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Article paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du Jeudi 25 Avril 2013 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
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En étant un jeune universitaire au milieu des
années 70, je me rappelle qu’on prenait souvent le train pour rejoindre la
ville d’Oran à partir de celle du lieu de la demeure des parents. Le spectacle
qui me paraissait incroyable, c’étaient ces sièges neufs ou rénovés de ces
wagons que les voilà déjà éventrées par des personnes inconnues qui se dissimulaient
en usant de leurs couteaux aiguisés dès qu’elles sentaient l’occasion propice
pour accomplir leurs méfaits.
La même scène s’offrait également à nous
lorsqu’on on prenait le bus de l’entreprise étatique de la défunte Sntv. Des
banquettes déchirées par des mains suspectes à l’aide de lames tranchantes,
c’était le sort réservé à ces autocars flambants neufs de marque Man, importés
à coup de devises de la lointaine Allemagne fédérale avant l’épopée de la Sonacome.
Mais qu’est-ce qui rendait cette catégorie
d’algériens aussi inciviques que ça ? Au point de croire que tous ces
biens ne leur appartiennent nullement, en pensant peut-être que toutes ces
richesses sont détenues par les dirigeants en face d’une plèbe qui vivait dans la
misère et la pénurie en sus de l’oppression. Durant ces années, les hydrocarbures
commençaient à être considérés comme l’aubaine qui subviendrait à tous les
besoins du pays. La corruption n’était qu’à un stade rampant. L’appétit est
venu en mangeant.
La preuve, on faisait visiter la zone
industrielle d’Arzew, la grande fierté nationale, à tous les présidents
étrangers amis ou les grandes personnalités du monde qui visitaient la jeune Algérie.
Jusqu’à aujourd’hui, on continue encore de pomper notre sous-sol comme une
mamelle merveilleuse inépuisable dont on nous annonce bientôt son tarissement
mais dont une majorité des algériens n’y croit pas à une fin proche du mythe
pétrolier en continuant de dormir dans son sommeil profond.
Pour ce qui est du vandalisme, puisque c’est
ainsi qu’il faut nommer ce phénomène, je ne comprenais pas encore le geste de
ces infortunés qui soupçonneraient éventuellement une utilisation de ces moyens
de transport par les familles de la Nomenklatura de l’époque ou qu’un ministre ou
ses enfants allaient les prendre comme à l’instar des pays scandinaves.
Lors des émeutes de 88, ces pratiques se sont
amplifiées. De nombreux manifestants s’attaquaient contre tous les biens
publics, en incendiant les édifices étatiques, des mairies jusqu’aux
commissariats de la police, qui avaient subi un saccage inimaginable jusqu’à la
dernière insignifiante plaque de sens interdit. Certes, c’était un véritable
soulèvement mais d’où venait alors cette envie de s’attaquer à tout ce qui symbolisait
l’état, de casser tout ce qui le représentait ? On assiste à la même attitude
des manifestants durant ces temps-ci avec la multiplication de révoltes qui ont
lieu un peu sporadiquement partout dans le pays. Tantôt on brûle une poste,
tantôt on assiège les forces de l’ordre qui empêchent les dégâts de se propager
en s’opposant aux jets de pierres lancés et ces routes bloquées par des
barricades instantanées.
Tout jeune, je me remémore encore que l’on
distinguait parfaitement le bien privé à ne pas toucher, il faisait presque du
domaine sacré en contradiction avec tout ce qui appartient à l’état. On désignait
ce dernier par celui du « beylik » relatif à l’époque ottomane quoiqu’elle
fût révolue mais qui reste très présente dans les esprits à travers les récits de
plusieurs générations malgré que l’histoire de cette période remonte à très très
loin. En tous les cas, toutes les sources indiquent que tout qui est étatique
relève du domaine public. On pouvait se servir et faire jouir son entourage à
satiété si la moindre occasion allait se présenter. Il faut profiter au maximum
de cette fortune nommée « Baylek ».
