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Article paru sur le matindz Online le 30 Octobre 2013:
http://www.lematindz.net/news/12741-enseignement-entre-la-qualite-dhier-et-la-quantite-daujourdhui.html#comment_163586
Et aussi sur le site d'Algérie-Focus en date du 16 Novemvre 2013:
http://www.algerie-focus.com/blog/2013/11/tribune-libre-enseignement-en-algerie-entre-la-qualite-dhier-et-la-quantite-daujourdhui/
Ainsi que sur le journal "Le Provincial" d'Annaba du 18 Novembre 2013:
http://fr.calameo.com/read/0003704463af167c81afd
http://www.lematindz.net/news/12741-enseignement-entre-la-qualite-dhier-et-la-quantite-daujourdhui.html#comment_163586
Et aussi sur le site d'Algérie-Focus en date du 16 Novemvre 2013:
http://www.algerie-focus.com/blog/2013/11/tribune-libre-enseignement-en-algerie-entre-la-qualite-dhier-et-la-quantite-daujourdhui/
Ainsi que sur le journal "Le Provincial" d'Annaba du 18 Novembre 2013:
http://fr.calameo.com/read/0003704463af167c81afd
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Supposons que les coopérants enseignants étrangers,
qui particulièrement européens exerçaient dans le pays au cours des années 70,
revenaient subitement sur leurs traces d’hier pour reprendre leur métier après
au moins 40 années d’absence.
Que penseraient-ils alors du niveau actuel de
nos lycéens et de nos étudiants notamment par rapport à l’ancien temps ou
comparativement aux étudiants des universités européennes d’aujourd’hui ? Quoique
les moyens matériels d’hier étaient totalement dérisoires. En tous les cas, je
ne souhaiterais pas être en leur compagnie lorsqu’ils découvriront le
traumatisme éducatif que nous subissons. Je me sentirais certainement tout
minuscule et humilié, non pas par complexe d’infériorité mais de ce qu’on a
fait de notre enseignement.
Et pourtant, les étudiants du lendemain de
l’indépendance des années 70, n’avaient absolument accès aux livres qu’en salle
de bibliothèque universitaire avec seulement 2 ou 3 exemplaires par spécialité
pour un nombre dépassant 4 sections d’au moins 200 étudiants chacune, à titre
d’exemple à l’université d’Oran. Il fallait tout le temps pister son camarade
qui rendait le bouquin recherché pour l’emprunter de nouveau le temps de
quelques heures uniquement tel un trésor
précieux. Les documents étaient dans un état d’usage avancé par la force d’être
abondamment feuilletés. C’étaient de vraies archives à classer. La plupart des
étudiants se contentaient uniquement des cours et des travaux dirigés dispensés
lors des séances hebdomadaires. Il n’y avait ni photocopieuse miraculeuse ni documents
illimités qui sont diffusés sur le Net avec tous genres de livres, des cours
des prestigieuses universités mondialement connus, ou des célèbres lycées,
téléchargeables à souhait. De nos jours, je parie qu’il existe au fin fond des
étalages de nos bibliothèques universitaires des bouquins empoussiérés qui
n’ont jamais été consultés depuis la nuit des temps.
Hier, le stylo marchait à merveille, on
écrivait à la main du matin au soir tout en assimilant les cours prodigués. Il
ne fallait louper aucun détail car la répétition était bannie. Les questions
ridicules étaient presque taboues. Il fallait tourner sept fois sa langue avant
de poser une question. On recopiait tout à la main tous les documents fournis
par les camarades de classe du simple ancien sujet au moindre exercice de travaux
dirigés qui passaient sous les yeux. Il est vrai qu’on était tous entraînés en
se servant des punitions d’antan avec l’écriture de 100 fois en autant de fois,
par exemple du type : « je ne parle plus en classe ».
Les fameux bordas étaient une denrée très rare.
La première chose à visiter lorsqu’on descendait le week-end en ville était de
faire le tour des librairies étatiques et privées où on n’avait aucun choix
sauf pour les ouvrages soviétiques de couleur rouge des éditions Mir qui
garnissaient à satiété les vitrines. Ils
n’avaient rien de pédagogique, rien à voir avec les livres des éditions
européennes ou nord-américaines avec ces dessins et représentations à vous
couper le souffle mais chers et inabordables pour notre condition de parents à
la limite de la pauvreté. C’était une différence entre le jour et la nuit.
