mercredi 20 février 2013

Ah ! Si on ouvrirait nos boîtes de Pandore.


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Article à paraître dans les colonnes du Quotidien d'Oran du Jeudi 21 Fevrier 2013 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: 
http://fr.calameo.com/read/0003704465e821686191c
- en format pdf zippéhttp://lequotidien-oran.com/pdfs/21022013.zip
- en format html: http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5179511
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Au début de l’automne 2012 avait éclaté un scandale qui avait défrayé la chronique en Allemagne et qui avait vu en fin de compte, en ce début du mois de février 2013, la ministre de l’éducation de ce pays remettre sa démission de son poste [1].

Est-ce pour une affaire de corruption ? Non ! Est-ce pour une affaire de détournements de deniers publics ? Non ! Est-ce pour avoir reçu des pots de vins d’un fournisseur pour équiper les écoles de son pays ? Non ! Est-ce pour abus de pouvoir ? Non ! Est-ce pour abus de biens sociaux ? Non ! Est-ce pour avoir échoué dans la politique de son département ministériel ? Non ! Est-ce pour avoir subi un revers électoral dans son parti ? Non ! Est-ce pour un détournement de la volonté  populaire des citoyens ? Non ! Non et non,  rien de cela, c’est uniquement pour une affaire d’éthique et de déontologie. L’argent n’est donc pas au milieu de ce remords comme on ne cesse de le voir dans notre pays.

Annette Schavan, dont-il s’agit ici, est accusée d’avoir plagié sa thèse de doctorat universitaire. L’université de Düsseldorf qui lui avait accordée son doctorat, tenez-vous bien en 1980, n’a pas hésité un seul instant à expliquer aux opinions scientifique en particulier et publique en général que madame la ministre, de surcroît responsable de la recherche dans son pays, avait "systématiquement et délibérément" triché en écrivant sa thèse de philosophie. C’est grâce aux fortes critiques d’un simple enseignant de cette université, relayées ensuite par le journal Spiegel, que les choses s’étaient accélérées par la prise en charge du dossier par la commission de l'université chargée de délivrer les doctorats qui avait ensuite décidé, le 12 décembre 2012, d'ouvrir une enquête pour mettre au clair cette affaire. En toute liberté et en toute transparence, l’université a finalement invalidé le titre de Doctorat de la ministre.

Comme on le constate fort bien, les commissions sont créées pour aller jusqu’aux bouts de leurs investigations les plus profondes et non s’arrêter brusquement en les détournant de leurs objectifs dès qu’elles butent sur des grosses légumes. Dans le cas où ce type de commissions serait enfanté chez nous, combien de scandales auraient éclatés sur nos figures ? Combien alors de diplômes seraient-ils invalidés ?

Portons à la connaissance des lecteurs que celle qui est députée depuis 2005 et qui fut, durant 4 années, la vice-présidente de l'Union Chrétienne-Démocrate (CDU), derrière la présidente, sa chancelière Angela Merkel et également son amie proche de longue date, a décidé de quitter librement son fauteuil, rongée par cette question de pure moralité. Comme elle l’avait déclaré, elle avait déposé sa démission pour ne pas trainer les conséquences d’une telle procédure sur son ex-ministère, sur les épaules de son gouvernement et sur le dos son parti qui affronterait les échéances des élections législatives dans moins de 8 mois. La démissionnaire rajoute que "Cela ne va pas, la fonction ne doit pas être salie" ! Est-ce que cette moralisation de la vie politique verrait-elle le jour chez nous ? Je sens que beaucoup de citoyens seraient pessimistes sur la question qui ne mériterait même pas d’être posée.

Cet exemple de pays de la transparence tel que l’Allemagne, n’est pas à sa première dans son tableau de chasse. En effet, en mars 2011, c’était le ministre de la défense Karl-Theodor zu Guttenberg, accusé lui aussi de plagiat, qui passait à la trappe [2]. L’université de Bayreuth (à ne pas confondre avec le Liban, cette université se trouve dans la région de la Bavière en Allemagne), où il avait obtenu en 2007 son titre de Docteur en droit, avait annoncé par la voix de son président le retrait du diplôme au ministre. Elle l’accuse de « ne pas avoir donné lieu à un travail scientifique correct" sans toutefois qualifier son travail de plagiat. Ses détracteurs l’avaient surnommé le "Baron copier-coller" ou "Baron von Googleberg".

