mercredi 28 septembre 2011

Des idées et des stratégies

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 29 Septembre 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
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"A la source de toute connaissance, il y a une idée, une pensée, puis l'expérience vient confirmer l'idée" [Claude Bernard, Physiologiste français, 1813-1878]

Durant la première crise mondiale du pétrole de 1973, le chanteur populiste français Michel Sardou avait suscité l’émoi en produisant une chanson qui allait provoquer un tabac dans son pays durant des mois. Les échos de cette mélodie patriotique avait aussi fait le tour dans les pays qui saisissaient la langue de Voltaire. On se lassait d’écouter ce tube qui passait à longueur de journées dans les radios françaises que tous les algériens captaient sur les fréquences des grandes ondes comme Europe 1, France Inter, RTL ou RMC. C’était la génération de Clo-Clo et ses Claudettes, de Dalida, de Gérard Lenormand, de Mike Brandt, de Salvatore Adamo, de Joe Dassin, du duo Sheila et Ringo, de Jacques Brel et tant d’autres que le magazine « Salut Les Copains », dont tous les jeunes adolescents en raffolaient à cette époque, faisait l’éloge dans ses unes hebdomadaires de toutes ces stars qui exerçaient une puissante attraction musicale et de mode sur la jeunesse des années 60 et 70.

Sardou, les Beatles et les Sailors

La chanson de Sardou nous avait fait surgir alors de notre profond réveil après avoir été très longtemps bernés par des interprètes de sa trempe au cours de notre jouvence. Les groupes musicaux du pays qui se formaient étaient pratiquement tous influencés par la mélodie française et par la suite avec l’éclosion du groupe britannique des Beatles, la chanson anglaise allait prendre également une place de choix dans le cœur des jeunes qui ne maitrisaient pourtant par assez la langue de Shakespeare. A tel point que dans ma ville d’enfance, le groupe musical qui devait s’appeler le groupe des marins, s’est baptisé naturellement en groupe des « Sailors ».

Avec la chanson populiste de Sardou, on venait de découvrir brusquement que l’on nous offensait à travers cette chansonnette que l’on répétait presque naïvement comme celles d’avant sans saisir sa véritable portée. Au début des années soixante, on le savait déjà mais on feintait de ne pas le savoir qu’un chanteur célèbre disait qu’il ne pourrait en aucun cas salir sa chemise pour un arabe ! Déjà, on commençait à se demander à quel bord culturel sommes-nous entrain de suivre aveuglément ? On ne faisait pas la différence entre les sentiments et la logique des choses.

C’est là que notre éveil commençait à prendre forme envers ces chanteurs qui ignoraient notre existence et qui ne nous portaient point dans leur cœur contrairement à nous, perdus dans notre innocente enfance. En ces temps, on ne parlait pas encore du choc des civilisations mais on était en plein conflit culturel. C’est comme si on nous signifiait que leurs chansons n’étaient adressées qu’exclusivement à leurs compatriotes. L’universalité culturelle perdait ainsi toute sa raison d’être. Nos sensations leur importaient très peu. Ils s’en foutaient de nos émotions, l’essentiel était de satisfaire l’égo des leurs.

Nous avons le pétrole et c’est tout !

Michel Sardou dans sa chanson qui datait de 1979 avait pour titre « Ils ont le pétrole mais c’est tout ». Tout un programme ! L’intitulé sonnait comme une gifle sur nos joues juvéniles. Ceux qui lui vouaient une immense estime ont vite déchiré ses albums cadeaux des numéros de Salut Les Copains. Ses posters couleurs qui ornaient les différents salons de coiffure, les magasins de vêtements et d’autres lieux commerçants ont été subitement arrachés des murs où ils étaient collés depuis les premiers succès de leur désormais ex-idole. Les perceptions patriotiques étaient plus fortes que les effets musicaux. L’orgueil passait avant tout. Pourtant, l’Algérie venait à peine d’être indépendante et sa jeunesse avide de connaissances et d’autres horizons avait déjà tourné la page du colonialisme, sans l’effacer, en désirant simplement vivre sa vie.

Même à Enrico Macias, une fois le pays libéré du joug colonialiste, on avait dissimulé ses frasques et ses sorties pour son choix de l’Algérie Française. Nous avons été assoupis pas les airs méditerranéens de ses berceuses qui nous caressaient dans le sens du poil et les larmes qui jaillissaient à flots. Ce n’est qu’après qu’il eut dépassé ses limites en vouant un amour sans aucune vergogne pour ses penchants sionistes qu’il a été rejeté par la majorité des citoyens. Ils ne voulaient pas mélanger la culture avec la politique mais Macias, quoiqu’un de ses chants semble prôner le contraire, avait privilégié de manière indéniable le choix unilatéral de défendre uniquement les enfants d’Israël au détriment des enfants arabes via les petits de Ghaza.

Revenons au chanteur Sardou qui fredonnait dans un des ses refrains de sa chanson citée plus haut: « Ils ont le pétrole, Mais ils n'ont que ça. … On a les cailloux. On a les bijoux. On a les binious. Ils ont les dollars, Et c'est bien. On a les mannequins, Les grands magasins, Le paradis latin. Ils ont les barils, on a les bidons, Mais pour boire où vont-ils ? Chez Dom Pérignon. Parce qu'ils ont le pétrole, Mais ils n'ont pas d'eau. … Que des sables chauds, Pétrole on the rocks, ça ne désaltère pas, Evian sort des Alpes, pas du Sahara. Ils ont le pétrole, pour trente ans. On a du vin blanc, des blés dans les champs, pour au moins mille ans. On a des idées, … Quand ton puits sera sec, plus de jus dans le citron, plus personne à La Mecque. … Quand ton puits sera sec, viens à la maison. On boira cul-sec, en vieux compagnons ».

