mercredi 27 février 2013

L’Algérie ou le syndrome de Nauru

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Article à paraître dans les colonnes du Quotidien d'Oran du Jeudi 28 Février 2013 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: 
http://fr.calameo.com/read/0003704469521c646f862
- en format pdf zippéhttp://lequotidien-oran.com/pdfs/28022013.zip
- en format html:http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5179841
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J’avais reçu la semaine dernière un message électronique émanant du mouvement écologique algérien que j’avais consulté après m’être réveillé en plein milieu de la nuit suite à une soudaine insomnie. Comme je n’arrivais pas à retrouver le sommeil, je me suis donc connecté sur Internet pour lire du courrier laissé en instance.

CAUCHEMAR EN PLEINE NUIT

Pour mon malheur, je tombe sur une mauvaise surprise à la lecture de ce message en vous plongeant dans l’effroi qui vous glace le dos et vous laisse perplexe. Je me suis alors senti en train de vivre un cauchemar en n’arrêtant pas d’y penser à l’issue dramatique de ce petit pays dont je viens de découvrir sa descente aux enfers. Je ne cessais pas de se retourner dans mon lit et en n’ayant plus l’envie de me rendormir. J’imaginais ce même scénario catastrophe qui pourrait se reproduire un jour chez nous et qui me hantait en cette sombre nuit d’hiver de ce que nombre d’experts ne cesse d’alerter sur les périls qui pourraient être très imminents avec ces puits si jamais commencent à s’épuiser. Il faudrait de véritables réformes totalement radicales des institutions, des hommes et des mentalités politiques, économiques et sociales pour espérer sortir indemne du cycle infernal qui se dresse inévitablement devant nous.

NAURU ?

Est-ce que quelqu’un a entendu parler d’un état indépendant et membre permanent de l’ONU qui se nomme Nauru [1] ? En tous les cas, c’est la première fois que j’entends parler de ce nom que chaque algérien devrait apprendre désormais par cœur son aventure. On doit même la méditer tous les jours. Il s’agit d’un petit état, à peine peuplé de 15000 habitants, qui s’étale sur une île d’environ 21 kilomètres carrés en plein océan pacifique à mi-chemin entre Hawaï et l’Australie. Par sa taille, Nauru est considérée comme la plus petite république du monde. Si on invoque dans ce papier Nauru, c’est à cause de son passé économique qui ressemble comme deux gouttes à notre  présent dans ce domaine. C’est une Algérie minuscule mais son actualité actuelle est des plus effroyables en tous points de vue. Commençant par le début en présentant ce pays aux lecteurs.

En effet, c’est en 1968 que Nauru accéda à son indépendance après avoir été une colonie allemande de 1888 à 1914 puis australienne de 1914 à 1968 avec une période japonaise entre 1942 et 1945 au cours de la seconde guerre mondiale [2]. C’est la richesse en phosphate dont regorge ce pays qui nous pousse à soupirer profondément sur ces hydrocarbures qui pourraient nous être aussi fatales dans un lendemain qui s’approche à grands pas. Ce n’est pas la richesse de ces ressources naturelles qui pose problème mais ce sont leurs gestions anachroniques qui pourraient nous réserver un futur des plus incertains. Il existe de nombreux pays sur la planète qui dépassent de très loin notre production en énergie fossile, à l’instar des pays scandinaves, mais ils n’ont jamais compté intégralement sur les rentrées en devises de cette énergie non-renouvelable pour les gaspiller et les éparpiller dans la nature comme c’est le cas de l’Algérie durant ces années fastes. Il est inimaginable dans un pays où les institutions jouent pleinement leurs rôles que des scandales de pots de vin et de corruption éclatent telles des bombes dans tous le pays sans que les autorités réagissent avec rigueur et fermeté qui redonnerait confiance à ce peuple qui bouillonne en son for intérieur. Ces affaires sont devenues même banales et c’est là que le danger d’un effritement de l’état nous guète avec ses hameçons impitoyables qui happent sans vergogne et sans se rassasier cette Algérie. L’effet boumerang n’est pas loin, le réveil tardif risque d’être dur, très dur.

