vendredi 21 avril 2023

Entre le Galtier de Nice et celui de Paris

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Depuis le début du mois du Ramadhan de cette année 2023, il ne se passe pas un jour qu’on parle en France du mois sacré des musulmans dans le milieu du football de ce pays. D’abord cela avait commencé par la polémique suscitée par l’interdiction de la pause de quelques minutes dans les matchs pour permettre aux joueurs musulmans de rompre le jeûne avec un verre d’eau et de quelques dattes contrairement aux autres championnats comme celui de la prestigieuse première ligue anglaise. La banderole affichée : « un verre d’eau, des dattes, le cauchemar de la FFF » par les supporteurs de Paris Saint Germain a mis la France et sa presse mainstream dans de mauvais draps en sifflant hors-jeu le communiqué de la fédération française de foot, à coup sûr dictée par les instances politiques du pays de …la liberté et des droits de l’homme.

Et puis Antoine Kombouaré (l’entraineur du club de foot de Nantes évoluant en ligue 1 française) vient rajouter de l’huile sur le feu en écartant le néo-international joueur algérien Jaouen Hadjam et ce, en décidant que tout joueur qui persiste à jeûner les jours de matchs sera de facto éliminé et non convoqué. Plus tard, il revient sur sa décision à une semaine de la fin du mois du Ramadhan après que cela ait suscité une forte indignation en France et à l’étarnger. Peut-être aussi que le joueur se basant sur la fetwa du voyage, ait rompu de son propre gré le jeûne lors du dernier match joué hors des bases nantaises.

 Ensuite, c’est autour de l’équipe de foot Nice que la dernière semaine du mois du Ramadhan est animée dans les médias et réseaux sociaux. Notons que Nice est la ville du maire de droite Christian Estrosi qui a toujours surfé avec l’extrême droite. C’est son programme copié-collé sur celui du front national qui lui a permis d’être élu depuis assez longtemps. Pourtant, l’équipe de foot de sa ville est composée de plusieurs joueurs de couleurs et de musulmans dont 4 joueurs internationaux algériens (5 si on compte Delors parti à ….Nantes au dernier mercato d’hiver). Sans ces recrutements, l’équipe de Nice avec des joueurs de souche française, serait sans doute aujourd’hui en train de jouer les derniers rôles en 3ème ou 4ème division. Estrosi n’a pas de choix pour sa si grande ville française surtout que son club est toujours qualifié pour l’Europa Conférence League et est en pole-position pour jouer les demi-finales. Donc, cela mérite qu’il ferme à demi les yeux en attendant des joueurs meilleurs.

 C’est cette forte présence de joueurs qui n’entre pas dans la politique frontiste d’Estrosi, que l’ancien entraineur Christophe Galtier (de père pied-noir, tien ! tiens !) a été accusé par un de ses anciens collaborateurs dans le club de la côte d’azur que le soutien mitigé des supporteurs niçois pour leur club est altéré justement par la forte présence de joueurs noirs et de musulmans, pour un grand stade qui a été construit pour la coupe d’Europe des nations qui s’est déroulée en 2016 au pays de Sarko.

Aujourd’hui, Galtier a accédé à un cran supérieur en devenant l’entraineur de Paris, avec de prestigieux joueurs à sa disposition : Messi, M’bappé, Neymar, Ramos, Hakimi, Donnarumma, etc…Ce n’est plus le même calibre. Il ne joue plus les rôles. Il gère des stars trop grandes pour sa minuscule personne. Il est salarié chez El-Khelaifi, le qatari qui prône une autre politique à 180° degré de celle d’Estrosi et qui lui doit obéir au doigt et à l’œil. Donc, le coach parisien qui est actuellement sur la corde raide pour ses mauvais résultats pour un si colossal budget, a pesé de tout son poids pour démentir le contenu du mail d’un des ses anciens assistants niçois. Il n’allait pas quand-même cracher sur la soupe de l’émirat qui a fait certainement sauter son compte en banque.