Ils ont des idées et c’est suffisant !

Sardou n’était pas à sa première sortie politique en dehors des planches. La parution de son tuyau en 1976 : «Le temps des colonies et surtout, je suis pour» avait soulevé l’indignation parmi ses pourfendeurs mais a suscité un engouement particulier au sein de ses supporteurs de la France profonde comme il le sentait en perpétrant l’apologie du colonialisme. Sardou s’était donc déjà distingué bien avant de ce qu’on appelle aujourd’hui la colonisation positive avec : « Moi monsieur j'ai fait la colo, Dakar, Conakry, Bamako. Moi monsieur, j'ai eu la belle vie, Au temps béni des colonies. Les guerriers m'appelaient Grand Chef. Au temps glorieux de l'A.O.F. J'avais des ficelles au képi, Au temps béni des colonies. On pense encore à toi, oh Bwana. Dis-nous ce que t'as pas, on en a. Pour moi monsieur, rien n'égalait Les tirailleurs Sénégalais Qui mouraient tous pour la patrie, Au temps béni des colonies. Autrefois à Colomb-Béchar, J'avais plein de serviteurs noirs et quatre filles dans mon lit, au temps béni des colonies. Y a pas de café, pas de coton, pas d'essence, en France, mais des idées, ça on en a, nous, on pense. . Moi monsieur j'ai tué des panthères, A Tombouctou sur le Niger, Et des Hypos dans l'Oubangui, Au temps béni des colonies. Entre le gin et le tennis, Les réceptions et le pastis, On se serait cru au paradis, Au temps béni des colonies».

Sardou se voyait comme le chantre de la chanson populiste de la majorité silencieuse. Il était l’un des précurseurs de l’extrême droite bien avant les percées électorales du front national d’aujourd’hui. Il faut aussi remarquer qu’il évoquait les idées de la France dans ces deux chansons. Sans ces idées, les français n’auraient jamais atteint ce développement et ce déploiement hors de leurs frontières. Et c’est ce qui nous fait le plus défaut à l’heure actuelle chez nous où les compétences sont marginalisées ou écartées au profit de rentiers captifs dont la réflexion ne dépasse guère les limites de leurs tubes digestifs.

Nous importons, etc. et c’est normal !

Lorsqu’on regarde de plus près les paroles de ces chansons qui datent d’une quarantaine d’années, on ne peut que se mordre les doigts et se prendre à nous-mêmes car on continue toujours à subvenir totalement nos besoins par ce pétrole qui est, si on réfléchit un tout petit peu, la source de tous nos déboires au lieu d’être une source supplémentaire des revenus du pays. C’est comme si on a hérité d’un cadeau empoisonné qui nous dévie complètement du chemin de la création d’idées et de stratégies. Pire encore, notre dépendance vis-à-vis de cette ressource souterraine s’est accrue de manière inadmissible ces dernières années.

Comme le rapporte le site TSA en ce dimanche 25 septembre 2011, le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis), cité par l’APS, chiffre à 31,17 milliards de dollars les importations algériennes, durant les 8 premiers mois de l’année 2011, soit en hausse de 18,34% par rapport au précédent échéancier. A ce rythme, on va battre un nouveau record avec une estimation évaluée à 47 milliards à la fin de l’année. Où va-ton avec cette politique qui ne recherche qu’à colmater les brèches sans se soucier guère à entamer des réformes profondes pour mettre en marche la machine rouillée ? Pire encore, ces importations sont possibles que grâce à l’exportation des hydrocarbures. Sans cet or noir, on devait crever la dalle. L’imminence de la fin du pétrole c’est dans quelques temps. Cela fait plus de 4 décennies que l’on est entrain d’évoquer cette catastrophe mais on ne bouge pas le petit doigt pour formater et réformer notre politique tous domaines confondus. Est-il normal que notre pays importe en raflant une très grande part de la production mondiale des céréales pour un pays qui représente à peine 0,5% de la population de la planète et dont la surface est de 1,6% de la superficie mondiale pour un ratio de 16 habitants au kilomètre carré et en sus une hausse de 59% de la facture alimentaire au premier semestre 2011 avec 4,83 milliards de dollars contre 3,02 pour la même période de l’année écoulée ?

Il suffit que les cours du brut subissent une légère secousse vers la baisse pour que les économistes du pays commencent à craindre le pire et d’envisager à serrer la ceinture comme cela s’est passé de 1986 jusqu’à la fin des années 90. Les leçons ne sont nullement retenues, on reprendre la même politique et on recommence. On n’est point à l’abri de nouveaux chocs pétroliers par le tarissement des puits. Actuellement, nous vivons une embellie financière qui est loin d’être le reflet de la santé de nos finances ni les conséquences de politiques économiques judicieuses. C’est un peu comme la planche à billets. C’est aussi un gaspillage de nos ressources qui ne seront plus renouvelables. L’avenir du pays et des prochaines générations sont pleinement hypothéqués.

En panne d’idées

Est-ce qu’un quelconque politicien peut nous prédire de ce qu’il en sera du futur de l’Algérie dans une cinquantaine d’années comme ceux de 1962 ne l’avaient jamais ainsi envisagé ? Justement, ce sont les idées dont on nous a outragé outre-mer qui nous font défaut. Ce n’est pas la peine de se mettre en colère ni de vociférer. On ne peut s’essuyer nos mains sur la chemise de Michel ou Johnny mais s’en vouloir à nous-mêmes qui nous n’avons pas mis au point des stratégies à longs termes et des politiques pragmatiques éloignées de toute idéologie imposée pour faire plaisir aux chefs du moment.