Pourquoi alors cette forte distinction entre
les deux si ce n’est une méfiance mutuelle, entre les gouvernants et les
gouvernés, qui s’éternise et qui n’a pas été réglée depuis l’indépendance ?
Et ce qui envenime de plus en plus ces rapports qui ont connu plus de bas que
haut durant ces 50 dernières années. Si certains détruisent, lors de ces rébellions, tout ce qui a été
réalisé par l’état, c’est qu’on sent que ce pouvoir n’émane pas de leurs aspirations.
D’autre part, il ne dépense qu’au compte-goutte lorsqu’il se sent acculé et
pressé en jetant même l’oseille par les fenêtres. Au fait, cette rente n’est
utilisée que pour asseoir le système mais son futur s’annonce plus que sombre
s’il persisterait dans cette voie figée et obstruée à l’autre extrémité.
La seconde cause vient tout simplement d’une
autre conséquence de cette rente qui retarde toutes les échéances politiques.
Aucun algérien n’a jamais senti qu’une route, qu’un hôpital ou qu’une école, aient
été réalisés de sa propre poche grâce aux prélèvements des impôts comme c’est
le cas dans les pays qui comptent uniquement sur le labeur des siens. C’est
tout à fait logique que dans ces pays-là, le citoyen suit pas à pas la
destination de son argent, tandis qu’ici on ne soucie guère de cette
revendication, principalement de ceux qui vivent dans l’informel et dont ce
système arrangerait bien leurs affaires occultes comme si cette manne soit
tombée du ciel pour maintenir les choses en leur état actuel où presque tout le
monde fait son beurre. Ne pas payer ses impôts en occident est jugé comme de
l’incivisme caractérisé. Dans les pays européens, on ne peut imaginer qu’un
citoyen fait de la casse son leitmotiv sauf ceux de ces banlieues
marginalisées. Dès que les injustices sont présentes, les opprimés ne cherchent
qu’à se venger.
C’est un cercle fermé qui piège les gouvernants
successifs qui ne pourrait mettre un terme au rassasiement d’un peuple assisté.
La sauvegarde du pays ne pourrait s’entrevoir que par l’établissement d’une
relation basée sur la loyauté, l’honnêteté et la sincérité à bâtir qu’aux frais
d’élections affranchies de tout contrôle douteux. On sait bien que tout ce que
l’on endommage va être le lendemain reconstruit immédiatement tant que l’argent
coule à flots. On a installé plutôt une relation d’une paix précaire mais qui
ne pourrait assurer une stabilité durable. Une dégringolade du prix du
baril fausserait tous les calculs et retomberait le pays dans une
turbulence profonde.
C’est comme si on est entrain de profiter de cette
position inconfortable d’illégitimité de cet état qui le rend plus vulnérable plus
faible que jamais face à un peuple qui persévère dans cette illégalité tout
azimut, dans cette situation d’un face à face perpétuel, en campant infiniment
dans l’informel le plus absolu. Les gouvernants peuvent faire les meilleures
propositions utiles pour le pays mais il leur manquerait toujours ce visa
indispensable des urnes. Même si on pourrait se tromper une fois de cible dans
cet exercice démocratique à construire, on ne resterait pas aveugle
éternellement. L’expérience ne pourrait venir que si l’exemple serait exercé à plein
temps, ne serait-ce qu’à des doses planifiées.
L’important est de sortir de ce marasme dans ce labyrinthe infini.
Le civisme auquel les algériens aspirent à le
devenir ne viendrait que d’un état fort tant sur les plans intérieur
qu’extérieur, par une confiance retrouvée qui serait placée en ses dirigeants
réellement élus, sortis de leur volonté et qui leur rendraient des comptes tout
au long de leur mandat, qui partent et qui reviennent lorsque le scrutin aurait
rendu son irréprochable verdict.
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