jeudi 16 janvier 2014

Lorsque l’Algérien devient, en un jour, Chinois.

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Article paru sur les colonnes du Quotidien d'Oran le Jeudi 16 Janvier 2014:
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Un des fléaux qui s’est répandu depuis des décennies est la paresse dans le travail des algériens dans leur grande majorité au point de devenir légendaire. Cela va du simple citoyen au politique en passant par le député dont la principale fonction est une véritable sinécure qui consiste à lever le bras, pour une cagnotte mensuelle d’une trentaine de millions, en votant à bout portant tous les projets de lois présentés, précédés de débats infertiles et verrouillés. La réflexion, les propositions ou les amendements sont presque quasi-inexistants pour ne pas dire totalement absents.

Mais l’exception algérienne peut surgir à tout moment en germant pratiquement du néant. En effet, le simple ouvrier, peut devenir besogneux en l’espace d’une journée en passant miraculeusement de l’algérien, rendu fainéant par une politique qui ne plaide nullement en faveur du travail bien fait dans les délais normaux, ni encourage les plus méritants, en un algérien sur lequel tu pourrais compter pour faire des merveilles. Il peut désormais concurrencer son collègue ouvrier chinois ou japonais qui ne rechigne jamais devant l’effort. Le travailleur algérien est ainsi victime d’un système dans lequel il baigne et qui le rend amorphe à tout changement.

L’algérien est donc aussi capable du meilleur comme du pire. Il peut effectuer un travail de plusieurs mois en une dizaine de jours seulement. L’exemple le plus le frappant, c’est lorsque qu’une délégation d’en haut rende visite à une ville de l’intérieur du pays ou qu’un wali se déplace dans une commune de sa wilaya. Alors là, tout le staff de la ville ou de la commune en question se réunit régulièrement durant des jours jusqu’à des heures tardives de la nuit avec comme seul objectif les préparatifs du jour « J ».

Le compte à rebours est déclenché. Rien ne pourrait l’arrêter sauf une urgence extrême au sommet. Une course contre la montre s’engage alors pour débarrasser la ville ou le village de tout ce qui peut fâcher la visite du responsable hiérarchique sur un itinéraire qui est programmé à l’avance. On nettoie toutes les rues du passage de la délégation. Tous les habitants des autres quartiers commenceraient à souhaiter que c’est peut-être leur jour de loterie si jamais leurs cités soient choisies. Les invités qui vont aller à la rencontre du ministre sont triés sur le volet. Aucune voix discordante ne doit déranger. Il faut caresser inlassablement dans le sens du poil pour la satisfaction des responsables locaux qui sont prêts à renvoyer l’ascenseur en cas de bons points. Alors attention aux propos qui pourraient déraper. Aucune faute ne serait impardonnable.

Il faut faire semblant de tout masquer. Les responsables locaux font mine de craindre les remarques du chef et se font tout petits. C’est l’examen de passage crucial. Ils peuvent être démis de leurs fonctions sur le champ. On pourrait être appelé à occuper d’autres fonctions car le système n’oublie jamais ses serviteurs. Le chef s’adresse de façon hautaine aux subalternes qui acquiescent de la tête avec la consigne de ne jamais le contrarier même s’il a tort. Il faut apprendre la leçon qui stipule dans son article premier que le chef a toujours raison quel que soit son avis. Chaque acteur doit jouer parfaitement son rôle de la pièce théâtrale écrite de main de maître.  
  
Alors les ordres commencent à fuser de partout. Le chef local envoie des ordres aux sous-chefs qui les répercutent à l’ensemble de la pyramide. L’avenir et le poste sont en jeu. Il faut oublier le jeu de la cigale des autres jours. La récréation est mise entre parenthèses. Cette fois-ci,  c’est la fourmi qui intervient. Le premier qui commet l’irréparable est rappelé sur le champ à réviser ses leçons. Tout le monde est lié par le même destin. Un seul pion s’écoule et c’est toute la tour qui s’effondre sur ses bases. La famille doit se souder en ces moments de dérangements de la sieste.

Qui nettoie, qui peint, qui installe des palmiers tous frais, qui bitume une route sans relâche, qui crépisse un mur avant que le ciment ne sèche et le marbrier est déjà prêt à placer le marbre ornant le monument installé à la vite le temps, la veille de la visite. L’électricien est déjà là à attendre l’installation des jeux de lumières du chef d’œuvre conçu en un temps record. On travaille d’arrache-pied depuis les premières lueurs du jour sans savoir à quelle heure on devrait s’arrêter. On ne compte plus les heures de travail journalier. Les vacances prolongées, c’est après. On s’en fout même de la réglementation. On s’en fout également de ce qu’il adviendra après, l’important est d’être prêt et parfait le jour J, à l’heure H. Une minute de visite vaut ainsi des jours et des jours de labeur sans relâche.

On ramène même des engins d’autres parcs pour les présenter à l’illustre visiteur et montrer que les travaux du projet ont déjà commencé. L’important est que l’équipe de la télévision ait filmé et envoyé les belles images à la station centrale pour être regardées le soir par des millions d’algériens au journal de 20 heures et le monde entier grâce aux satellites implantés dans le ciel à jamais. L’honneur est ainsi sauf. Le lendemain, ces moyens disparaissent à jamais des lieux. Plus aucune trace de ces machines et de ces ouvriers importés, habillés comme il se doit, d’autres chantiers pour marquer l'événement.

Dès la fin de la visite, les autorités locales poussent un grand ouf de soulagement. Ils vont enfin dormir et continuer à nous lasser toute l’année. Ils l’ont échappée belle cette fois-ci. Ils retrouvent le jour d’après leurs vieilles habitudes et leur lustre d'antan. Ils redeviennent maîtres de leurs villes. Des fourmis d’un jour, ils redeviennent cigales de tous les jours. Dommage que la fable de la Fontaine ne puisse servir de leçon qu’un jour. Le carnaval, de l’indélébile film, continue de plus beau. On ne peut pas faire avaler un éléphant à une mouche. Le mensonge est trop gros pour être avalé de la sorte. Tout le monde le sait. Toutes les autorités, d’en haut et d’en bas, font exprès de ne rien voir. Ils continuent à exceller dans ce domaine.  Mais l’Algérien n’est pas dupe. Il a tout vu. Il est témoin devant les consciences morales du pays. Il sifflerait un jour la fin de cette mauvaise et interminable partie. Espérons qu’il le ferait de la façon le plus paisible et la plus pacifique quelle soit.


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