Durant très longtemps, on nous a enivrés par l’option socialiste et irréversible pour le pays. On nous ressassait que la révolution agraire était un choix irrévocable jusqu’à ce que nous nous sommes cognés contre un mur. Les algériens n’ont jamais compris dans leur tête ce retournement de veste qui prouve bien que les successeurs n’avaient jamais cru à cette option. Ils sont devenus par la suite adeptes du libéralisme sauvage où c’est l’informel qui définit les contours de l’économie du pays.

Voilà où nous en sommes actuellement: pieds au mur. Ou bien on doit engager de profonds changements politiques concrets sur le terrain selon la gravité de la situation du pays ou alors, nous sommes condamnés à céder la place à ceux qui ont l’inquiétude de voir ce pays sombrer dans la médiocrité et la dégringolade. Ils en existent des compétences algériennes. Il faut se donner les moyens de les rassembler pour nous proposer les solutions aux innombrables problèmes du pays en acceptant toutes les vérités, rien que la vérité dans l’objectif de rechercher les moyens utiles et les itinéraires adéquats afin de rattraper le retard qui ralentit le pays dans les domaines qu’il n’est point de les rappeler tous à force d’être nombreux et complexes. Il suffit que la volonté politique existe en mettant l’amour du pays au dessus de toutes les considérations.

L’essentiel est de sortir indemne de cette crise qui secoue les pays arabes. Il faut une révolution intelligente et pacifique, pas celles des armes comme les ennemis de ce pays et les nostalgiques du chaos et du néo-colonialisme se font un plaisir certain de la voir rallumer pour prendre leur revanche sur l’histoire. On n’est pas là entrain de créer un ennemi virtuel de la main étrangère mais certains indices et déclarations de quelques politiciens en aparté font craindre le pire comme celle du président français qui d’après certains journaux avait annoncé au président du CNT libyen que la révolution atteindrait l’Algérie dans moins de 3 années. Si on regarde les ingrédients sur le terrain, on ne peut juger le contraire.

Si sa prédiction se révélerait, cela signifierait que c’est eux les stratèges de notre éventuelle évolution. C’est eux qui décideraient de notre action et de notre futur et c’est eux qui nous mèneraient droit sur un bateau. A nous de contraindre leurs pensées en étant plus lucides et en ne tombant pas dans le panneau en adoptant des politiques qui ne nous dirigeront pas jusqu’à notre autodestruction. Nous pouvons que s’en prendre à nous-mêmes, à s’auto-flageller jusqu’à ce que nous prenions conscience du désastre dans lequel on s’est fait enchaîner. Par notre fuite en avant, ce sont nous qui avons créé ces occasions d’ingérence dans nos affaires internes. Si nous resterons en l’état actuel, nous risquons de gager notre indépendance à l’identique du voisin libyen, à nous de créer notre liberté de penser, d’entreprendre, de réfléchir et de travailler uniquement pour les intérêts du pays.

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mercredi 21 septembre 2011

Recep Tayyip Erdogan, héros des arabes

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 22 Septembre 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
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Les algériens dans leur ensemble connaissaient la Turquie grâce notamment au célèbre feuilleton télévisé qui a pour héros Mohannad pour avoir fasciné, durant des mois, toutes les chaumières des pays arabes. Ils sont actuellement en passe de suivre ces temps-ci les envolées ardentes de l’héros de ce papier, en l’occurrence le premier ministre de l’ex-empire Ottoman, Recep Tayyip Erdogan.

En effet, depuis le début des révolutions arabes, la Turquie par l’intermédiaire de son leader politique est devenue omniprésente dans cette crise du monde arabe contrairement à la totalité de ses dirigeants qui se sont murés dans un silence profond, voire dans une hibernation totale en attendant le passage de la tempête pour espérer sortir sains et saufs du tsunami qui a déjà emporté trois pays et non des moindres. Tous les gouvernants arabes faisaient presque le mort en faisant la mine de ne pas être concernés, chacun de par ses distinctes spécificités, par ce qui se passe chez les voisins. De plus, les visites inter-arabes se font très rares depuis le début du printemps arabe au grand dam de la charte de la ligue arabe. A cause de leurs politiques intérieures désastreuses, ils sont tétanisés par ces soulèvements qu’ils n’ont jamais envisagés dans leur imaginaire mais lorsque les peuples se réveillent, on ne peut rien y faire contre leur volonté sauf à se soumettre à l’écriture de l’histoire.

Donc, la Turquie a démontré au cours de ces dernières années de façon magistrale sa force et prouvé ses capacités à jouer un rôle d’avant-garde au sien des affaires arabes considérablement mieux que les concernés eux-mêmes. Pratiquement, tous les peuples arabes la regardent avec une admiration pleine les yeux, éprouvant une grande fierté qui nous fait tant rêver. Elle est devenue incontournable par ses incessantes actions et par ses intenses activités diplomatiques que ce soient par ses déclarations ou par les opérations de ses dirigeants sur le terrain.

Si Erdogan peut s’exprimer clairement notamment sur la question palestinienne et de ses relations israéliennes héritées depuis les politiques précédentes, ainsi que sur le bouleversement arabe, c’est un signe très significatif de la crédibilité qu’il puise de sa légitimité populaire. Si la Turquie a retrouvé cette verve, c’est tout simplement grâce à la conformité que tirent ses gouvernants des urnes électorales tout en sachant que la majorité qui les a élus est tenue disciplinée derrière ses responsables car ils émanent de ses seules aspirations. Ils ne font qu’exprimer leurs désirs et leurs souhaits selon les programmes adoptés. Lorsque les citoyens, par le biais de concrètes élections, sont acquis à la cause de ceux dont ils leur font confiance, leurs leaders ne peuvent qu’être fermes intérieurement solides devant les partenaires internationaux.