Pour le lycéen que j’étais, il fallait user de
son temps pour dénicher un ancien sujet du baccalauréat sans son corrigé bien
sûr ni les annales qui se trouvent de nos jours à chaque librairie du coin ou
ceux publiés dans les journaux. Pour la préparation des examens, on naviguait
aveuglément. Il n’y avait ni cours privés, ni de soutien. On se contentait de
ce qu’on faisait en classe du jour avec il est vrai des enseignants pleinement
dévoués à la noble cause. Il n’y avait ni triche, ni complaisance. La volonté
et la motivation y étaient présentes pour vous maintenir dans cet état de constante
mobilisation.
L’Algérie venait de sortir du joug du
colonialisme et ses enfants avaient soif de l’apprentissage et du savoir.
N’est-ce pas qu’une grande majorité des enfants de l’indépendance ont été
auréolés de grands diplômes d’enseignants, d’ingénieurs, de médecins et de
docteurs universitaires issus de familles rurales et totalement
analphabètes ? Toutes les compétences algériennes qui font le bonheur des hôpitaux
et des universités à l’étranger ne datent-elles pas pour leur grande majorité de
cette période bénie ? N’était-ce pas un miracle cette extraordinaire
progression ? Passer du néant à
cette sensationnelle situation en un laps de temps.
Est-ce que les étudiants tardaient à l’époque
de reprendre le chemin de l’université que vers la fin d’octobre après avoir
avalé le mouton de l’aïd sans qu’ils soient traduits en conseil de discipline
pour être expulsés après avoir au moins raté le quart du volume horaire
des enseignements semestriels sans que l’on crie au scandale ? Sauf en
médecine où l’on dispose des étudiants les plus brillants et disciplinés principalement
par la branche qui donne de meilleurs atouts pour l’avenir.
Est-ce qu’il serait possible pour un enseignant
universitaire d’aujourd’hui de noter par un zéro absolu en devoir surveillé un
tiers d’une section d’étudiants en physique de première ou de seconde année du
cycle des sciences exactes à l’instar de chez Monsieur Bernard Held en
physique atomique et nucléaire à l’université d’Oran sans qu’il soit menacé d’être
renvoyé ou accusé de blocage des étudiants par l’administration d’aujourd’hui ?
Pourtant Monsieur Held ne tolérait jamais qu’un étudiant entre en salle après
avoir fermé derrière soi la porte d’entrée de l’amphithéâtre, c’était un
silence de mosquée lorsque le cours débutait à midi. Le repas était automatiquement
sacrifié sans que l’on rouspétait ou revendiquait le changement d’emploi du
temps dont on n’avait d’ailleurs aucun droit de regard. Est-ce que les
étudiants d’alors qui étaient parmi les plus lumineux de l’époque en
mathématiques oseraient-ils de remettre en question leurs notes si ce n’est de
se remettre à travailler davantage ? On ne demandait jamais à consulter
nos copies sauf si l’enseignant décidait de nous les montrer dans l’objectif de
nous dévoiler nos lacunes. Alors oser demander un point supplémentaire à son
enseignant était senti comme une véritable hérésie ou un blasphème qui ne passait
absolument par votre esprit. Par ailleurs, on ne signait aucune pétition pour
la remettre au doyen et partir avant les fêtes de l’aïd sans que l’on nous
donnait une autorisation officielle, prétextant un manque de moyens de
transport à ne rien avoir avec ceux des années 70 à 80 où c’était un parcours
du combattant.
Plus les examens se rapprochaient et plus on
redoublait d’effort à réviser. On remplaçait le dîner en resto U par une simple
omelette ingurgité à la va-vite pour ensuite veiller tard le soir grâce à une
tasse de café noir et être debout tôt le matin identiquement à un soldat en
mission recommandé. Si tu ne travailles pas bien à un devoir surveillé, tu n’as
droit à aucun examen de rattrapage ni de système de compensation. C’était le
quitte ou double à prendre ou à laisser. On n’arrêtait pas de trembler avant la
distribution des sujets le considérant comme étant le plus décisif de son
parcours d’études. L’ami Abdelkader Kenniche ne cessait de supplier son
camarade Khaled, qui s’assoyait à l’examen sur une table plus basse que lui, de cesser de vibrer sinon il allait lui-même, par
son influence à distance, entrer en résonance par la transmission de l’inévitable
crainte en tremblant de tout son corps ! Ce fût un temps où les études étaient
la chose la plus importante, un visa nécessaire et indispensable pour réussir
dans la vie.