Nauru a donc inventé ce miroir funeste pour déchiffrer l’avenir de tous les pays qui ne veulent pas voiler la face. Il suffit donc de se regarder avec courage et responsabilité le visage dans ce miroir nauruan pour prédire son destin. Tout le monde se poserait la question pourquoi ce petit pays n’avait-il pas prévu sa situation actuelle ? C’est encore l’histoire de la cigale et de la fourmi qui n’a pas été retenue. Pour quelles raisons, est-il tombé en déliquescence ?  Eh bien, on pourrait être tenté de dire qu’il était aveuglé et obnubilé par cette richesse non durable et non renouvelable, qu’il n’écoutait que ses pulsions les plus dévastatrices. Ses voix consciencieuses étaient certainement inaudibles. Le Tsunami a alors tout emporté sur son passage.

L’OPULENCE DE NAURU

L’exploitation de son phosphate avait donc commencé il y a plus d’un siècle. C’est à la l’acquisition de leur indépendance que les Nauruans autochtones avaient accédé à la rente de cette ressource. Avec la hausse du cours mondial du phosphate qui avaient culminé en 1975 à 68 dollars la tonne que  la prospérité de Nauru est passée du néant à un rang la classant parmi les meilleurs PNB par tête dans le monde. Avec un produit intérieur brut de 50 000 dollars Us par habitant, Nauru s’était installée royalement durant deux décennies, juste après l'Arabie saoudite dans le classement mondial des pays aisés ! Qui disait mieux ! Sa population s’était ouverte à grands bras et sans compter à la consommation à outrance et voire ses traditions  s’occidentaliser davantage.

Elle importait tous les produits de consommation, de la simple épingle jusqu’aux voitures de luxe et de tous terrains. Cela nous rappelle étrangement notre condition virtuelle. On ne dépense pas selon les labeurs des bras mais selon les rentrées de la rente. Ce mode de vie occidental s’est avéré même néfaste par la suite pour la santé de la population avec une augmentation de l’obésité et en enregistrant le taux le plus élevé du diabète dans le monde (40% de la population atteinte du diabète de type 2) due aux mauvaises habitudes alimentaires importées et des conséquences de la sédentarité au point où leur état leur paie même les femmes de ménages venant des pays asiatiques avoisinants.

LE RETOUR DE MANIVELLE À NAURU

C’est dans les années 1990 que ce qui devait arriver arriva. Le retour de la manivelle avait débuté avec l'épuisement des réserves en phosphate, combiné en cela à de mauvais choix économiques qui avaient alors trempé inévitablement Nauru dans la faillite et l'instabilité politique. Parallèlement aux restrictions budgétaires qui ont suivi cette récession, l'état nauruan tente sans succès de diversifier son économie par le tourisme et la pêche. Ne disposant pas d’autres ressources, elle devient alors indubitablement un état voyou  en se tournant vers des activités illicites telles que le blanchiment d'argent, la vente de passeports, le marchandage de ses votes au sein des organisations internationales. Elle a même installé sur sa minuscule parcelle à peine insuffisante pour sa population des centres de réfugiés pour le compte de l’état australien aux étrangers qui attendent leur visa d’émigration vers ce pays [3].

Comme on le constate fort bien, Nauru s’est convertie en une plaque tournante du trafic international en passant d’un état respectable vers un état irresponsable et infréquentable. C’est une des conséquences directes de sa politique antérieure qu’elle est en train de payer sèchement. N’en parlons pas des effets collatéraux sur la population qui vivent maintenant au seuil de la pauvreté et de la précarité. Comme séquelle principale, l'espérance de vie s’est énormément dégringolée, passant à 59 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes. Certains rapports annoncent 49 ans comme moyenne dans le pays.