Cette Turquie n’est pas uniquement une force politique mais également un modèle économique, scientifique et culturel qui dépasse de loin tous les pays arabes réunis et dont c’est la cause essentielle du refus de son entrée par les pays majeurs dans l’Union Européenne.

Les sentiments forts qui commencent à lier les arabes à Erdogan datent depuis quelques années. Nous n’allons pas citer ici tous les événements mais seulement quelques haltes importantes depuis que nous avons commencé à connaitre les principes de l’homme que lui vouent les peuples arabes une reconnaissance à tous points de vue grâce à ses positions qui font honneur à la fonction qu’il occupe depuis 2003 dans son pays. Il est à son troisième mandat et ce n’est pas encore fini. Lorsqu’il a pris les rênes du pouvoir à Ankara, on était loin de douter qu’il sera l’homme qui va gouverner le plus longtemps après le fondateur de la Turquie contemporaine Kemal Mustapha Atatürk en réussissant à allier l’islam à la modernité et à la laïcité par son intelligence et son pragmatisme.

Pourtant, personne dans le monde ne donnait chère à sa peau en posant l’économie de son pays sur de bons rails (17ème puissance économique mondiale) avec un taux de croissance en 2010 de 9% dans le groupe du G20 auquel il fait partie après s’il vous plait celui du géant chinois ! Rappelons que le G20 qui regroupe en son sein 19 pays dont le BRICS et le G8 en plus des autres pays de l’Union Européenne, représente 85 % du commerce mondial pour les deux tiers de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde) comme le note Wikipédia.

Erdogan a aussi ramené le calme et la paix et a largement sorti son pays des turbulences qui ont caractérisé durant des années. Bien sûr que nul n’est parfait et complètement à l’abri et que tout n’est pas rose dans son pays où il doit s’attaquer à d’énormes problèmes comme la plupart des pays à travers le monde.

Les obstacles intérieurs à son pays ne l’ont pas empêché de briller sur le plan extérieur. C’est justement à travers ses prises de positions courageuses que nous avons appris à connaître cet homme et que le peuple arabe l’a déjà plébiscité par son aura.

Tout a commencé à Davos en Suisse au cours du forum économique international organisé annuellement. Cela s’est passé en fin janvier 2009, ce jour-là, au cours d’un débat en présence du président israélien Shimon Peres et du Secrétaire Général de la ligue arabe de l’époque, Amr Moussa, il fut interrompu après 12 minutes d’intervention et empêché de continuer son intervention par le modérateur, le dénommé Iganatus David, après un plaidoyer du président israélien Shimon Peres qui avait duré plus que le double de son temps.

Telle une tête de turc, Erdogan avait brusquement quitté la session après avoir dit hautement à son interlocuteur du jour : « est ce que les palestiniens possèdent les mêmes armes qu’Israël, dont celles de destruction massive ? Bien sûr que non ! Les israéliens ont bombardé l’UNRWA, les écoles et les mosquées ». En revenant le lendemain dans son pays, il était accueilli par une immense foule comme un véritable héros de la cause palestinienne. Tandis le désolant Amr Moussa qui devait être très ferme sur la défense de Ghaza, était resté fixé sur son fauteuil car ne disposant pas de la liberté nécessaire et de la légitimité dont jouit Erdogan.

La seconde halte de notre héros s’est déroulée le 31 mai 2010 lorsque la flottille pour Gaza, alors constituée de bateaux de militants pro-palestiniens, tentait de casser le blocus de la bande de Gaza et qui a été attaquée par une opération Commandos de l'armée israélienne. L'intervention militaire contre la flottille « Free Ghaza », comprenant huit cargos et transportant près de 700 passagers, de l’aide humanitaire et des matériaux de construction destinés à la population de la bande de Ghaza, avait fait 9 tués parmi les humanitaires turcs. Cette action qui avait été largement condamnée par la communauté internationale, avait ramené la Turquie à prendre des mesures de rétorsion à la hauteur des évènements en expulsant l'ambassadeur israélien, en suspendant les accords militaires. Le 2 septembre 2011, l'ONU, sous les ordres des puissants, rend public le rapport de sa commission d'enquête en légalisant le blocus maritime par Israël qui était donc justifié à intercepter la flottille ainsi qu'à faire usage de la force à des fins de « légitime défense ». C’est la goutte qui a fait déborder le vase chez Erdogan qui estime toujours le blocus comme illégal en portant le conflit devant la cour internationale de justice. Dans cette affaire qui n’a pas encore connu son dénouement politique, on remarque l’obstination de la Turquie, à travers Erdogan, à aller jusqu’au bout de ses principes.

La troisième étape est l’aide fournie à la Somalie, qui pour ceux qui l’ignorent encore, fait parti, eh oui ! de la ligue arabe en tant que membre à part entière. Afin de récolter des fonds pour venir en aide aux somaliens, la Turquie avait accueilli, au cours du mois d’août dernier, une réunion de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI). Quoique les besoins exprimés sont estimés de l’ordre 2,4 milliards de dollars, la conférence n’avait misé que sur 500 millions de dollars. Au final, sur les 350 millions promis par les 57 pays membres, la Turquie a fait un effort très honnête de 150 millions.