 Rappelons que Galtier a été il y a quelques temps au centre d’une autre controverse à distance avec le sélectionneur national Djamel Belmadi au sujet du joueur Andy Delors qui se trouve être aussi également le beau-fils de son ancien entraineur…Galtier. Encore lui ! En effet, Delors, en difficulté pour ses débuts à Nice, voulait mettre une parenthèse à sa carrière internationale (certainement sur les conseils de …son beau-père) pour lui permettre de se consacrer entièrement à son club niçois afin de gagner davantage sa place dans l’équipe type. Ce qui avait mis alors Djamel Belmadi dans tous ses états.

 Ces derniers temps, son successeur à Nice, un certain Didier Digard, le nouvel entraineur de Nice, qui semble être converti à l’Islam selon les dernières nouvelles très fraiches, est accusé d’avoir épousé cette religion pour gérer au mieux les joueurs musulmans du club durant la période du Ramadhan. Donc les débats souterrains sur l’Islam en général et le Ramadhan en particulier ne sont pas prêts de prendre fin. En un mois, on dirait qu’il n’y a que le Ramadhan et l’Islam qui intéresse le peuple français qui est en train de se battre depuis plusieurs mois pour le régime de retraite. C’est comme si on veut détourner son attention sur ses réels problèmes.

 Encore que je n’aie pas évoqué ici une autre histoire avec ce Galtier à l’époque où il drivait l’équipe de Saint Etienne. Le joueur sportif algérien « Le buteur » l’ayant accusé de racisme pour avoir blacklisté l’ancien international Faouzi Ghoulem. Ce journal n’avait pas de preuves tangibles mais il avait senti le bon filon qui allait enfler quelques années plus tard. Encore que je ne suis absolument pas fan de ce journal.

 En attendant, l’Aid El Fitr arrive à grands pas et jusqu’à nos jours, jamais au grand jamais, les musulmans n’ont eu droit à une seule journée de repos en France pour célébrer la fête au sein de leurs familles même pas pour les millions de français musulmans comme s’ils n’existent pas. Et pourtant, leur religion progresse et s’émancipe d’année en année. Mais ils ont droit au repos durant les fêtes chrétiennes : le jour de Noel, le mardi gras, le Pâques et le lundi de Pâques, la fête de l’ascension, la Pentecôte, la toussaint, etc…Quoiqu’on croit savoir que la France est supposée être un pays laïc. Peut être dans la théorie pour ne pas dire une France à deux visages. Dans la pratique, Elle se prend toujours pour la vieille fille de l’église. Elle devrait prendre exemple sur l’Angleterre. Au contraire, elle continue d’être un mauvais élève comme durant la colonisation, à maltraiter l’islam même sur ses terres.

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dimanche 4 septembre 2022

Les processions vaines de Pélissier à Santa-Cruz et de Monréal à la Mina

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 Contribution parue le Lundi 29 Août 2022 dans la Rubrique "Opinion"

lien html: http://www.lequotidien-oran.com/?archive_date=2022-08-29&news=5314821

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Oran, septembre 1849, 19 années après le débarquement de l’armée coloniale française à Sidi-Ferruch, une épidémie du choléra frappa Oran de plein fouet. Elle a fait 1172 victimes durant la seconde quinzaine du mois d’octobre de cette même année. Le général Aimable (vous avez bien lu, c’est l’un de ses prénoms !) Pélissier [1-2], général de division et  commandant la province d'Oran au moment des faits.

 Devant ce drame, Pélissier s’adressant à l’abbé Jacques Suchet, vicaire d’Oran [3] :

« Et alors, Monsieur l’abbé ? Vous dormez ? Ne sauriez-vous plus votre métier ? ». L’abbé Suchet, lui rétorqua ; « Le choléra ?...Nous n’y pouvons rien, ni vous, ni moi, ni personne. Vous me demandez les moyens de l’arrêter ? ». Pélissier : « Je ne suis pas curé, et pourtant c’est moi, pélissier, qui vous le dis, faites des processions… ». Puis se tournant vers la montagne de Santa-Cruz : « Foutez donc une vierge là-haut et elle se chargera de jeter le choléra à la mer ». Ainsi, Pélissier était donc l’initiateur de l’idée de la chapelle de Santa-Cruz.