LES SÉQUELLES DE LA RENTE SUR NAURU

Avec toutes les maladies des pays riches liées au cœur, au sang, à l’appareil digestif, au rein, aux dents, etc… qui rongent une grande partie de la population, c’est à une morte lente et à une fin dramatique auxquelles sont soumises les humains de ce pays devant les yeux impassibles du monde entier qui se sont déguerpis une fois le magot rempli et la source desséchée. On ne finit pas ce passage sans citer ce partenariat signé en 1997 avec l'institut international du diabète et cet état redevenu pauvre mais avec des répercussions très graves. Cet accord stipule que les Nauruans acceptent de se livrer à toutes sortes d’examens médicaux et génétiques sur une période de vingt années, contre de possibles compensations financières au profit de son gouvernement. Après une parenthèse très prospère, le nauruan touche le fond de l’abîme en se substituant aux animaux  en cobayes. Pour ainsi dire, Nauru cède ses enfants pour essayer de survivre dans ce monde impitoyable où tout le monde s’en détourne de son sort cruel. Les algériens ont-ils déjà oubliés les années noires avec le FMI appelé à la rescousse et en vous dictant ses lois après une chute brutale des cours du baril ? Alors un peu de recul, nous ferait bonnement réfléchir.

Tous les ingrédients sont donc réunis en nous pour subir le chaos de Nauru dont l’exploitation   de son phosphate a radicalement transformé cette jeune démocratie prometteuse à ses débuts en un état corrompu et clientéliste. La malédiction des matières premières est là pour nous rappeler la faillite d’un état et la ruine de ses habitants tout en détruisant tous les liens qui les tissaient à leur culture traditionnelle. C’est une histoire qui peut nous servir d’exemple et d’avertissement comme le rappelle la vidéo  intitulée « Nauru : une île à la dérive » de l’émission Thalassa de France 3 projetée en ce 27 septembre 2009 [4]. Toujours dans le cadre de ces prémonitions, nous recommandons à nous tous comme livre de chevet celui de Luc Folliet : « Nauru, l'île dévastée » [5] ou encore du même auteur un reportage télé accompagnant son livre avec le titre terrible, « L’implosion écologique de l’île de Nauru » [6], tout en espérant que la leçon nauruane serait retenue.

LES INGRÉDIENTS NAURUANS SUR L’ALGÉRIE

Ce cataclysme pourrait surgir à tout moment et à grande échelle en Algérie. Il faut prendre au sérieux ce syndrome de Nauru. Cette république est tombée en déchéance pourtant elle n’est même pas de la taille d’une de nos petites villes mais elle a un président, un gouvernement, un parlement de 18 députés, un aéroport international et une compagnie aérienne avec des avions et possédait des comptes garnis en milliards de dollars qui se sont volatilisés sitôt la crise avait pointé en le dépouillant de tous ses biens. Elle pouvait être mieux gouvernée qu’un mastodonte comme le nôtre. Et pourtant son destin est des plus inattendus.

Actuellement, le gaz de Schiste provoque un grand débat dans le pays, du moins sur les réseaux sociaux et sur les colonnes des journaux. Si le pays songe à se tourner vers cette ressource nuisible aux ressources hydriques dont il ne s’agit pas ici de le redémontrer, c’est que les gouvernants sentent la fin très proche des hydrocarbures. Si nous décidons d’exploiter cette nouvelle énergie au détriment des énergies renouvelables, on court vers un autre désordre écologique qui hypothéquerait grandement l’avenir du pays et ceux des générations futures. Ce serait encore une fois une fuite en avant.