Erdogan ne n’est pas contenté non seulement de mettre la main aux poches de son pays mais il s’est aussi déplacé en plein mois du Ramadhan dans la capitale somalienne, le vendredi 19 août 2011, accompagné de sa femme et de sa fille, du ministre des Affaires étrangères et de ses proches, du vice-Premier ministre, de la ministre de la famille, du ministre de la santé et du vice-président du parti au pouvoir en venant apporter sur le terrain son soutien moral et humanitaire à la population déshéritée. Il faut noter que ce pauvre pays arabe n’a pas reçu une seule visite d’un dirigeant non africain depuis au moins deux décennies. Erdogan avait promis de rouvrir son ambassade à Mogadiscio le plus tôt possible alors qu’elle ce malheureux pays ne dispose que de 5 représentations diplomatiques, tous du continent africain. Ce mouvement toutes azimuts montrent bien la stratégie, la grandeur et les ambitions de cette Turquie qui commence à fasciner les peuples arabes en particulier et le monde en général.

La dernière étape d’Erdogan est celle des révolutions arabes qui ont commencé à bouleverser le monde arabe depuis le 19 décembre 2010. La Turquie, en tant que nation qui commence à retrouver son poids tant sur le plan politique et géostratégique et aussi historique, est en train de jouer un grand rôle dans ce qui se passe dans la zone qu’elle veut être sous son influence.

La course-poursuite que s’est livré Erdogan avec le tandem Sarko-Cameroun la semaine dernière en Libye ainsi que son périple triomphal à travers les 2 pays arabes qui ont connu des changements notoires ces derniers mois, en sont un indice très palpable pour la Turquie de ne pas rester figé par ce qui se dissémine dans le pourtour méditerranéen notamment dans la rive sud où elle possède d’énormes atouts par rapport à l’occident pour étendre de manière sensible ses différentes coopérations avec les pays de son environnement.

Recep Tayyip Erdogan a été accueilli comme un prodige dans l’Égypte post-révolutionnaire où il a prononcé un discours très applaudi dans l’enceinte de la ligue arabe. A tel point que le magasine français titrait en ce 13 septembre 2011 «Que peut espérer la Turquie au sein du monde arabe ? » en quelque sorte « il est venu chercher quoi celui-là ? Ou encore, il ne nous lâche pas là où nous fourrons notre nez, il est toujours présent ! ». On constate fort bien qu’il dérange très certainement les desseins de l’occident qui veut s’accaparer des richesses des pays arabes et profiter que dans un sens unilatéral à l’heure où la Grèce, l’Espagne, l’Irlande et l’Italie pour ne citer que ceux-là sont en train de vivre une crise économique et financière sans précédent.

Les jours à venir vont encore nous dévoiler la face cachée de l’occident qui à défaut de porter l’aide nécessaire et la technologie adéquate aux pays sous-développés, continuent ses occultes exploitations car les pays du sud n’ont pas encore entamé toutes leurs ressources naturelles.

A l’heure actuelle et à cause de nos politiques épouvantables, nous sommes dans l’incapacité de se défendre devant ces nouveaux colons tant que les peuples arabes ne sont pas encore libérés politiquement, intellectuellement, scientifiquement et culturellement. A défaut de les copier, on se contente d’apprécier ces pays qui émergent tels que la Turquie et d’autres. Ces derniers jouent actuellement le rôle qui devait en principe nous revenir et semblent être un garde-fou pour les néo-colonisateurs mais ne nous trompons pas, on ne peut être défendu que par soi-même lorsque les conditions de l’émancipation et du développement seront concrètes.

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mercredi 14 septembre 2011

Soyons maîtres de notre destin (Des changements sans casse)

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Jeudi 15 Septembre 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
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En ces temps-ci avec la prise de la capitale Tripoli par les insurgés libyens, la pression s’est accentuée sur notre pays où tous les yeux se sont braqués soudainement sur nous comme étant le domino suivant et comme si c’était notre tour d’y passer d’après le logiciel programmé. Selon certains médias, elle est devenue terrible, cette pression, au point qu’un conseil des ministres s’est tenu en deux jours où on discutait des projets de réformes essentielles annoncées et non des moindres à savoir l’ouverture du champ audiovisuel, les lois sur les partis politiques et les associations.

En même temps sur Internet, beaucoup de groupes sur Facebook se sont créés subitement pour faire avorter toute probable révolte dans le pays et appeler les citoyens à ne pas tomber dans le piège tendu par l’OTAN, BHL and Co. La conscience des algériens est de mise, je dirais même de rigueur. Je ne pense que des algériens dans leur totale majorité puissent songer un instant à faire du mal à leur pays et le voir tomber dans le chaos. L’expérience des deux terribles décennies amène encore plus les algériens à se tenir vigilants pour toute exploitation étrangère.

L’amour du pays est une chose très intense à vivre. Ce qu’on ne peut tolérer dans la toile, c’est de voir certains prétendre adorer leur pays beaucoup plus que d’autres. C’est comme si ils ont une reçu une dérogation spéciale du peuple à parler à sa place. Dans une démocratique qui se respecte, le peuple ne peut donner ses choix et sa délégation de signature qu’à travers des urnes propres et transparentes.

On continue de demeurer dans un autre espace mais paradoxalement on revendique à passer vers une autre dimension. Ce sont ces stigmatismes dont on ne veut s’en séparer et qui font le plus de mal au pays en aveuglant les gouvernants à discerner entre le bon et le mauvais. Les citoyens de ce pays aspirent tous ensemble d’une transition pacifique sans aucune violence vers une nouvelle légitimité. Les pouvoirs publics doivent être conscients de cet état d’esprit formidable des citoyens mais ils ne doivent pas le comprendre comme un appui ou un chèque à blanc à la politique régnante. On doit faire la part des choses entre le pays où le drapeau est une constante et l’alternance aux responsabilités.