Il faut souligner que ce sanguinaire de pélissier alors colonel commandant la région de Mostaganem, était l’exécuteur en chef des enfumades de la Dahra 3 années plus tôt en juin 1845 et que tout le monde connait aujourd’hui l’histoire, longtemps inconnue et ignorée de la mémoire collective de notre peuple. Il faut également mentionner que durant très longtemps, un de nos vaillants villages portait son nom jusqu’à ce qu’il soit rebaptisé au nom de Sayada après l’indépendance mais certains continuent  de l’appeler encore, « balissy », qui porte d’ailleurs bien ce nom déformée.

 Revenons à l’épidémie d’Oran et plus exactement le dimanche 4 novembre 1849. En effet, la procession ordonnée par l’ « aimable » pélissier et devenu miraculeusement un enfant de cœur, débutât sous les autorités militaires et civiles à travers les artères de la ville sous les cris de « Parce Domine, parce populo tuo » (« Épargnez-moi, Seigneur, épargnez votre peuple »). Et soudain, la pluie commença à tomber qu’on appela alors « le miracle de la pluie » et l’emplacement d’une chapelle, inspirée par pélissier, fut décidée de l’ériger sur le mont du Murdjadjo juste en contre-bas du fort espagnol Santa-Cruz sur un terrain accordé par l’armée occupante, alors dirigée localement par le général pélissier, le toujours disponible de la foi chrétienne sans pour autant avoir fait sa confession au curé de la ville pour les morts indigènes qui les a enfumés vivants dans une grotte proche de Nekmaria dans le dahra.

 Un siècle plus tard, soit en 1949, pour perpétuer le souvenir, une procession de « Notre Dame de Santa-Cruz » fut retenue pour faire le tour du diocèse d’Oran (dans toutes les paroisses de l’Oranie ). Et ce n’est pas le temps d’un tour d’Oranie cycliste qu’elle va durer  en partant par exemple de Mostaganem, avec des étapes à Relizane, Tiaret, Mascara, Saida, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Ain Témouchent et l’arrivée à Oran. Le tout peut se dérouler en 8 jours au maximum. Alors essayez d’imaginer combien va durer le pèlerinage de la vierge. Lisons ce que rapportait le journal « L’écho d’Oran », le 08 juin de cette même année [4] :

« Le 11 février, notre dame de Santa-Cruz quittait Oran. Le 11 juin, après avoir visité toutes les paroisses du diocèse, notre dame de santa-cruz reviendra chez elle, à Oran ». Donc, c’est un périple missionnaire 4 mois. Soit en moyenne, un lieu par jour, ce qui nous donne un total de 120 agglomérations visitées !. Imaginez les moyens qui ont été déployés que seule de nos jours, la flamme olympique pourrait se permettre une telle durée dans le monde.

 Ainsi, par exemple, Relizane a dû patienter presque 2 mois pour recevoir en grandes pompes la vierge de santa-cruz le 7 mai 1949 [5] avec le titre de l’article « Grandiose et émouvante réception de N.D. de Santa-Cruz à Relizane » avec en image de la procession de voitures sur le grand Boulevard de la ville. Dans l’actuelle wilaya, même la petite bourgade qu’était Ouarizane a eu son propre défilé. À Relizane, ce jour coïncidait avec les fêtes de la victoire de la seconde guerre mondiale et de la sacro-sainte chef de guerre Jeanne d’Arc dont la statue trônait en bonne place dans les villes algériennes colonisées. Donc, la joie était triplement célébrée dans la ville par les habitants européens.

Rappelons que le recensement de 1948 en Algérie [6] plaçait les européens (chrétiens et juifs) avec un nombre de 1 040 000, loin derrière les musulmans (c’était l’appellation française des autochtones algériens) avec 7 626 000 êtres humains. Soit des hausses, pour les premiers, respectivement de 53 000 personnes et de 1 378 000 pour les seconds, par rapport au précédent recensement de 1936. Comme on le constate, fort heureusement que les lois de la nature et du nombre allaient un jour rendre la terre à ses propriétaires et l’indépendance fut alors précipitée sur le terrain par les différences contradictoires entre deux peuples distincts à tout point de vue et qui ne pouvaient jamais s’homogénéiser pour former un seul corps.