Il n’y avait ni téléphone portable, ni
kit-mains, ni Bluetooth, ni le copier-coller pour leurrer. A la moindre fraude,
te voilà expulsé de la salle en sortant tête baissée avec un zéro à la clé et
une traduction en conseil de discipline sans aucun moyen de recours de
reconsidérer les mesures prises à votre encontre où vous pouvez risquer l’exclusion
de l’année ou encore plus pire sans aucun recours ni circonstances atténuantes
ni encore moins une minime intervention. Ni grèves des étudiants, ni influence
du directeur et de ses adjoints, ni pression de là-haut ni message des
autorités, ne venaient déstabiliser les décisions indélébiles prises en toute
âme et conscience selon la réglementation en vigueur et en toute liberté.
Actuellement, vous risquez l’arrêt et la
barricade des entrées avec des portes cadenassées de toute l’université sans
que les autorités n’interviennent pour mettre de l’ordre et de la discipline en
faisant respecter la loi. Touche pas au désordre ! Il ne faut pas être la
cause de l’effet de la boule de neige qui peut prendre forme à n’importe quel
instant surtout si nous sommes à portée de mains des élections. Il faut
attendre que les instructions atterrissent d’en haut ! Quand on ouvre des
petites brèches, elles s’ouvrent continuellement en devenant des boulevards où
tout le monde s’y engouffre à satiété. Le calice jusqu’à la lie a été bu ces
derniers temps où on permet aux fraudeurs à la dernière session du baccalauréat
cuvée 2013 d’avoir gain de cause après avoir revendiqué sans aucune pudeur que
leurs sanctions soient revues à la baisse, en les épongeant telles les dettes
financières publiques et privées ! Dîtes-moi S’il Vous Plait, mes chers
lecteurs, qu’est-ce qu’on encourage à travers ces nouvelles dérives ?
Les valeurs ne se sont-elles pas malheureusement
inversées ? Après trente années d’une carrière où vous assistez chaque
jour sans résistance à une tendance vers le bas. Vos étudiants de l’année 1983
ne ressemblent en aucune manière, ni de près ni de loin, à ceux de 30 années
plus tard. Pourtant, vous n’avez pas changé d’un iota si ce n’est l’expérience en
plus doublée de la dégringolade en sus. Malgré cela, vous vous sentez être le
centre de l’embarras si vous ne changerez point dans vos jugements. Vous vous
sentez être le dernier maillon de la chaîne qui résiste tant bien que mal à ce
déluge qui est en train de tout détruire sur son passage. Tous les responsables
vous regardent de travers identiquement au dernier gardien du temple. Tôt ou
tard, vous subissez le même sort que vos prédécesseurs. Le bulldozer va
indéniablement écraser tout sur son passage.
Lorsque des étudiants d’aujourd’hui veulent
imposer le choix les enseignants qui leur dispenseraient les cours de leurs
cursus en recherchant par là à obtenir par tous les moyens le diplôme que le
savoir et la connaissance, vous vous soupirez en souhaitant votre retraite
anticipée. Peu importe les méthodes, l’important c’est le papier qui ouvre
grandement la voie aux carences relevées.
N’est-il pas réel que toutes les structures de l’état en souffrent
péniblement de la formation bâclée. Si vous remettez un zéro sur une copie
d’examen, vous êtes remis à l’ordre mais si c’était un 20/20, tous les
responsables vous regardent du bon œil car vous leur évitez les réprimandes du
supérieur hiérarchique et d’une pierre deux coups avec le poste in extremis sauvé.
Tu te dis : où va le pays comme certains ne cessent de le hurler sans que
les consciences soient en mesure d’être écoutées car leurs voix sont écrasées
et rendues inaudibles par le brouhaha de la médiocrité. De nombreux enseignants
ont abandonné la lutte et ont jeté depuis longtemps l’éponge pour ne se consacrer
qu’à leur carrière et à leur butin. Ils ne soucient guère de ce qu’il
adviendra. Par leur silence, ils sont devenus l’allié par excellence de ce
système.
Faut-il condamner ces étudiants ?
Non ! C’est tout ce système, en
particulier, qui est à proscrire en voulant faire de l’école et de l’université
qu’une grande garderie, assistée mais éloignée de tous les enjeux et en marge
de tous les défis qui attendent le pays. Entre la qualité d’hier et la quantité
d’aujourd’hui, il faut faire le choix en associant les deux. Le populisme et la
démagogie ne riment à rien et n’ont aucun avenir sauf, tôt ou tard, que le mur infranchissable
à rencontrer.
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Excellent papier, merci monsieur Beghded pour cette production intellectuelle et pédagogique titanesque.
RépondreSupprimerlarbi_mehdi.