mercredi 16 janvier 2013

Guerre au Mali : De quoi serait-il fait demain ?


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Article paru dans les colonnes du Quotidien d'Oran du Jeudi 17 Janvier 2013 que vous pouvez consulter également sur les liens suivants:
- en format pdf: 
http://fr.calameo.com/read/0003704469e78962e98e0
- en format pdf zippé: http://lequotidien-oran.com/pdfs/17012013.zip
- en format html: 
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5178058
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Depuis le Vendredi 11 Janvier 2013, tout le monde a été surpris par la rapidité des évènements qui a vu la France aller trop vite en besogne dans une guerre qui pourrait être un bourbier aux conséquences incalculables non seulement pour le Sahel mais pour tous les pays de la région si elle se prolonge au-delà des prévisions de ses initiateurs au détriment d’une réelle solution politique.

Tout de suite, les observateurs et les experts en la matière du monde entier se sont braqués vers ce pays dont nous partageons 1376 kilomètres de frontière, la seconde en terme de longueur après le voisin marocain. Peut-être que les algériens dans leur majorité ne se sont-ils jamais aussi intéressés vers le mali que ces temps-ci, actualité oblige. On ne regarde malheureusement depuis très longtemps que vers le nord, rarement à l’est et à l’ouest, très très peu vers le sud à cette Afrique dont nous tirons que géographiquement notre appartenance. Nous y habitons mais la tête est tout le temps déboussolée ailleurs.

Tous les yeux se sont donc soudainement orientés vers ce pays, théâtre d’une nouvelle guerre et bombardés à partir d’avions qui survolent notre ciel. Impensable il y a quelques temps seulement ! A part la capitale Bamako, aucun nom d’une autre ville n’était connu par les algériens à part les initiés ni d’ailleurs la forme de la superficie de ce pays qui nous rappelle étrangement les contours de l’Irak. Des villes comme Gao, Tombouctou, Kidal, Mopti, Konna, Ségou sont subitement devenues des noms qui se répètent à longueur de journées et en boucle sur les journaux télévisés locaux et étrangers. Le décor est planté qui voit notre pays vibrer au ton des rafales après l’intermède libyen.

Après le choc, des titres d’articles parcourus sur le net ouvrent aussi le débat avec des internautes aux commentaires à vous couper le souffle. Comme dans chaque forum, il y a les partisans du « Oui » et ceux du « Non » qui s’affrontent avec leurs claviers aux quatre coins du pays et de l’étranger. En lisant tous les papiers écrits ces derniers jours lorsque les choses sur le terrain se sont-elles accélérées, vous êtes à la fin étourdis par ses analyses presque catastrophiques sur les conséquences futures sur notre pays, menacé de tous les côtés par cette seconde guerre à ses frontières en seulement moins de 15 mois d’intervalles après la proclamation de la fin de la précédente.

Si vous consultez les journaux télévisés français, la solidarité est de mise avec des partis politiques disciplinés presque unis pour la circonstance à part quelques très rares oppositions à cette opération baptisée « Serval ». Leurs médias vous passeront la pilule, c’est juste une balade, vous annoncent-ils, qui va durer quelques temps et les choses  rentreraient aussitôt dans l’ordre comme si de rien n’était. Les séquelles de cette guerre qu’ils considèrent éclaire seraient vite effacées et le tour serait ainsi joué. Ceci étant pour la théorie, la pratique est toute une autre paire de manches. Ils vous disent que ce serait de la haute technologie avec des frappes chirurgicales. Cela nous rappelle étrangement l’Afghanistan avec cette fois-ci à sa place dans son rôle le Malistan comme l’a si bien surnommé Kamel Daoud. A juste titre, la France remplacerait les Etats-Unis dans le rôle principal. Notre pays se verrait octroyer le second rôle du voisin Pakistan [1]. Voilà pour l’introduction, l’entrée est servie. Nous nous découvrons dans de mauvais draps.

Les seuls bémols chez la classe politique, ce sont les papiers signés par deux politiques français qui ne sont pas d’accord avec l’approche guerrière de Hollande. En effet, dans une tribune écrite, au lendemain de l’intervention française, par Dominique de Villepin [2] qui s’oppose clairement à la solution armée en prônant l’option politique. Il termine son intervention par une phrase lourde de conséquences : « Je n’ai depuis jamais cessé de m’engager pour la résolution politique des crises et contre le cercle vicieux de la force. Aujourd’hui notre pays peut ouvrir la voie pour sortir de l’impasse guerrière, si elle invente un nouveau modèle d’engagement, fondé sur les réalités de l’histoire, sur les aspirations des peuples et le respect des identités. ».