 C’est en regardant passer la vierge de Santa-Cruz, que les européens de Relizane voulaient emprunter le pas aux oranais en exprimant un vieux pieu d’avoir aussi leur « Notre-Dame ». Le nom de l’heureuse élue est vite trouvée, ce sera donc « Notre Dame de la Mina ». Une statue fut alors commandée à Paris, un colosse d’une hauteur de 2m60 et pesant 2500 Kg de béton. Et c’est la SNREPAL (la Société Nationale de Recherche et d'Exploitation de Pétrole en Algérie) [7] qui l’installa bénévolement sur la colline offerte pour la bonne cause par un colon, un certain françois sanchez [8]. Ainsi, le dimanche 23 novembre 1952, tous les chrétiens européens, plus particulièrement d’Oranie sont conviés à l’inauguration qui rassembla près de 10000 fidèles chrétiens selon les rapports de l’époque. Il faut rappeler que le maire de Relizane, à cette époque, était le colon Norbert Monréal qui, certainement était un des inspirateurs de l’installation de la «N.D. de La Mina sur le lieu choisi qui porte jusqu’à aujourd’hui le nom de « Meriama » retenu par la population et dont le nom officiel est Bendaoud. Un pèlerinage fut décrété vers cette statue tous les mois de mai de chaque année mais l’indépendance du pays et le départ précipité des européens a stoppé nette l’épisode. Aujourd’hui, il n’en reste plus rien.

 En lisant les articles des journaux de l’époque, la religion de l’occupant était ostentatoirement présente mais aucune trace de la religion du colonisé malgré qu’il était nommé musulman. Tous les jours, on lit dans les journaux des nouvelles sur la religion des européens, que ce soit chrétienne ou protestante. La religion juive avait aussi une bonne place. Une partie de la tournée de 1949 de la vierge de Santa-Cruz s’est déroulée durant le mois du ramadhan amis aucun article sur ce mois n’est apparu sur l’écho d’Oran sauf une petite annonce, la veille de l’Aïd.

 Malgré une présence de 132 ans de l’occupant dans notre pays, l’Algérie n’a pas perdu son identité malgré que le colon ait tenté par tous les moyens de la lui effacer comme l’exemple de ces processions qui voulaient beaucoup plus faire du tapage à coups de publicités flagrantes dans leurs journaux afin d’étouffer et masquer la présence de plus en plus grandissante de la réalité religieuse sur le terrain. On espère que l’histoire sera retenue.

Références :

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Aimable_Pelissier

[2] https://slidetodoc.com/notre-dame-de-santa-cruz-oran-t-1849

[3] http://www.villedoran.com/p12.html

[4] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760060t/f2.item.zoom

[5] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760035r/f4.item.zoom

[6] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6760039d/f3.item.zoom

[7] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6737154s/f7.item

[8] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6737136v/f8.item

 

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vendredi 26 juin 2020

ENTRE LA LIBERTÉ DE RÉFLÉCHIR ET L'INTERDICTION DE PENSER

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Contribution parue le Dimanche 11 Juillet 2020 dans la Rubrique "Raina Raïkoum"
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Au début des années 1900 (début du XIX siècle), au temps de la france coloniale, presque toutes les villes d’Algérie disposaient de leurs propres journaux qui sortaient au moins une fois par semaine, même pour les plus petites d’entre-elles de niveau arrondissement (daïra d’aujourd’hui). Par exemple, une ville comme Relizane (un village de la taille de nos villages actuels) avaient plusieurs titres : Le Réveil de Relizane, Le Progrès de Relizane, L'Echo de la Mina, Le Petit Relizanais, l'Avenir de Relizane, La Riposte et peut-être d’autres si on fouille bien dans les archives.

En feuilletant, ces jours-ci en cette période de semi-confinement, quelques uns de ces numéros, je me suis aperçu que les candidats aux élections municipales, régionales ou nationales de la ville de Relizane durant cette période coloniale s’affrontaient avec des programmes à l’appui qui apparaissaient dans ces journaux pour…….les européens qui savaient lire, écrire, réfléchir et savoir voter. On n’omettait pas d’intégrer quelques façades autochtones acquis à leur cause, pour la plupart formatés pour garnir leur factice démocratie à sens unique.

