheur auquel le syndicat a été partie prenante dans son élaboration. Maintenant si on veut parler du niveau intrinsèque et des compétences des uns et des autres, c’est une autre histoire dont il va falloir y revenir, un jour, plus longuement.

Références :
(1) http://www.elkhabar.com/ar/watan/258301.html
(2) http://www.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf
(3) http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=62:place-de-lecole-dans-le-cyberespace-algerien&catid=36:education&Itemid=76
(4) https://www.imo2011.nl/
(5) http://www.lemonde.fr/education/article/2011/06/26/en-2001-une-succession-de-couacs-et-de-fraudes-aux-examens_1541179_1473685.html#ens_id=1541181


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