Tout le monde veut du changement mais sans la casse. La responsabilité incombe à tous de réussir cet examen de passage pour le pays. Ne pas avoir de tangibles intentions, nous ramènerait fatalement vers le point zéro. Les ingrédients des émeutes sont toujours présents au sein de la société. La suite des évènements nous prouveront si les faits remplaceraient les paroles. Pour le moment, ce ne sont que des écrits. L’histoire saurait être généreuse pour ceux qui veulent la marquer d’une pierre blanche.

Il ne faut tomber non plus dans le panneau et resté sans mouvement comme nous le sommes, ces derniers mois, tétanisés par ce qui arrive aux voisins, figés dans la politique actuelle et le système pérennisé en mode de gouvernance. Nous voulons une nouvelle mentalité où chaque citoyen aurait tous ses droits et rendrait compte pleinement de ses devoirs envers ce pays. Où l’administration serait neutre et totalement responsable et équitable devant tous les administrés. Où le piston ne doit pas être le critère dans le choix du recrutement aux postes. Où l’école ne soit point une crèche en formant des analphabètes presque illettrés comme l’ont décrite différentes analyses.

Où la démagogie ferait place à la science et au concret. Où l’université serait un moteur pour ce pays et non une charrue à traîner et qui serait un lourd fardeau à transporter. Où les responsables seraient nommés selon leur compétences et non par clientélisme et sur l’allégeance aux chefs du moment, et pourquoi ces responsables ne seraient-ils élus sur des programmes auxquels ils rendraient compte devant leurs électeurs une fois leur mandat épuisé.

Où le sens d’un élu du peuple aurait tout son effet et ne voterait pas les textes à l’aveuglette à mains levés sans avoir pris la peine de les lire, de les étudier, de les enrichir et de proposer le mieux. Où le gaspillage et l’argent jeté par les fenêtres ne seraient pas un mode emploi par faute d’imagination et d’idées rénovatrices et productives. Où le débat contradictoire et responsable trouverait sa vraie place au sein des médias lourds et de la société. Où la langue de bois disparaitrait à jamais de notre vocabulaire navrant.

Où le messie attendu ne serait qu’un leurre supplémentaire et une illusion de plus au détriment de l‘authentique perceptible. Où le travail, de 8 heures du matin à 17 heures l’après-midi, tourne à pleines cadences. Où les sens civique et citoyen trouveraient toutes leurs vives couleurs. Où l’Algérien retrouverait la joie de vivre et serait heureux de se sentir bien à l’aise chez lui. Où nos rues seraient propres et la sécurité des citoyens s’y baladant serait assurée. Où la Harga serait bannie à jamais du langage de nos jeunes déboussolés. Où notre jeunesse s’émanciperait de jour en jour sans qu’elle se referme dans des schémas murés.

Où l’espoir de voir naître une Algérie prospère, ambitieuse et intelligente, serait plus fort que jamais. Où la rente pétrolière ne serait pas notre seul revenu en ameutant tous les opportunistes inassouvis. Où les ressources humaines seraient exploitées et récompensées à leur juste valeur. Où le responsable exercerait toutes ces prérogatives sans qu’il ne lui soit ôtés aucun des ces atouts. Où notre économie, grâce au sourire retrouvé des algériens et aux compétents aux commandes, serait relancée.

Où les algériens retrouveraient la confiance en leurs gouvernants élus par leur seule volonté. Où le parlement jouerait activement son rôle de pourvoir ce pays en lois et textes selon l’inspiration de leurs électeurs et non sur commande. Où ils puissent jouir de juger et défaire n’importe quel écart commis sur la souveraineté de la nation. Où nos gouvernants ne soient pas sous l’emprise de l’extérieur qui doute de leur légitimité. Et où nous voulons que les responsables politiques écoutent avant tout leurs citoyens qui leur traceraient la voie à suivre comme le font les peuples européens et américains. Nous voulons tout simplement une Algérie libre et renforçant son indépendante au vrai sens des mots.

Le monde change et plus grave encore notre entourage immédiat bouge énergiquement. Si nous restons dans l’actuel des choses, nous serons balayés comme tant d’autres l’ont été dans l‘histoire ancienne ou contemporaine en mal-jugeant le terrain. Personne ne peut souhaiter ce qui se déroule en Syrie. Lorsque survient la vague de la mutation, il faut s’adapter aux nouvelles données. Nous ne résidons pas seuls sur un continent. Mais nous voulons être maîtres de notre propre destin en livrant le pouvoir à ce peuple comme nous le dicte la constitution. On sait ce qu’il est advenu de l’Irak et nous ne souhaitons guère le même sort à nos frères libyens.

Voilà le message à délivrer en ces moments cruciaux où toute erreur d’appréciation se paierait cash dans le marché des enchères de l’OTAN. Il faut y aller en toute lucidité et en toute clarté en prenant le peuple, récupérant souverainement tous ses droits, comme étant le seul barrage et sa seule immunité contre toute tentative déstabilisatrice.

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dimanche 4 septembre 2011

Salut les artistes de la rue !