Quant à la quasi-totalité des algériens de souche, ils étaient considérés comme des serfs, des indigènes taillables et corvéables à volonté. La politique, les affaires des villes, de la campagne, de l’Algérie ne les concernaient point. Leur nombre en soi, est incompatible avec la démocratie qu’ils ont établie. La « lutte » démocratique n’était destinée qu’entre les colonisateurs et le bâton était l’emblème, pour dresser l’indigène qui osait remettre en cause l’ordre établi. Il ne devait son existence que pour acquiescer et glorifier la colonisation positive. D’ailleurs, il n’avait pas d’avis à émettre. Le silence absolu et la bouche cousue lui était prescrits à jamais.

Faire accéder les autochtones à l’éducation, était un danger pour la france coloniale. C’était en faire d’eux des dangers permanents et engager l’Algérie colonisée dans des périls une fois qu’ils goutteraient à ses bienfaits, surtout au vu de leur nombre et les éveilleraient à revendiquer des droits et pourquoi pas leur indépendance tant qu’on y est ? Les intégrer dans leur démocratie, c’est remettre en cause l’ordre colonial car l’issue du scrutin leur serait fatale. C’est la raison pour laquelle, ils avaient inventé, par la suite, le second collège où la valeur de la voix d’un européen valait dix voix celle d’un autochtone !

Le peu d’Algériens qui avaient réussi à passer les trames du filet du savoir, avec simplement des niveaux de certificats d’étude primaire, sont arrivés à réveiller et à sensibiliser leurs frères (pour la majorité d’entre-eux des illettrés) à prendre conscience de leur destin. Pour vous dire que tout doit passer par l’école et l’éducation. Ceci restera valable encore plus de nos jours et jusqu’à l’éternité.

Lorsque l’Algérie a acquis son indépendance, les français continuent encore, à distance, à penser que la démocratie dans des pays comme le nôtre représente toujours un danger pour leur avenir et qu’on doit rester éternellement sa zone d’influence, sa chasse gardée. Si les algériens et en général les africains et les pays arabes accèderaient à la liberté de penser, de réfléchir et de décider et que l’analphabétisme serait banni à jamais, les intérêts des anciens colonisateurs ne seraient que menacés. Ils sont sortis de ces pays mais leur âme est toujours quasi-présente. On nous a toujours inculqués que sans leur assistance fortement monnayée, jamais on ne pourrait s’en sortir de l’engrenage dans lequel ils nous ont cadenassés.

Pour vous affirmer que les indépendances de ces pays n’ont pas été totales. Elles ont toujours été assujetties de conditions inavouées et ligotées d’accords (secrets ou non) qui ne leur laisseraient point la liberté désirée pour s’épanouir et se développer. Les chaînes qu’elles ont mises à nos pieds sont encore présentes et qui ne nous laissent aucun moyen de se défaire de la pensée unique qu’ils nous ont léguée. Si aujourd’hui, on nous parle sans cesse de la main de l’étranger, je pense que c’est de celle-là dont il s’agit.

Ce n’est qu’aux moyens de luttes permanentes dans tous les domaines et les secteurs névralgiques que ces pays pourraient alors sortir définitivement de ce schéma colonial laissé comme un poison à effet postérieur. La réelle indépendance du nombril colonial serait encore plus longue à se dessiner. Elle serait plus âpre à mener mais dont les fruits de ses batailles seront savoureux à déguster et qui déclencheraient le véritable point de départ de notre pays.

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mercredi 29 mai 2019

Hirak et Histoire de Constitutions

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Cet article est paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du jeudi 30 Mai 2019 sous les liens suivants:
-à la Une en format pdf zippé: http://www.lequotidien-oran.com/pdfs/30052019.zip
-en format html: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5277351



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« Rien ne sert de courir, il faut partir à point »
Morale ouvrant la Fable « Le lièvre et la tortue » de
Jean de La Fontaine (1621-1695)

Jamais de mémoire d’algériens, le peuple n’a été un acteur central de la constitution du pays que depuis le 22 février dernier en réclamant à travers le Hirak la revendication, tout d’abord de l’article 102 (le fameux article 88 avant la révision de la constitution en 2016) et ensuite, comme l’appétit vient en mangeant, il ne cesse d’exiger que les articles 7 et 8 soient appliqués afin qu’il puisse exercer sa totale souveraineté dont il ne veut que ce ne soit que de vains mots.