Pour avoir recopié dans sa thèse des passages entiers sans citer leurs auteurs, le ministre n’a pas non plus fui ses responsabilités en  répondant pendant plus d'une heure aux questions des députés du Bundestag (chambre basse du parlement allemand), tout en reconnaissant avoir commis des "fautes graves" dans la rédaction de sa thèse, mais en rejetant les accusations de plagiat par l'opposition qui l'avait traité de menteur et d'imposteur.

Pas loin de l’Allemagne, c’était le président hongrois Pal Schmitt en personne qui avait abandonné ses  charges présidentielles en Avril 2012 pour une affaire semblable après s’être vu retiré par le Sénat de l'Université Semmelweiss de Budapest son titre de Docteur en affirmant que sa thèse de Doctorat ne répondait pas aux  «méthodes scientifiques, ni éthiques» [3]. Le présidait n'avait cessé de plaider non coupable. Mais la sentence était tombée : «Puisque selon la constitution, la personne du président doit représenter l'unité de la nation hongroise, et que ma personne est malheureusement devenue synonyme de division, je sens que mon devoir est de me séparer de mon poste», avait souligné le chef d’état hongrois, mort dans l’âme, devant la chambre des députés. C’était aussi un hebdomadaire hongrois HVG qui avait révélé l'affaire en présentant des passages de la thèse de Pal Schmitt, 69 ans qui s’avérait comme une traduction du texte en français d'un expert bulgare. Le couperet est lâché, le parlement avait accepté sa démission, avec 338 voix pour, 5 contre et 6 abstentions.

Un simple conseil scientifique d’une université qui fait tomber un président ! Il fallait vivre  pour le croire dans un pays qui n’était pas plus tard hier dans le même système que nous. Des chemins diamétralement opposés sont parcourus par les deux pays, l’un pour un progrès sans cesse grandissant et le nôtre pour un marasme profond à rendre malade tous les intègres et les honnêtes de ce pays.

 « Khali Elbir Beghtah (Laisse le puits avec son couvercle) ! », comme m’avaient répondu certains amis sur Facebook lorsque j’avais soulevé la question si on pourrait un jour ouvrir nos boîtes de Pandore. Une amère conclusion pour un dossier qui mérite toutes les attentions particulières si on veut que le pays puisse un jour espérer sortir de la bouteille dont l’issue s’obstrue sans fin avec un air qui se carbonise davantage.

Références:




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2 commentaires:

  1. Cher collègue Beghdad
    Merci beaucoup pour cette contribution qui vient à point pour mettre en relief sans "y dévoiler" l'état de déliquescence dans lequel est plongée l'université algérienne pour ne parler que de ce milieu que je connais bien.
    "La fonction ne doit pas être salie" dites- vous pour rapporter un des propos de la démissionnaire Ministre allemande de l'éducation. Chez nous, hélas, dans la majorité des cas, cette noble fonction ne se mérite pas par la compétence scientifique, l'intégrité morale mais par l'opportunisme malsain, sans foi ni loi: une course effrénée aux postes de responsabilité afin privilégier leurs intérêts et ceux de leur "entourage".
    "Khali Elbir beghtah"! Non, cher collègue , ne laissons pas ce sentiment d'impuissance nous détruire. Certes, certains d'entre-nous sommes malades par le combat sans fin que nous menons pour essayer d'éradiquer cette catégorie de délinquants pseudo-universitaires. Mais, nous devons continuer à dénoncer cette horde malsaine qui détruit l'image notre cher Pays. Vous, à votre manière en tant que correspondant dans un journal quotidien et nous, en alertant par d'autres moyens, la communauté universitaire, de ces malversations restées impunies.
    Depuis 2009, je ne cesse d'écrire à toutes les autorités du pays, Recteurs, Ministère, Walis etc... pour dénoncer des fraudes en série , trois et pas les moindres, en chimie. Ces trois enseignants ont passé leur thèse de doctorat en falsifiant des documents scientifiques. Ils étaient tous chef de département de chimie, adjoint et vice-doyen à la post-graduation de la faculté des sciences de l'université de Sidi Bel Abbès. Ces fraudes sont avérées et des commissions d'enquête ministérielles ont eu lieu mais hélas , sans résultat. Le comble c'est que l'un de ces fraudeurs s'est délocalisé à Témouchent pour brider la direction de l'UFC. Il continue à frauder sans être inquiété.
    Bon courage
    S.Taleb

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  2. Je vous remercie Mr Beghdad pour tout ce que vous écrivez et que je lis toujours
    Avec les TICS le plagiat est devenu monnaie courante , l'étudiant apprend à "reprendre" des exposés entier en se rendantà des forums qui proposent "bouhouth djahiza" , et il continue son chemin de la même façon !!

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