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Article paru sur le Quotidien d'Oran du Lundi 5 Septembre 2011 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: http://fr.calameo.com/read/000370446e480dfdd7dc6
- en format pdf zippé: http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/05092011.zip
- en format html: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5157359
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Il y a deux années à peine, l’actuel chouchou des humoristes algériens Abdelkader Secteur était une inconnue du grand public. En un peu de temps, grâce au bouche à oreille d’abord et ensuite par l’intermédiaire du site internet de Youtube, il est en passe aujourd’hui de réussir une grande carrière notamment après avoir été parrainé par l’artiste franco-marocain Djamel Debbouze qui a trouvé en lui que du talent pur pour l’avoir sponsorisé auprès du monde artistique d’outre-mer. C’est un véritable exploit pour celui qui n’a connu aucune académie artistique mais simplement de l’expression de la rue comme des milliers de ses semblables, le voici maintenant en haut de l’affiche à condition que la créativité ne se tarit pas et qu’il ne s’éloigne point de son originalité. Il fait partie de ces innombrables légendes anonymes du rire dont dissimule notre société et qui s’inspirent des entrailles de ses sources.

Abdelkader, toujours en haut de l’affiche

Actuellement, Abdelkader fait un tabac partout où il se produit. Après avoir conquis le large public de la communauté magrébine vivante en Europe où il évolue dans un langage en arabe dialectal mixé aux expressions françaises comme on en parle tout le temps dans nos quartiers, le voilà qu’il enchaîne les tournées dans le pays où il est réclamé de partout. La demande est tellement trop forte qu’il n’arrive pas à satisfaire toutes les sollicitations. Ses fans sont totalement relâchés et tous acquis dès qu’il lâche les premiers mots pour chauffer la galerie. Ils ne veulent absolument rater aucun tic ni l’infime geste de celui qui les fait transcender dans une autre dimension.

Son dernier passage dans la ville de Mostaganem en ce 23ème jour du mois du Ramadhan a ameuté la grande foule. La salle où il s’est produit s’est avérée trop exigüe pour contenir tous les fans qui ont voulu découvrir en chair et en os la nouvelle étoile montante de l’humour. Devant un tel engouement, les organisateurs avaient même évoqué l’idée de le faire évoluer dans un stade ! Mais il fallait toute une autre organisation de la scène du spectacle.

Si l’on regarde de plus près son style, on peut facilement constater que des spécificités du type « Abdelkader Secteur » pullulent dans tout le terroir du pays, chacune dans le style particulier de sa région. Lorsqu’on regarde jouer le natif de Ghazaouet, on a l’impression d’avoir vu quelque part ces phénomènes de son espèce. Ils flânent tous les jours les ruelles de nos villes et villages. Ils sont très nombreux mais ce sont les carences de la prospection de cette richesse artistique qui font obstacles à leur émergence. Ce n’est que la chance comme celle d’une coïncidente rencontre avec Debbouze qui peut les exhumer aux feux de l’actualité. L’Algérie pourrait en forger des centaines d’artistes qui animent la rue dans toute son étendue.

Ah ! Ces artistes anonymes de rues


Ils te décortiquent la société comme personne ne peut le faire et la scrutent avec des yeux singuliers. Ils constituent son âme profonde et régulent son pouls à souhait. Une petite plaisanterie lancée de leurs critiques gosiers peut rapidement détendre l’atmosphère et faire baisser le thermomètre. Ils analysent la société dans laquelle ils vivent plus que n’importe quel sociologue car ils respirent sa joie, ses malheurs et ses problèmes. Ils sont le baromètre naturel et la température adéquate de leur espace.

Ils enchaînent les numéros à la cadence des changements de leur environnement. Ils ont toujours quelque chose à converser, à exprimer et à créer. Dès qu’ils sont lancés dans leur tableau, tu n’as plus envie de les arrêter. Attention à celui qui veut les défier, ses plus petits défauts sont immédiatement étalés sur la place publique avec une étonnante description de tous ses mimes. Les pitreries vont pleuvoir sur votre tête sans aucune pitié. Ils assomment de leurs facéties, je dirais volontiers, de leurs heureuses victimes.

Ils monopolisent sans arrêt la parole mais les farces sont légions. Ils ne te laissent point de répit par la vitesse incroyable de leurs bouffonneries. Ils sont façonnés de cette manière, ils ne savent pas évoluer dans un registre antipathique. Ils ne répandent que le bonheur de vivre quoique la majorité d’entre eux demeurent en dessous du seuil critique. Ils ne parlent que très rarement de leur vécu. Détrompez-vous, ils ne vont pas rester pensifs et dépressifs dans leur coin, ils ne peuvent résister de semer la gaieté et la bonne humeur. C’est le rôle inné qui leur est assigné par la collectivité.

On ne peut concevoir un instant leur manque à la société qui devient tout simplement infortunée. Ils sont capables de transformer un deuil en fête. Ils sentent la vie comme nous sentons ordinairement une fleur. Les artistes populaires de cette trempe sont à l’état cru. Ils possèdent un registre très varié connu essentiellement des intimes initiés. Il leur suffit d’une formation appropriée pour sortir de l’ombre et nous produire de fabuleux résultats. Les caractéristiques de ces artistes de rues, nullement de manière péjorative, ne se trouvent pas seulement que chez une catégorie de la société mais elles existent également chacune dans son style chez les vieux comme dans le milieu féminin.

Malgré la multitude de ces acteurs, il est très rare de voir quelqu’un tenter l’expérience du professionnalisme du fait de l’absence de circuits dévoués. Depuis Fellag, on n’en a pas assez vu sur les planches d’une salle. Si nous nous comparons par rapport à un pays comme la France où on voit arriver tous les ans au summum de la popularité de nouvelles recrues. Nous remarquons que ce terreau artistique n’est pas exploité à sa juste valeur pour une société qui s’extériorise dans la cité. Au Maroc, c’est à la célèbre place Djamâa El-Fna de Marrakech que ces aptitudes sont exposées dans ce théâtre à ciel ouvert, pourtant nous possédons exactement les mêmes ingrédients que nous voyions jadis pulluler le plus généralement dans nos souks et marchés.