Justement, ce point de discorde divise les décideurs du peuple, qui maintient ses mots d’ordre et ne veut en aucun cas lâcher prise surtout qu’il a compris que ses marches pacifiques lui ont permis de faire bouger les lignes qui paraissaient, il y a 3 mois, inimaginables à faire reculer si ce n’est pas le mur de la peur qui a été brisé.

Le pouvoir ne veut absolument régler la crise qui secoue le pays qu’à travers l’actuelle constitution du président déchu qui, au passage, est mise en échec et mat par la volonté populaire. C’est ce qui se passe lorsqu’on laisse tripoter une constitution comme un costume à la taille du président démissionné par le Hirak. Une fois qu’un ancien président est parti, son successeur cherche à installer la sienne et c’est ce qui se passe lorsqu’on place ses ambitions politiques devant celles de la nation. La santé politique d’un pays se mesure également à travers la longévité de sa constitution.

Revenons un peu arrière à l’histoire de l’Algérie indépendante. L’Algérie a connu, jusqu’à aujourd’hui, 4 constitutions. D’abord la première à l’indépendance en 1963 sous le régime du président Ahmed Ben Bella. Elle devrait être le point de départ d’une Algérie nouvelle et plurielle à partir d’une assemblée constituante où tous les courants politiques étaient présentés comme: Ferhat Abbas, Hocine Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed, Krim Belkacem, Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Francis, Abderrahmane Fares, Khatib Youcef, Mohammedi Saïd, Zohra Drif, Yacef Saâdi, M’hamed Yazid, Ali Mendjli, Kaïd Ahmed, Ali Yahia Abdennour, Hadj Benalla, Abderahmane Chibane, Mohammed Khemisti, Salah Louanchi, Ahmed Medeghri, Djelloul Melaika, Tidjani Heddam, pour ne citer que ceux-là. C’était à l’époque ce qu’on rêvait de mieux comme délégués à l’assemblée.

Mais la montagne avait accouché d’une souris. En effet, Le chef du gouvernement Ahmed Ben Bella, autoproclamé à la place du GPRA, avant d’être président avait, si l’on peut s’exprimer ainsi, fait un forcing en confectionnant un costume à sa taille en faisant adopter « sa » constitution. Ce fût ce qu’on appelle toujours impudiquement le clan d’Oujda qui avait pris les clés en mains du pays.

A juste titre et dès le coup d’état du 19 juin 1965 que l’une des premières décisions à prendre par le président du conseil de la révolution Houari Boumediene, était de suspendre la constitution de Ben Bella. En aucun cas, on ne peut gouverner avec la constitution de son prédécesseur. Boumediene attendit plus de 10 années pour faire décréter la sienne, celle de 1976 et au bout de laquelle il a été enfin élu président.

Nouvellement élu au début de 1979 au poste de président de la république après la disparition du président Boumediene, Chadli Bendjedid a juste après opté pour une légère première révision de la constitution de Boumediene mais en ne touchant pas aux points essentiels. Une dernière révision de cette constitution est venue après le choc d’Octobre 88 puis le coup de massue lui est portée par l’avènement de la constitution de 1989, qui ; il faut le souligner était née de la pression de la rue. Mais elle est toujours associée au président Chadli qui a eu enfin sa constitution.

Malheureusement, cette constitution à connotation pluraliste n’a pas duré longtemps, juste un peu moins de 3 années. La décennie noire l’a mise en veilleuse en la remettant en cause après l’interruption du processus électoral de janvier 1992 et le départ contraint de Chadli Bendjedid. C’était sans doute la constitution la plus révolutionnaire à l’époque qui avait mis fin à l’unilatéralisme politique, libéré les associations et le syndicalisme. Peut-être qu’elle serait venue en retard. Elle aurait pu donner une autre tournure au destin du pays si elle était parvenue en 1963. Mais bon, on ne peut refaire l’histoire. Avant de partir, on a soufflé à Chadli de dissoudre l’Assemblée Nationale Populaire qui avait privé son président Abdelaziz Belkhadem d’un destin national. Il avait par cette décision plongé le pays dans un coma politique. Le Président du Conseil Constitutionnel n’avait non plus la carrure politique pour gérer la situation qui prévalait.