Depuis que les autorités ont fait de la rente des pétrodollars leur feuille de route, tous les us des citoyens se sont totalement métamorphosés dans le mauvais sens. L’Algérie n’est vue non pas comme un pays à aimer mais traitée comme une vache à lait. C’est une grosse tarte à partager. Chacun veut sa part du gâteau. Il y a ceux qui ont avalé la grande portion et continuent de la croquer, de la déchiqueter de tous leurs dents de rapaces. Il y a ceux dont l’unité de change est le dinar, d’autres monnayent en milliards de centimes (un bâton ou un « mechehat » dans le jargon de nos soi-disant affairistes), les enfants et les neveux privilégiés comptent en centaines millions d’euros et les invisibles en milliards de dollars.

Pauvre Algérie qui peut finir usée et en vieille malade, victime de ses enfants qui lui ont subtilisée tous ses biens et profité d’elle jusqu’à la moelle de son épinière, ils lui ont volée tous ses joyaux pour la laisser finir ses jours dans la douleur, bonne à rejoindre le cimetière ou à défaut la maison de vieillesse. Elle leur a tout donnés mais en retour que de faux espoirs. Les dinars ne leur suffisent plus, ce sont les dollars et les euros et de toutes sortes de gains en monnaie forte qui les attirent vers la proie désignée par l’Algérie.

Depuis plus d’une décennie, au lieu d’éradiquer le mal, l’affaire Khalifa a fait des émules en encourageant tous les prédateurs à s’acharner davantage sur la malheureuse Algérie, la dernière en date, celle baptisée par affaire Sonatrach 2, qui vous donne l’envie de vomir, est là pour nous rappeler l’horreur qui persiste. Des gens sans scrupules qui n’ont jamais porté l’Algérie dans leur cœur comme le dévoile ces transactions qui nous rappellent le rôle maffieux de ces intermédiaires.

Attention, l’Algérie possède une mémoire d’éléphant qui se souvient de tout, du plus petit au grand et énorme détail. Elle voit tout, subit tout mais ne réagit pas immédiatement. Sa revanche est un plat qui se mange froidement  qu’elle réserve à chacun  de ses résidents qui ne lui ont pas été fidèle, qui l’ont escroquée et qui lui ont dérobée sa jeunesse.

Références:
[5]- Luc Folliet, Nauru, l'île dévastée - Comment la civilisation capitaliste a anéanti le pays le plus riche du monde, Edition « La Découverte », 2009.

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2 commentaires:

  1. L'exploitation des gaz de schiste en plus des dégats écologiques irréversibles et la pollution des nappes aquifères profondes va péréniser la situation de rente et de corruption actuelles les Algériens seront rentiers à vie.Il ya bien des pays qui n'ont ni pétrole ni gaz et qui vivent mieux que nous.Au lieu de rechercher d'autres sources d'énergie conventionnelle il est surprenant qu'on ne pense guère aux économies d'énergie.L'Algérie est est "carburophage" en ramenant le prix de l'essence sans plomb et du mazout totalement importés à leur prix d'achat on réduirait la circulation automobile et les accidents de la route de 70% !A 100 DA le litre on arrêtera le financement ,par l'Algérie , d'une bonne partie des carburants qui traversent nos frontières vers nos voisins d'est et d'ouest.A méditer

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  2. Ce qui sauvera ce pays est une prise de conscience forte des algériens ou une partie des algériens. Qui sont ils ? Les intellectuels, les journalistes, les politiques etc... Cela devra les emmener à se rassembler autour du "comment alerter convenablement ". Chacun attend que les autres bougent, cercle vicieux, il maintient tout le monde dans l'expectative.C'est bien beau de voir par ci et par là, des articles récurrents qui n'avancent presque à rien, sinon de nous angoisser davantage. Que l'on s'arrête de perdre du temps dans les diagnostics éternels et que l'on commence à parler (autour de nous d'abord ) de l'urgente nécessité à mettre en place les moyens capables d'opérer le changement salutaire. Un mouvement fort et imprégné de cette conviction doit surgir et c'est le rôle d'abord de ceux que j'ai évoqué au début de cet "appel "...Oua Allah Elmouèfique.

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