Adda, Paka, Bountou, Abed et les autres

Adda Aliane est l’un de ces talents purs qui déambule dans la ville de Relizane. Dès que vous l’apercevez, un large sourire se dessine sur votre visage à force de se souvenir de ses blagues qui vous ont pliés de rire en deux ou trois morceaux depuis votre enfance. Il prend toujours la vie du bon côté, jamais de sa mauvaise face. Il véhicule cette sensation que lui seul sait l’opérer.

Si vous le mettez sur scène, il ne s’arrêtera pas de distraire les amis. Des One man show tous les jours en pleine nature au milieu de ses amis étalés en ronde autour de lui. Ce que vous appréciez chez ce bonhomme, c’est sa facilité de trouver le verbe et la juste expression pour chaque différente situation et aussi par la générosité dans ses actes. C’est cette authenticité de création qui vous fascine en lui. Vous ne manquiez rarement de nouveautés et à toutes les sauces. Ses répliques sont légendaires et foudroyantes pour le cœur à force de faire osciller les muscles de votre poitrine et conséquemment de votre ventre jusqu’à provoquer une terrible résonance lorsqu’on s’approche de sa fréquence optimale. Une overdose est à éviter. Attention quand-même aux cardiaques qui sont appelés à s’abstenir !

Il peut vous faire déclencher un fou-rire comme un tonnerre de l’intérieur vers l’extérieur et dont il serait difficile de le stopper. La seule façon d’en mettre fin est de s’éloigner de son centre de gravité. L’épicentre peut vous faire éjecter des larmes chaudes de vos pauvres paupières qui ne peuvent plus en supporter cette magnifique torture.

Le rire est un sensationnel guérisseur naturel de tous les maux et demeure une véritable thérapie du groupe comme l’ont déjà mentionné d’éminents spécialistes. Il vous extirpe toute la hantise et la déprime et vous faire oublier tous vos soucis et de vos déceptions du moment. Il véhicule aussi un message, c’est celui de la santé morale d’une société. Une société qui ne sourie pas est condamnée à la dépression. Une bouffée de rire à doses ajustées est plus que nécessaire telle une piqûre pour un malade. C’est un véritable remède et un antidote qui peuvent vous redonner un autre équilibre. Un sourire est une aumône envers ton frère comme le souligne notre prophète que le salut soit sur lui.

Notre cher Adda vous invente tous les jours un truc qui sort de l’ordinaire. Il en a toujours un petit tour dans son sac. Durant le mois sacré du Ramadhan, Adda achète pour ses révérés patients tous les jours une bouteille d’eau minérale fraîche à 30 DA pour remplir un vaporisateur. Tel un formidable guérisseur, il asperge les amis de cette eau bénigne là où il passe sur la place de la mairie et en n’oubliant pas ses habitués à son PC au café El-Feth. Il vous rafraichit le visage par ce mois sacré arrivé en ce mois d’août des grandes chaleurs. Ses fidèles clients en redemandent de ce rafraîchissement qui vous fait tenir encore pour un bon quart d’heure notamment par ces longues journées de carême. C’est une idée très originale et à moindres frais pour semer la bonté en plus d’une petite anecdote ou d’une sympathique boutade lancée pour vous faire encore secouer vos creux intestins en ce milieu de journée. Cette annonce du jour n’est qu’un prélude à la soirée tardive qu’il veillera avec ses amis jusqu’à l’heure du Shor où il sera toujours son indétrônable animateur.

Dommage que l’éclosion de ces artistes de rues n’a pas été portée sur les planches. Lorsque vous êtes stressés, n’hésitez pas à lui rendre visite, il vous ôte toute la pression qui vous surplombe le dos. Je connais l’ami Belkheir qui vient justement de France pour subir cette thérapie du rire. Un mois passé en sa compagnie et son réservoir est rempli à ras le bord, reparti à bloc après un séjour passé en sa présence. Il retournera chez lui les batteries rechargées pour une partie de l’année. A chaque fois qu’il en a besoin, un coup de téléphone lui suffit pour prendre sa bonne dose à distance et de repartir de plus belle vers sa destinée. Entre-temps, le répertoire de Adda s’est étoffé d’autres variations, Belkheir serait déphasé s’il couperait ses liens.

Bienheureux Adda, un toubib ambulant qui peut effacer toute trace du mauvais caractère de votre physionomie par un coup de sa baguette magique. A sa vue, vous êtes envoutés par un tel étalon qui vous transpose dans un autre espace. Il vous fait oublier toutes vos contrariétés et de toutes vos mésaventures d’une seule chronique. Il distribue ses dons et particulièrement aux amis qui savent les apprécier. Alors imaginez, tous ceux qui vivent dans son sillage tout au long de l’année. Ses compagnons de tous les jours sont gâtés par un tel accompagnement. Ils vivent l’enchantement total en prenant la vie que du bon côté. Ils voient toujours la vie avec la simplicité absolue, ils ne se la compliquent jamais. Si ces traitements thérapeutiques manquaient à une ville, elle croulerait certainement dans la tristesse. Un hommage spécial à ces sacrés artistes de la rue, un point particulier aux surdoués Adda, Paka, Bountou, Abed et j’en passe et une bonne continuation à la désormais vedette internationale de l’humour algérien l’infatigable Abdelkader Secteur !

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