Le pays était alors tombé dans un grand vide constitutionnel et on ignorerait si cela était volontaire ou non de la part des décideurs, que leurs détracteurs les nommaient par les « janviéristes ». Le Haut Conseil de Sécurité s’était réuni en l’absence d’un président de la république, un cas encore imprévu dans la constitution. C’était la première violation du texte fondamental. Le pays est rentré plein dedans dans l’anti-constitutionnalité. Un imbroglio juridique est enfin trouvé par la création du Haut Comité d’Etat (HCE) constitué de 5 membres dont son président est le défunt Mohamed Boudiaf. La constitution de 1989 vient d’être définitivement enterrée. On comprend bien que les décideurs d’aujourd’hui craignent la répétition de ce scénario mais les données ne sont plus les mêmes et la société a mûri après l’impasse et le sevrage politiques de près de 3 décennies.

Vu son statut de l’un des pères de la révolution et doté d’une forte personnalité, le président du HCE aurait consacré son passage à la tête de l’état par une constitution à la mesure de sa stature politique s’il n’avait pas été assassiné en juin 1992. Il écrasait de son poids historique les 4 autres membres du HCE. Son successeur à la tête du HCE Ali Kafi n’a pas eu le pouvoir nécessaire qui était plus collégial pour décider d’une nouvelle constitution. Il est parti comme il est rentré, presque sans faire du bruit.

Il fallait attendre 4 années pour que la dernière constitution du pays voie enfin le jour en 1996. C’était durant le règne du chef d’état Liamine Zeroual, désigné en 1994, et élu en 1995 en tant que président de la république. Comme la tradition politique le veuille, Sa constitution porte également sa trace. Il ne voulait en aucun briguer un autre mandat présidentiel, puisque la constitution prévoyait un autre.

C’est presque en démissionnaire que le président Liamine Zeroual cédait en 1999 le flambeau au président Abdelaziz Bouteflika. Celui-ci n’a pas cherché à disposer de sa propre constitution mais à force de la triturer, il est arrivé à avoir la mienne après avoir vidé en 2008 la constitution 1996 de sa sève et qu’il lui tenait à cœur de la déverrouiller par l’article de la limitation des mandats présidentiels. Après 3 successives révisions, mis à part les constantes nationales, tout a été cadenassé. On peut dire aujourd’hui que Bouteflika a eu intelligemment, par sa ruse légendaire sa constitution sans passer par un référendum populaire mais à travers un parlement aux ordres avec ses deux chambres aux senteurs du « cachir » et comme en témoigne sa longévité record à la tête du pays.

Rappelons qu’à travers le monde et en particulier dans les pays développés économiquement et politiquement, les présidents élus ne s’occupent rarement à changer les articles des constitutions qui leur ont permis d’arriver au pouvoir ni encore moins à penser à faire « plébisciter » leur propres constitutions. A titre d’exemple, la constitution des Etats Unis perdurent depuis ….1789 ! C’est normal qu’il y ait eu des amendements à travers le temps au vu de l’évolution du pays et du monde mais on n’y a point touché aux articles qui peuvent irriter. En plus de deux siècles d’existence, sa constitution n’a connu que 27 amendements. Et de plus, Elle n’est assimilée à aucun nom des célèbres noms de présidents américains mais tout le peuple américain s’y reconnait profondément.

Tout près de chez nous, en France plus particulièrement dont notre histoire récente y est liée que ce soit politiquement, culturellement ou économiquement, la constitution de la 5ème république de 1958 est toujours en vigueur. Elle subi et c’est tout à fait normal des révisions par rapport aux mutations politiques du pays et des changements opérés dans son environnement et dans son espace d’influence. C’était durant la crise de la guerre d’Algérie et avec le rappel de De Gaulle au service que fût adoptée cette constitution. Elle n’est pas liée au nom de ce dernier mais elle est associée à l’avènement de la 5ème République. Elle a, par ailleurs, survécu jusqu’à aujourd’hui à 8 présidents de la république sans qu’elle soit caduque.