Quant à Noël Mamère, d’Europe Ecologie-Les Verts, il n'y va pas par quatre chemins pour avouer les dessous de l'intervention de la GauchAfrique, qui ait succédé à la Françafrique selon son expression en écrivant, entre autres, dans cet article: « Il ne faut pas se cacher la réalité, nous avons des intérêts stratégiques dans cette grande région du Mali : pétrole, uranium, ressources énormes en eau souterraine, terres cultivables…Tout cela est convoité par les multinationales françaises, qataries, américaines… Sans oublier la plate-forme aéroportuaire de Tassalit (près de Kidal), utile pour surveiller et contrôler toute la région du Sahel, la Méditerranée, la mer Rouge. ». Pour rappel, son papier s’intitule: « Intervention au Mali : quel est le vrai but de cette guerre ? ».Tout un programme !

D’autres voix comme celles d’Olivier Besancenot du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) dénonce une « intervention militaire impérialiste décidée par Hollande, une fois de plus sur le dos des peuples (…). Qui a dit que la Françafrique c’était fini ? » [3]. On peut aussi citer Jean-Luc Mélenchon ou Jean Marie Le Pen, ce dernier ne s’oppose pas contre la guerre proprement dite mais s’étonne d’appuyer un camp en Libye et son contraire au Mali qui n’est que l’effet boumerang du premier conflit.

Du côté arabe, l’éditorial d’Abdel Bari Atwan, patron du journal d’El Quds El Arabi, dévoile selon son point de vue les réelles cartes de cette guerre et titre : « La Guerre au Mali...et l'objectif l'Algérie ». Des déclarations qui sèment le doute dans l’esprit des algériens. Il n’est pas le seul à penser ainsi comme on va le constater un peu plus bas.

Côté algérien, vu le mutisme inquiétant des autorités qui alimentent et amplifient toutes les rumeurs, on a vu des articles qui ne pensent nullement le contraire du journaliste palestinien Abdel Bari Atwan à l’instar de Mohamed Tahar Bensaada avec sa chronique : "Les mensonges de la propagande de guerre française au Mali" [5] où il énumère point par point les mensonges pour la provocation de cette guerre. Le Professeur Chems Eddine Chitour se pose la bonne question qui taraude plus que jamais nos esprits qu’auparavant avec son  écrit "Le Mali en miettes. À qui le tour ?"[6]. Il édicte les intentions à peine voilées de ces bidasses qui vont en guerre. Un autre article de Laid Seraghni nous délivre directement et sans aucun détour la question posée plus haut avec son titre : "Derrière l’enjeu malien : la France coloniale cherche à punir l’Algérie historique" [7].

Le reste est à venir avec cet amer mais nécessaire plat de résistance qui nous est servi par Ahmed Adimi, Professeur en sciences politiques à l’université d’Alger-1, dans une interview accordée au Soir d’Algérie et dont le titre est de la rédaction du journal : «L’intervention française a pour objectif de fragiliser l’Algérie». « Nous avons totalement perdu l’influence que nous avions par le passé sur l’ensemble du continent africain. Nous payons le prix de notre absence. Et les conséquences risquent d’être difficiles à supporter. Sincèrement, je pense que la prochaine étape sera le partage du Sud algérien. L’intervention étrangère au Mali a pour objectif de fragiliser l’Etat algérien, c’est une réalité. J’ai tendance à voir le danger partout, mais le risque est réel. » Rajoute-t-il. La phrase fatale est lancée avec cet objectif inavoué et qui devrait donner matière à réfléchir non seulement aux autorités mais aux algériens qui doivent épouser, corps et âmes, la grandeur de ce pays.

Le Professeur Ahmed Adimi termine son constat d’échec de nos politiques en concluant que : « Avant de pouvoir faire face à ses adversaires, il faut pouvoir jouir d’une parfaite légitimité. Le front interne tire sa force de la légitimité des urnes, de la légitimité démocratique. ».

Je ne pense pas qu’il existe une aussi belle conclusion à méditer que celle de se retourner vers les peuples dont puisent justement sa ferme autorité, tant qu’intérieure qu’extérieure, le président français et dont seuls les intérêts suprêmes de son pays l’amènent à prendre les décisions qui s’imposent à son destin. Il sera le comptable devant ce même peuple s’il échouerait dans sa politique.

Références :

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