Chez nous, nous sommes à 4 constitutions et à 5 si on compte la virtuelle d’Abdelaziz Bouteflika mais nous nous sommes stagnés à une première république. Les plus sceptiques disent qu’il faudrait la création d’une 1ère république pour vouloir passer à la seconde. En une seule république, chaque président élu a laissé sa signature à travers sa constitution contrairement aux exemples cités où les constitutions sont presque pérennes.

Par contre, dans les pays démocratiques, on a vu des lois et des décrets porter les sceaux des noms de ministres qui ont proposé des lois et les voir adoptées comme les lois Malraux, Pasqua, Ferry, Hamon, Veil, Auroux ou Taubira,…en France mais jamais la constitution qui doit être la semence de tout un peuple. Les mêmes dénominations doivent certainement être les cas dans les autres pays occidentaux. Comme en sciences avec les lois d’Ohm, Joule, Bohr, Planck, Ampère, Leibnitz ou Lavoisier. Elles sont indélébiles car elles sont marquées par la réflexion, l’abnégation et la recherche. Je souhaiterai qu’un jour, dans un gouvernement algérien, un ministre puisse venir avec un programme et les mains pleines d’idées et non vides comme on l’est actuellement et où, une fois installé, c’est l’improvisation et le bricolage qui font la loi.

Si nous revenons à la crise qui secoue notre pays et où on veut aller le plus tôt possible à des élections présidentielles. Certes, il faut fermer cette parenthèse mais pas précipitamment sinon on risquerait aussi de revenir au point zéro. Rien ne sert de courir, il faut partir à point comme le dit si bien l’adage.

De ma modeste petite expérience d’ancien coordinateur d'une section syndicale à l'université, 40 jours me sont toujours parus insuffisants pour l'organisation d'élections fiables de délégués syndicaux pour une liste électorale de 200 à 500 enseignants. Alors consacrer moins que cette durée pour l'organisation d'élections présidentielles me paraît comme un suicide électoral qui ne peut mener le pays que vers une autre catastrophe surtout avec des noms insignifiants sur la scène politique et refoulés par le peuple et dans une atmosphère explosive et par dessus le marché, il faut certainement s'attendre à un boycott massif.

Ce n'est pas avec de telles solutions qu'on puisse sortir le pays de la crise. On entend ici et là que c'est dangereux de s’égarer de la constitution comme si c'est la première qu'on fait cette exception. Boumediene n'avait-il pas gouverné le pays sans constitution de 1965 à 1976 et sans institutions sans que cela ait posé de problèmes en son temps pour le pays ? Et puis pour ceux qui veulent être dans l'esprit de la constitution, il y a ces fameux articles 7 et 8 qui protègent la constitution dont le Hirak les revendique depuis le début mais en vain.

On a lu ici et là que les décideurs ont la crainte de voir les pays occidentaux nous tomber dessus si jamais on mettrait entre parenthèses la constitution, qui faut-il le rappeler a été moult fois piétinée sans que cela puisse émouvoir les sceptiques d'aujourd'hui. Ces puissances ne peuvent intervenir dans notre pays que s'il y aura des forces occultes internes qui le demandent et il faut qu'elles soient majoritaires et qui à mon avis n'existent que dans leurs imaginaires.

Le Hirak saura prendre en charge cette éventualité qui hante les têtes de gens qui ont horreur du changement et qui ont la crainte de perdre de leurs présents privilèges en mettant leurs occultes intérêts devant les intérêts suprêmes de la nation. Les décideurs actuels trouveront alors ressources et appuis auprès de ce peuple pour la défense de ses acquis avec force et détermination et des marches plus que gigantesques qui résonneront à travers le monde. Aucun ennemi ne pourra s'intercaler entre le peuple et son armée. L'Algérie ne pourra que mieux se comporter pour entrevoir et construire un avenir des plus radieux.

Enfin, on espère que le Hirak du Peuple débouchera sur une nouvelle république avec l’adoption d’une constitution digne de l’Algérie et de ses enfants qui aspirent à ce que leur pays joue un rôle de locomotive en Afrique et dans le monde Arabe et d’être un partenaire respecté qui traite d’égal à égal avec les pays du Nord et d’ailleurs et de disposer d’institutions fortes, solides et durables qui surviennent aux hommes et qui subsisteront au temps et aux crises.

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